Défense du littoral Normand à l’époque de la guerre de sept ans

samedi 16 mars 2019
par  Francis RENOUT
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Rappel des événements :

La guerre de Sept Ans se déroule du 19 août 1756 au 10 février 1763. Elle oppose la Prusse (alliée du Royaume-Uni) à une coalition formée par la France, l’Autriche, la Russie, la Saxe, la Suède, la Pologne. En Europe, la guerre de Sept Ans a eu des conséquences très importantes. La Prusse devient une grande puissance avec qui l’Autriche doit composer en Allemagne. La France perd sa prépondérance militaire et diplomatique.

Parallèlement, la guerre se déroule aussi en Amérique du Nord, où les Français installés au Québec luttent contre les Britanniques, mais également en Inde, où ils se disputent le contrôle d’une partie du pays. Les Britanniques sont victorieux. La France perd son empire colonial pour le bénéfice des Britanniques et des Espagnols. Le Royaume-Uni devient la première puissance coloniale et maritime et prépare ainsi sa place de première puissance industrielle du XIXe siècle.

Quelques mois avant l’ouverture des hostilités, une ordonnance royale du 26 mars 1756 procède à une série de modifications importantes au sein de l’organisation générale des milices gardes-côtes.

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Les événements en Normandie :

A partir de 1755, l’Angleterre harcèle sans cesse la flotte Normande. Le 22 septembre 1755, le marquis d’Argenson note que les anglais nous prennent tous nos navires marchands et ne savent plus qu’en faire dans leurs ports. Louis XV, après avoir protesté contre ces pirateries et ces brigandages, se résigne à déclarer la guerre à l’Angleterre en 1756.

Les populations cauchoises sont menacées d’une tentative de débarquement de la part des anglais. Aussi plus de cinquante compagnies de cavalerie sont réparties dans notre région. Nos villages, bourgs et villes regorgeaient de troupes qui logeaient chez l’habitant.

Au cours de la guerre de sept ans, les anglais ont mené plusieurs opérations d’envergure diverses en Normandie comme les attaques des corsaires, harcelant les caboteurs, les vaisseaux marchands et les barques de pêche jusqu’à l’embouchure des havres et des ports de la Manche, mettant parfois une chaloupe à terre pour rafler quelques têtes de bétail.

Depuis un temps très reculé, il existait, le long des rivages de la Manche, des milices du guet, sorte de garde nationale, destinée à la surveillance, à la prospection et à la défense des côtes. Elles étaient divisées en deux compagnies bien distinctes, avec des attributions différentes, dites compagnies du guet, et compagnies détachées.La Normandie, vers le milieu du XVIII ème siècle, possédait d’après le comte d’Estaintot, onze capitaineries et soixante compagnies se composant chacune de quatre vingt hommes.

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Au XVIII ème siècle, entre 1757 et 1761, pendant nos luttes contre l’Angleterre, des bataillons de Saint Maixent, de Blois et d’Angoulême viennent tour à tour occuper le Pays de Caux dont Saint Valery en Caux et Fécamp. Ceux-ci furent appelés en renfort. Ces compagnies détachées, dites gardes-côtes, organisées militairement, véritables troupes, étaient chargées spécialement de la défense des côtes en cas d’alarme. