Sur les traces de Nicolas Pot

vendredi 5 mai 2023
par  Francis RENOUT
popularité : 1%

PNG - 179.5 kio

( Nicolas Pot, Valericais, pionnier émigré en Nouvelle France)

L’abbé Joseph Le Ber se passionna pour l’histoire de la Normandie et de ses liens avec les colonies françaises. Il a compulsé une masse considérable d’archives qu’il n’a pas eu le temps d’exploiter pleinement. Né en 1889, il est ordonné prêtre en 1912. Archéologue et historien, il sera curé de Veules les Roses de 1946 à son décès le 4 novembre 1951. Parmi ses recherches, on retrouve une liste de 95 personnes engagées, pour partir travailler ou s’établir en Nouvelle France. Parmi celles-ci on trouve un Nicolas Pot de Saint Valery en Caux.

Quelle était la motivation de Nicolas Pot, originaire du Pays de Caux pour décider de traversée l’atlantique, afin d’aller s’établir en Nouvelle France ? L’espoir d’une vie meilleure ! On peut le penser ! Poussées par une situation économique difficile, la misère, la perte d’un travail, les persécutions religieuses, des milliers de personnes partiront vers des terres lointaines en quête d’un avenir meilleur. Ce pays nouveau était reconnu pour ses magnifiques paysages, ses hivers rigoureux et ses relations parfois tendues avec certaines tribus indiennes.

Les jours de marché, dans les foires et dans les ports, les marchands, les capitaines de navire, les officiers de marine défilent à la recherche de main d’oeuvre et de soldats pour peupler ces nouveaux territoires et établir des comptoirs.

PNG - 220.8 kio
(Contrats d’engagement)

Nicolas naît le 29 décembre 1642, à Saint Valery en Caux. Il est le fils de Nicolas Pot et de Marguerite Guilbert. Il passe son enfance et son adolescence dans ce petit bourg cauchois, bordé par la mer. Beaucoup d’habitants sont marins. Rêve t-il d’aventure ?

Agé de vingt et un an, il se rendit à Dieppe, ville portuaire située à 8 lieues de son village natal. C’est là qu’il s’engage le 12 novembre 1663 pour se rendre en Nouvelle France. A cette période, entre le 24 octobre et le 28 décembre 1663, on note une centaine d’engagements par la compagnie marchande « Cap de nord » pour la Nouvelle France. Celle-ci prit en charge la subsistance des recrutés, de l’automne 1663 au printemps 1664, en remettant aux engagés une somme fixe de 100 livres pour leur nourriture, en attendant l’embarquement.

Les engagés devaient avoir moins de 26 ans et être un homme en bonne santé. Il acceptait par contrat de servir un employeur pour une période de 36 mois. Son engagement en France comprend le passage aller-retour sur des navires marchands, un salaire d’environ 75 livres par an dont une avance d’une année et un montant pour l’habillement. Une fois arrivé au pays, il avait l’obligation de servir ses maîtres et de se soumettre à certaines restrictions (ne pas se marier, ne pas acquérir de biens ou faire du commerce). Au terme de son contrat, l’engagé pouvait retourner en France, au frais de son engageur ou s’établir dans la colonie. A ce moment là, Il peut devenir propriétaire, se marier et fonder une famille.

https://cfqlmc.org/bulletin-memoires-vives/bulletins-anterieurs/bulletin-n-31-decembre-2010/les-archives-conservees-en-france-marcel-fournier-ouvre-la-porte-a-la-redecouverte-de-sources-incontournables-pour-l-origine-des-quebecois

PNG - 385.2 kio

Nicolas Pot, Pierre Gabet de Blosseville, Robert Gaultier de Veules les Roses, et les autres personnes engagées prirent le départ le 12 avril 1664, sur le navire « le Saint Jean Baptiste », propriété de CharlesAubert de La chesnay, commandé par le capitaine Pierre Lemoyne. Certains affirment que les propriétaires sont les marchands Caullier (directeur de voyage), le Breton, Bulteau, Guenet et autres, tous de Rouen. Ce navire emmènent des personnes, des provisions et des munitions suivant les ordres de sa majesté. Dix semaines après son départ, ce navire de 300 tonneaux, armé de 24 canons, fit débarquer les 150 passagers dont dix filles du Roy, à Québec, le 30 juin 1664. Il fallait impérativement que les engagés soient en Nouvelle France pour les travaux d’été.

La traversée de l’atlantique aux XVII et XVIII ème siècle ;

https://cfqlmc.org/bulletin-memoires-vives/bulletins-anterieurs/bulletin-n-22-octobre-2007/la-traversee-de-l-atlantique-aux-xviie-et-xviiie-siecles

En mai 1666, Nicolas est recensé à Montréal. Au cours des années 1666 et 1667, il est domestique chez Mathurin Langevin dit « la croix », originaire d’Anjou. Il y passa certainement les trois années prévues lors de la signature du contrat et devait être libre de toute obligation en juillet 1667.

