Les soldats oubliés de la guerre d’indépendance d’Amérique

jeudi 11 juin 2020
par  Francis RENOUT
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Quelquefois, au hasard de nos recherches, en lisant des textes historiques, on retrouve la trace d’un membre de notre famille pour lequel on avait pas vraiment d’informations. Ce fut le cas avec Romain Renoux, originaire de Fécamp, mort en mer le 27 août 1779, matelot pour l’unité « le vengeur », pendant la guerre américaine. Enfin, "de famille", je pense, car à cette époque il y avait deux personnes aux mêmes nom et prénom ; l’un était descendant de la famille Renou de Saint Pierre en Port (mes ancêtres) et l’autre , descendant de la famille Renou de Sotteville sur mer. Romain est soldat dans l’escadre de Charles Henri d’Estaing.

Pourquoi est-il décédé si loin de sa patrie et en quelles circonstances ? Et si l’un de vos parents fut aussi l’un de ces soldats ?

La guerre d’indépendance d’Amérique opposa les colons anglais des colonies d’Amérique du nord et les insurgents au royaume de Grande Bretagne, de 1775 à 1783. Elle commença avec le blocus de Boston en 1775 et se termina en 1783 avec la paix de Paris. L’Angleterre lourdement, endettée à l’issue de la guerre de sept ans, décida de taxer les habitants des treize colonies qui ont été les principaux bénéficiaires de la victoire. Ce qui peut paraître logique. La révolte gronda.

https://www.lhistoire.fr/carte/guerre-dind%C3%A9pendance-des-%C3%A9tats-unis

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Contre l’avis du jeune roi Louis XVI, le marquis de La Fayette (19 ans) arma une frégate à ses frais et rejoignit les Insurgents. D’autres officiers se joignirent au mouvement comme le commandant Pierre L’Enfant. Par la suite, cette révolution fut soutenue par la France. Louis XVI avait une revanche à prendre contre les anglais, ennemis de toujours, suite à la défaite française pendant la guerre de sept ans. Le roi de France s’allia alors habilement à son cousin le roi d’Espagne contre l’Angleterre. Ceci n’est qu’un bref résumé. Pour vous remettre dans le contexte de l’époque et suivre le déroulement des événements, voir les liens ci-joint :

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La Fayette et l’Amérique :

http://www.infobretagne.com/fayette-etats-unis.htm
La révolution américaine :

http://www.axl.cefan.ulaval.ca/amnord/usa_6-3histoire.htm

La campagne du vice amiral d’Estaing :

https://fr.wikisource.org/wiki/La_Vieille_France_et_la_jeune_Am%C3%A9rique_-_Campagne_du_vice-amiral_d%E2%80%99Estaing

Je vais donc plutôt m’intéresser à ces soldats partis de divers ports de France, dont Brest. Parmi les nombreux français, volontaires ou non, qui ont prit part à cette révolution, on en dénombre des centaines, de plusieurs régions de France, qui ne sont jamais revenus.

En 1936 est publié une liste des combattants morts en Amérique par Warrington Dawson, suite à de longues et minutieuses recherches, tant en France qu’en Amérique. La même année, une plaque commémorative est inaugurée par l’ambassadeur des Etats-Unis à Versailles. Celle-ci compte 2112 noms parmi lesquels on retrouve de nombreux normands et des cauchois. Elle est établie d’après des documents authentiques déposés aux archives nationales et aux archives du ministère de la guerre, publiées par les soins du ministère des affaires étrangères. Au total, il y eut plus de 50.000 morts et blessés.

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Voilà pourquoi, sous l’ancien régime, on perd la trace de certains de nos ancêtres car il est impossible, suivant certaines circonstances, de les retrouver dans les registres paroissiaux. Il faut puiser dans d’autres sources complémentaires. Quant aux blessés, il faut rechercher s’ils ont obtenus une pension, en interrogeant la base de données de l’hôtel des Invalides qui recense plus de 157.000 pensionnaires entre 1673 et 1796 :

https://www.hoteldesinvalides.org/

Un document unique « les combattants français » concernant les combattants français a été établi sur la foi de fiches de contrôles des régiments aux archives administratives du ministère de la guerre pour ce qui était des armées de terre. Mais ces fiches mal écrites par les chefs responsables qui les rédigèrent, sous la poussée des événements, sont restés non classées, dans un pèle mêle déconcertant. Beaucoup d’entre elles sont indéchiffrables. D’autres admettent plusieurs interprétations différentes des noms de famille et de lieux. Cette confusion est attribuable à la mauvaise écriture des officiers de l’époque. Par exemple, certains soldats sont morts dans des lieux où ils n’ont jamais mis les pieds ! Cet ouvrage renferme plus de 30,000 noms. Il est préférable de se fier à l’étude que fit Warrington Dawson, grâce à des documents nouveaux et à l’étude minutieuse des mouvements des vaisseaux.

https://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1936_num_28_1_1936

Liste des normands :

http://le50enlignebis.free.fr/spip.php?article17985

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Qui était Warrington Dawson ?

Warrington est né en 1878. Il est le fils de Franck et de Sarah Ida Fowler. Son père est le fondateur du journal « news and courier » à Charleston, en Caroline du sud. Sarah, scolarisée à domicile, est la fille d’une famille aisée. Elle écrivit plusieurs livres dont un sur la guerre civile et les valeurs sociales. Lorsque Sarah est veuve en 1889, elle déménage avec son fils, à Paris, où elle continue d’écrire jusqu’à sa mort en 1909.

