Histoire d’un village cauchois : Thibermesnil
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Thibermesnil, petite paroisse en plein cœur du pays de caux, comptait 40 paroissiens en 1260, 31 feux en 1738 et 38 maisons en 1823, quand celle-ci fut réunie à la commune de Yerville.
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Thibermesnil fut donné au XIe siècle par Guillaume de Tancarville à l’abbaye Saint-Georges de Boscherville, puis passa aux Bigot de Monville, aux La Ferté, puis à la famille de la Myre dont un descendant sera maire, pendant 30 ans, à Yerville. Cet endroit était autrefois formé de marécages et de bois.
Ce village me fait penser à une citation de Guy de Maupassant :
« C’était un petit village, planté au beau milieu du pays de Caux, semé de fermes qui dressent ça et là leurs carrés d’arbres dans les champs. La commune, en dehors des chaumes disséminés par la plaine, ne comptait que six maisons alignées des deux côtés de la grande route, avec l’église à un bout du pays et la mairie neuve à l’autre bout. »
D’ Ouville l’Abbaye à Thibermesnil, on se rendait dans ce hameau par le chemin des sabotiers, chemin qui permettait aussi d’aller autrefois vers le château. Celui-ci portait bien son nom car on y retrouve de nombreuses familles de sabotiers installées depuis le XVII ème siècle telles que : Louis Héquet et Marie Marthe Dufils, Jacques Lebret et marie Vendanger, Pierre Angrand et marie anne Lebret, Jean François Mainbourg et Magdeleine Martin, Jacques Foulongne et Rose Constance Guiton etc......
Les sabotiers s’installaient dans des cabanes, à l’écart des villages, près des bois ou des forêts où ils trouvaient leur matière première : le bois. Ils fabriquaient des sabots portés à la campagne car le bois était omniprésent et peu onéreux. Leur solidité et rigidité s’imposaient pour certain travaux de la terre (la semelle permet d’enfoncer la bêche par exemple) et l’hiver c’était chaud. Le métier se transmettait de père en fils.
L’importance du’ nombre de sabotiers, tous indiqués comme travaillant dans le parc de Thibermesnil, laisse supposer qu’on y a déraciné des arbres en quantité considérable. Peut-être utilise-t-on les hêtres qui ont été abattus pendant la Révolution ou, encore, M. de la Myre fait-il de l’argent avec les troncs blancs et lisses qu’avaient marqué d’une croix fatidique les sans-culottes.
En 1812, Thomas Richard, né le 4 mai 1 786 dans la commune de La Feuillée, canton d’Argueil, arrondissement de Neufchatel, travaille pour le compte du sieur Adrien Béhéray, marchand de bois et sabotier, dans le parc de M. de la Myre. Le dit Béhéray a un autre ouvrier à la même époque en la personne de Jean-Louis-François Picquerel, âgé de 47 ans, né le 18 octobre 1762 à Morgny, dans l’Eure . Ce second sabotier quitte Thibermesnil, en possession de son livret, le 28 avril 1812. Agé de 55 ans, il se marie le 17 mars 1817 à Yerville, avec Marie Angélique Legrand dont il aura une fille Henriette Hyacinthe en août 1818.
L’entreprise de Béhéray devait être importante. Outre les ouvriers ci-devant nommés, nous trouvons encore mention de Jean-Baptiste Durand, né le 1 er mai 1791, à Croisy, canton d’Argueil, arrondissement de Neufchâtel ; de Jacques-Etienne Bénard, né à La Feuillée, mêmes canton et arrondissement, âgé de 42 ans ; de Romain Bénard, âgé de 42 ans, originaire de la même commune et vraisemblablement son frère jumeau ; de David Jouanne, 42 ans, de même origine, et, enfin, de Joseph-Antoine Coulbeau, âgé de 17 ans, né à Grémonville.
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Dans le journal « l’abeille cauchoise » de mars 1846, on trouve ce fait divers :
Ce dimanche 15 mars, vers une heure du matin, un individu d’une trentaine d’années, élégamment vêtu, se présenta chez le sieur Pierre Foulongne, sabotier à Thibermesnil. Cette personne, de nationalité anglaise, demanda à passer la nuit dans la cabane située au milieu des bois. Foulongne, qui était couché depuis longtemps, demanda à l’étranger pourquoi il se présente à cette heure avancée de la nuit à son domicile. Il répondit qu’il s’était perdu et qu’il est très fatigué. Il lui offrit une chaise et alla se recoucher. A son réveil, il trouva l’individu presque mort ! Foulongne fit appel au médecin de Yerville, Mr Gallice, qui vint dès qu’il pût. Malheureusement, vers 14h, l’étranger venait de rendre son dernier soupir. Ce malheureux était porteur d’une bouteille d’opium. Tout porte à croire qu’il se serait empoisonné. Sur lui, on retrouva une somme de 3 francs et une carte où l’on pouvait lire ces mots : « Hôtel de France, au Havre ». On ne saura certainement jamais d’où il venait et qui il était !
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La vieille chaumière :
Après avoir suivi une petite route, bordée de hauts talus plantés de hêtres , on aperçoit au fond d’une cour plantée de pommiers, où s’ébattent des oies, une vieille chaumière.
On reconnaît tout de suite la vieille chaumière cauchoise adossée à son talus, avec ses colombages sur un soubassement de pierres. Le toit de chaume a été remplacé par des ardoises. Les vieilles portes en bois semblent défier le temps. Au dessus de l’une d’entre elles, gravée dans la poutre, on peut lire la date de 1761.
Sur le côté gauche du chemin, dans la cour, trône un vieux puits en grès. L’eau était transportée avec des seaux ou avec des brocs. la corvée était la même, été comme hiver, pour les femmes et les enfants autrefois.
De cette chaumière, on devait apercevoir, à travers le parc et les jardins, le superbe château.
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Le château de Thibermesnil
Succédant à une forteresse médiévale, probablement entourée de douves, le château de Thibermesnil a été entièrement réédifié au XVI ème siècle.
Ce château était situé sur la commune de Yerville, au hameau de Thibermesnil. L’entrée du château, appelée avenue d’Yerville, se trouvait près des faubourgs d’Yerville , sur le chemin qui allait de ce bourg à Vibeuf. A gauche de l’entrée, longeait le chemin d’Ouville à Pavilly et le hameau de Grosoeuvre. Derrière le château, côté parc, se trouvait le hameau de Thibermesnil composé de masures.
Actuellement, en mars 2019, des fouilles sont effectuées par l’inrap, dont l’archéologue David Honoré. Des traces de plantations, datant de 1700, ont été retrouvées sur l’ancienne avenue. Plusieurs rangées d’arbres allaient du château jusqu’à l’église de Yerville. Sur un plan chronologique, les scientifiques ont identifié un site gaulois du IIe ou Ier siècle avant Jésus-Christ, soit environ 2 200 ans, et un site gallo-romain rural. « Une ferme indigène délimitée par un enclos fossoyé », note David Honoré, avant de présenter un four qui devait servir à couler du bronze ou réduire du minerai de fer. (article Paris Normandie du 2 avril 2019)
En mars 1591, les ligueurs s’étaient emparés du château de Thibermesnil. Charles Henri Goutimesnil de Bois-Rozé s’y retrancha et prit ses mesures pour le défendre contre un retour offensif des protestants. Effectivement, Aymar de Chattes, gouverneur de Dieppe, sort de cette ville le 11 mars 1591 avec cinq cents cuirassiers et onze cents arquebusiers, tant à pied qu’à cheval et investit la place. Le vaillant capitaine se défendit en héros, mais il dut enfin céder sous le nombre, et Aymar de Chattes, l’ayant retenu prisonnier de guerre, fit sauter la forteresse.
En dépit d’un siège qui le mutila en 1591, il était encore, dans le courant du XIX ème siècle, avec les hêtraies de son immense parc, l’un des plus beaux ensembles de Seine Maritime. Les vestiges furent détruit au début du XX ème siècle.
En 1858, de nombreux vases étaient sortis de terre dans l’une des plus anciennes allées du château de Thibermesnil ; un siècle plus tard, en I963, Monsieur Michel Mansois, agriculteur vibeuvien, découvrait en travaillant l’une de ses terres situées entre Vibeuf et Thibermesnil, quelques urnes funéraires gallo-romaines qui témoigneraient de l’existence d’un ancien cimetière
Actuellement, lorsqu’on traverse le hameau de Thibermesnil, on ne voit plus que quelques ruines composées de murs de pierres et d’une motte entourée par la plaine herbagère.
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Famille de la Myre
D’après les historiens et des titres authentiques, cette famille tenait, dès l’an 1031, un rang distingué dans la haute noblesse des bailliages de Laurac et de Châteauneuf en Guyenne, et son nom se trouve honorablement placé parmi ceux des plus illustres maisons de Guyenne, de Languedoc et de Quercy. Son nom existait avant l’introduction des fiefs, et ceux de cette maison étaient qualifiés chevaliers dans les temps où ce titre ne s’acquérait que par des services militaires.
Le premier de ce nom que l’on connaisse, est Pons DE LA MYRE, qui fut présent, avec plusieurs autres seigneurs, à un acte du 6 des kalendes d’octobre 1031, la 35e année du règne du roi Robert, par lequel Ermengaud, par la grâce de Dieu comte et marquis, et Bélaschitte sa femme, vendent à Arnaud Spire un alleu situé dans le comté d’Urgel.
(décès d’un valet de chambre en 1760)
Concernant Thibermesnil, on va s’intéresser à la branche de la Myre de la Motte prise au 7 ème degré :
Je vais juste vous faire un bref résumé de cette branche. Vous trouverez l’ensemble de cette généalogie et biographie dans le lien ci-joint.
Guillaume de la Myre, Ier du nom dans sa branche, chevalier, seigneur de la Motte-Séguier de Bartombal, et de Manant, capitaine de cinquante hommes de pied, gascons, second fils de Robert de la Myre, chevalier, et de Flore de Biran, seigneurs de la Motte-Séguier. Il est né en 1464, et servit avec son père les rois Louis XI et Charles VIII.
Ont suivi : Robert né en 1505, Guillaume né en 1532, Jean né en 1601, Guillaume né en 1632, Antoine né en 1676, Gabriel Melchior né en 1717.
Gabriel-Melchior, comte de la Myre fut chevalier, baron d’Hangest, châtelain de Davenescourt, seigneur et patron de Thibermesnil, Pimont, Yerville, Vibeuf, Lindebeuf, le Torps, Frainville, Boinville et autres lieux, lieutenant pour le roi au gouvernement de Picardie. C’est le premier qui est nommé seigneur et patron de Tibhermesnil. En effet, la famille de la Myre, va acheter le fief de Lindebeuf à Antoine Philibert de la Tour et deviendra ainsi seigneur de Yerville, Vibeuf, Lindebeuf et du Torp.
Son fils Alexandre Joseph Gabriel, du second mariage de son père en 1764, nait le 13 avril 1771, à Thibermesnil, certainement au château. C’est le troisième enfant du couple et le premier à naître à Yerville. Son frère Antoine Louis qui suivra, va aussi naître à Thibermesnil en 1773. Les deux filles aînées, Anne Charlotte et Françoise Henriette, et la dernière Gabrielle Alexandrine étant nées à Davenescourt, dans la Somme en 1764, 1769 et 1776.
Alexandre Joseph Gabriel va entrer au régiment du Roi en 1788. Il va émigrer à Hambourg pendant la révolution et reviendra en 1795. Sa mère et son frère seront emprisonnés. Sur les instances des habitants, elle fut libérée et retrouva ses biens.
http://remus80.eklablog.com/davenescourt-a126300164
Il va se marier sous contrat le 10 octobre 1795 avec Elizabeth Françoise Aglaé le Pelletier d’Aunay dont il aura deux enfants en 1802 et 1804.
1824 : bailliage à Marcoussis :
http://vieux-marcoussis.pagesperso-orange.fr/Chroniques/justiceM2.htm
Il sera maire de Yerville de 1826 à 1852. En 1847, Joseph Gabriel de la Myre, en tant que maire de Yerville, est chaque jour assiégé par plus de deux cent pauvres auxquels il distribue du pain, du bois, de l’argent et des vêtements. Il fait don de sa fortune en aumônes. Sa charité est inépuisable. (mémorial de Rouen du 14 mars)
Il décédera le 24 septembre 1852 en son château de Thibermesnil, âgé de 81 ans.
La sœur de Gabriel Melchior de la Myre, Anne Charlotte, sera l’unique personne de cette famille à se marier à Thibermesnil le 9 janvier 1753 avec Charles François Joseph de Runes, seigneur de Warsi. (vues 11 à 13 des archives)
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Généalogie et biographie de la famille de la Myre :
http://gillesdubois.blogspot.com/2009/07/famille-de-la-myre.html
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L’église saint martin :
Cette petite église romane du 11e siècle releva quelque temps de l’abbaye de Saint-Georges de Boscherville (Seine-Maritime) , mais, dès le 13e siècle elle avait pour patron le seigneur. Désaffectée depuis le rattachement de Thibermesnil à la commune d’Yerville, elle tombait en ruine et fut démolie en 1836
Maurice Leblanc dans une histoire d’Arsène Lupin nous raconte ceci :
Il existait un livre du XVI ème siècle intitulé « la chronique de Thibermesnil » .Celui-ci racontait l’histoire du château depuis sa construction par le duc Rollon sur l’emplacement d’une forteresse médiévale. Il contenait trois planches gravées. L’une représentait une vue cavalière du domaine, la seconde les bâtiments et la troisième le tracé d’un souterrain dont l’une des issues s’ouvre à l’extérieur de la première ligne de remparts et dont l’autre aboutit dans une salle du château.
L’avant veille de la bataille d’Arques, le roi Henri IV vint soûper et coucher en ce château. Louise de Tancarville, la plus jolie dame de Normandie, fut introduite auprès de lui par le souterrain.
D’autre part, deux siècles plus tard, Louis XVI y aurait séjourné en 1784.
D’après Maurice Leblanc, un hypothétique trésor y serait encore caché ! Il dit aussi que Rollon, premier duc de Normandie, y fut inhumé !
F,Renout
(Administrateur cgpcsm)
Sources :
article du journal « l’abeille cauchoise » et acte d’état civil concernant l’étranger en 1846.(acte 22 vue 11)
Code lupin:un da vinci code normand
Nobiliaire Universel de France, Tome II, page 19 (famille de la Myre)
Archives départemental de Seine Maritime (actes sur Thibermesnil)