PNG - 775.5 kio
(Montréal en 1670)

Navires venus en Nouvelle France des origines à 1699 :

https://www.naviresnouvellefrance.net/

PNG - 244.7 kio
(Navires à destination de Québec en 1664)


Biographie de Mathurin Langevin :

La famille des Langevin dits La Croix est l’une des plus anciennes de Montréal. Le surnom de La Croix lui fut attribué en Nouvelle France (surnom de soldat certainement). Mathurin Langevin est né à Saint Vincent du Lude, le 12 octobre 1632. Il est le fils de Mathurin et Marguerite Mahay.

PNG - 92.2 kio
(Mathurin Langevin)

Mathurin est recruté par Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, pour Montréal. Connu sous le nom de « la grande recrue », il est engagé comme colon soldat, le 17 mai 1653, par contrat fait devant le notaire la Fousse, à la Flèche. Il quitte Saint Nazaire , le 20 juin 1653, à bord du Saint Nicolas, commandé par le capitaine Pierre le Besson. Malheureusement, après quelques jours de navigation, le « Saint Nicolas » qui prend l’eau revient au port, après 350 lieues parcourues en mer. Il repart le 20 juillet. La traversée fut longue. Une fièvre contagieuse s’installa à bord et fit périr huit passagers.

PNG - 148.7 kio
(Québec en 1699)

Le 22 septembre 1653, Après de multiples déboires, les 120 passagers dont 108 soldats et 12 femmes, débarquent à Québec. Le 16 novembre de la même année, Mathurin arrive à Ville Marie (Montréal).

Le 24 juillet 1654, Mathurin reçut une concession de trente arpents de terre de Paul de Chomedey. Ceux-ci sont situés au dessous du coteau Saint Louis. Un autre arpent où on planifiait d’établir la ville, servira d’endroit où il pourrait construire une maison. Suite au contrat de mariage du 28 septembre 1654, Mathurin épouse Marie Renaut, dans la chapelle du collège de la compagnie de Jésus, à Québec.

PNG - 454.5 kio
(Québec en 1664)

Mathurin fut très zélé pour la défense de Villemarie dont il prit part à plusieurs combats. Le 6 mai 1662, Nicolas Langevin est l’un des trois colons qui résistèrent courageusement à 50 iroquois, sur la ferme Sainte Marie, à l’est de l’ancienne ville de Montréal. Une plaque fixée au coin des rues Saint André et Lagauchetière rappelle cet événement historique.

PNG - 484.6 kio
(Plaque commémorative combat du 6 mai 1662)

En 1663, suite aux attaques répétées des iroquois et à la proposition faite aux colons par Paul de Chomedey, gouverneur de Montréal, il s’enrôla dans la milice de la Sainte famille. Cette confrérie militaire devait s’unir à la garnison pour défendre Villemarie. En 1667, estimé de ses concitoyens, il devient syndic.

Après leur mariage, le couple Langevin s’installe à Québec, comme le montre les recensements de 1666 et 1667. Ils possèdent 8 bestiaux et 4 arpents en valeur. On note aussi la précense de Nicolas Pot, Pierre Chicoisne (domestiques) et Marie Godin, leur filleule (1666). Après 19 ans d’union, sans enfants, Marie Renaut décède en octobre 1673. Un an plus tard, le 9 octobre 1674, Mathurin âgé de 42 ans, épousait à Québec, Marie Thérèse Martin dont il aura plusieurs enfants. Agé de 86 ans, Mathurin entre à l’hôpital général de Montréal des sœurs grises entre le 10 et le 20 mai 1718. Sa date de décès est situé entre mai 1718 et le 30 octobre 1722.

PNG - 870.5 kio


Biographie de Nicolas Pot :

Son histoire en Nouvelle France commence donc, comme on vient de le voir, comme engagé domestique chez Mathurin Langevin de 1664 à 1667, à Montréal.

En 1670, Nicolas réside à Batiscan. Batiscan est une seigneurie ecclésiastique, située sur la rive nord du fleuve Saint Laurent , à l’aval de Trois Rivières. Cette seigneurie fut concédée aux jésuites, par le révérend père de la Ferté, aumônier du Roi et membre de la compagnie des cent associés.

PNG - 271.8 kio
(Acte de mariage du 25 mars 1670)

Nicolas se marie, le 25 mars 1670, à l’église Saint Michel de la mission Saint Joseph de Sillery, avec Suzanne Neveu. Le contrat de mariage est établi par le notaire Romain Becquet. Suzanne, fille de Jean Neveu et d’Anne Ledet, originaires respectivement de la région du Poitou et de Charente Maritime, est née le 11 octobre 1655, à Sillery.

PNG - 286.9 kio
(église de Sillery)

L’église Saint Michel est bâtie en 1644 par les jésuites. Sillery est devenu un des 35 quartiers de la ville de Québec, situé en bordure du fleuve Saint Laurent. Cette ancienne ville devenue quartier est nommée ainsi en l’honneur de Noël Brûlart de Sillery, chevalier de Malte. En 1651, les terres de Sillery sont érigées en fief et seigneuries. C’est le lieu de la première réserve amérindienne et mission des jésuites. Le registre de Sillery est le plus ancien manuscrit conservé aux archives de Québec. Il date de 1638.

Mission Saint Joseph de Sillery :

http://docplayer.fr/139691986-La-mission-saint-joseph-de-sillery.html

On ne peut pas continuer l’histoire de Nicolas sans raconter une anecdote concernant son beau-père Jean Neveu, originaire de Saint Georges de Montaigu, fils de Jacques et Marie Michelle. Il s’était engagé comme maçon, le 10 juin 1645, chez Mme de la Pelletrie, suite au contrat signé pour trois ans, devant Maître Teuleron. Il devient plus tard propriétaire d’une partie des plaines d’Abraham, dites les buttes à Nepveu. Ayant été découvert que Jean était déjà marié en France, il fut convaincu de bigamie et rapatrié. Son union avec Jeanne Ledet, datant du 28 janvier 1653, fut annulée. Ses enfants, Barbe et Suzanne, furent déclarés illégitimes. Jean était originaire de Saint Georges de Montaigu, en Poitou. Y retourna t-il ? Quand à Jeanne Ledet, elle se marie de nouveau, le 2 septembre 1657, à Québec, avec Gilles Pinel, dont elle aura 9 enfants.

Nicolas et son épouse auront 8 enfants entre 1674 à 1691. Au recensement de 1681, il se trouve encore à Batiscan. Il est mentionné que Nicolas possède trois « bestes à cornes » et 8 arpents de terre en valeur. A la naissance de leur dernier fils Jacques, en mars 1691, le couple et leurs enfants habite Québec.

Agé de 48 ans, Nicolas décède le 30 juin 1691, à Québec. Il sera inhumé le jour suivant 1 juillet, à la basilique Notre Dame. Concernant la succession, il existe un inventaire établi par Gilles Rageot, notaire, en date du 13 août de la même année.

Sur l’acte de mariage de son fils Pierre, on mentionne qu’il était marinier. Sur les actes, Nicolas signait : « N. pot »

Plus d’un an plus tard, Suzanne Neveu se marie en secondes noces, le 18 octobre 1692, à la basilique Notre Dame, avec Jean Devin. Le contrat de mariage est établi par Louis Chambalon, notaire.

Sur les archives du Québec, en date du 11 juillet 1707, on trouve une reddition de comptes (N°389) par Jean Devin et Jeanne Neveu, à Martin Pot, Jeanne Pot, Pierre Pot et Françoise Pot.

Suzanne Neveu décède le 28 janvier 1727, à Québec. Un inventaire sera effectué par Maître Dubreuil, le 13 août 1691, en vue d’établir la succession.

Biographie de leurs enfants :

Sur les huit enfants, quatre décédèrent en bas âge. Marie Pot née le 10 août 1688, à Batiscan, se marie le 17 janvier 1707, à notre Dame de Québec, avec un navigateur nommé Martin Jeanne. On note une descendance au Québec de nos jours, en lien direct avec Marie.

PNG - 299.3 kio
(église Saint Sauveur-la Rochelle)

Le fils aîné Pierre, né vers 1674, de retour en France, se marie à l’église Saint Sauveur, à la Rochelle, le 7 mai 1697, avec Anne Perrault, veuve de Pierre Poirier, marchand mercier. Pierre, marinier, est toujours en France, en 1710. Entre 1712 et 1715, Pierre est flibustier à la Martinique selon une procuration faite en 1712 et déposée en 1715 devant maître Chambalon, notaire, au Québec. A cet époque, il signe Pierre Pot Saint Valdy. « Saint Valdy », un surnom dont on comprend facilement le lien avec Saint Valery en Caux. Le 30 janvier 1715, il fait une donation à Suzanne Neveu, sa mère, veuve Nicolas Pot, épouse Jean Devin.

François Xavier né le 3 juin 1686, à Batiscan, est apprenti chez Nicolas Doyon, armurier. Il signe un contrat de cinq ans devant maître Chambolon, en 1698. En 1707, il est toujours en vie car cité sous la tutelle et curatelle de Martin Jeanne.


Francis Renout

(Administrateur cgpcsm)

Sources :
Recherches de l’abbé Le Ber
Liste des engagés à Dieppe par la compagnie cap de nord (1663/1664)
Répertoire des actes des émigrants français et étrangers établis au Québec des origines à 1865
Québec des origines à 1865
Archives du Québec (actes d’état civil et registre d’église-collection Drouin
Charbeaunneau Hubert et Legare : répertoire des bms et recensements du Québec
Robert Larin (Engagés pour le Canada à Dieppe)
L’ancêtre (bulletin de la Sté de généalogie de Québec-1999)
Wikitree (site généalogique)
Marcel Fournier, historien, auteur, conférencier et généalogiste (contrats d’engagement et liste des passagers pour le Canada)
Tristan Franconville (Echanges d’informations par mail -novembre 2022)


Documents joints

PDF - 2 Mio