Warrington est historien, éditeur, chroniqueur, journaliste et assistant spécial de l’ambassade américaine à Paris où il est directeur de la recherche française coloniale pour "colonial williamburg". Il recueille une multitude de documents originaux concernant la participation française à la révolution américaine. Les intérêts de sa recherche comprenaient les manuscrits français, la première histoire américaine et la généalogie familiale. C’est au cours de recherches historiques en 1928 qu’il eut l’idée d’établir, dans la mesure du possible, un tableau d’honneur des français morts aux Etats-Unis et dans les eaux territoriales de l’Amérique du Nord. Il décède en 1962.

https://allaboutheaven.org/sources/dawson-warrington-and-sarah/190

Répartition des 2112 combattants morts en Amérique :

Concernant les armées de terre, on trouve le régiment d’Agenois, d’Angoumois, d’Armagnac, d’Auxonne (artillerie), de Barrois, de Beauce, du Beaujolais,, de Bourbon, de Bourbonnais, de Bresse, de Brie, du Cap, de Champagne, de Condé, irlandais de Dillion, de Foix, de Gâtinais, de Guadeloupe, de Metz, de Picardie, d’Hainaut, de Port aux Princes, de Rohan Soubize, de Royal deux Ponts, de Saintonge, de la Sarre, de Soissonnais, de Touraine, de Viennois, de walsh, le corps royal d’artillerie, le corps royal des mineurs et la légion de Lauzun.

Dix moururent en missions spéciales : brigadier, lieutenant, maréchal de camp, colonel du génie.

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Concernant les armées de mer, on trouve les membres d’équipage et officiers mariniers des navires suivants : l’Aigle, l’Aigrette, l’aimable, l’alcmène, l’amazone, l’américa, l’andromaque, l’annibal, l’ardent, l’artésien, l’astrée, l’auguste, la blanche, le brave, le caton, le césar, la chimère, la cibelle, la concorde, le conquérant, le diadème, la diligente, le duc de bourgogne, l’engageante, l’éveillé, l’experiment, le fantasque, la fée, le fendant, le fier, la gentille, la gloire, la guêpe, le guerrier, l’hector, l’hermione, l’île de France, l’iphigénie, le jason, le languedoc, la magicienne, le magnanime, le magnifique, le marseillais, le neptune, le northumberland, le palmier, le pressigny, le protecteur, la provence, la prudente, le réfléchi, la résolue, le robuste, le sagittaire, le saint esprit, la sibylle, le solitaire, la surveillante, le tonnant, le triton, la truite, le turgot, le vaillant, la ville de paris et le le zélé.

Parmi le corps royal d’infanterie de la marine, il y eut 53 fusilliers et autres morts.

Concernant chacun des soldats, officiers, ou marins morts au combat, on trouve une description assez complète pour certains : le nom, le surnom, une description physique, son métier, le lieu d’origine, le nom du navire, la date d’embarquement, le nom des parents, le lieu et la date de sa mort, le nom de l’hôpital.

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Liste des 2112 soldats français :

http://www.francegenweb.org/lafayette/resultat.php?numero_page=11&dep=76&tri=nom

Parmi les 2112 soldats français originaire de Seine Maritime, j’ai pris quelques noms au hasard, afin de retracer leur histoire et les placer dans leur contexte familial :

Georges Jacques Corbières, matelot sur le navire « l’Ardent », décède à l’hôpital de Newport le 19 juin 1781, suite aux blessures, qu’il reçut à la bataille de Chesapeake, le 16 mars 1781. Il est originaire de Fécamp. En effet, il naît le 2 juillet 1763 dans la paroisse Saint Ouen. Il est fils de Louis François Corbières, capitaine de milice, et de Marie Anne Couture, mariés le 8 octobre 1754, à Vittefleur. Il eut comme marraine Magdeleine Jacqueline De Rogerville, veuve de Corbières, lieutenant de l’amirauté de Fécamp, paroisse Saint Etienne. Ses aïeux sont capitaines gardes côtes, président du grenier à sel de Fécamp, conseiller du Roi, échevin de la ville du Havre au milieu du XVII ème siècle. Il eut un frère et deux sœurs.

Jean Baptiste Félix Pierre Paon, maître charpentier, officier marinier de charpentage, meurt en mer, lors des combats pour Yorktown, sur l’unité « le saint esprit », le 9 octobre 1781. Il est originaire du Havre, paroisse Notre Dame, où il naît le 12 mai 1737. Il est le fils de Jacques et d’Elizabeth Anias. Il se marie le 30 avril 1765, au Havre, paroisse Notre Dame, avec Catherine Françoise Poullain dont il aura deux filles et deux fils entre 1772 et 1779 ; la dernière naissance étant le 7 novembre. Est-il parti avant cette naissance ? Toujours est-il qu’il n’eut pas vraiment le temps de connaître ses enfants.

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Jacques Alexandre De Recusson, capitaine au régiment de Saintonge, entre 1780 et 1782, est mort sans précision de date et de lieu. Il est né le 6 juillet 1745, à Fécamp, paroisse Saint Fromond. Il est le fils de Georges Alexandre Pierre, écuyer, sieur d’Attentot, et de Marie Anne De Grieu de Laillet, mariés le 24 avril 1743 au même lieu, par Lecousturier de la Motte Freneuse curé de Vauville sur les bans, oncle de l’époux. Cette famille est originaire du Pays de Caux depuis le XIII ème siècle.

Pierre Vincent Bouvet, novice de Dieppe, mort à l’hôpital de Newport, le 5 août 1781. Il est né le 27 août 1762, à Dieppe Saint Rémy, fils de Pierre, jardinier, et de Marie Dubray, mariés le 29 juillet 1754 à Rouxmesnil-Bouteilles. Il est le quatrième et dernier enfant du couple.

J’espère avoir déclenché chez vous, l’envie de faire quelques recherches.

F.Renout
(Administrateur cgpcsm)

Sources :
Warrington Dawson (journal de la société des américanistes-1936)


Documents joints

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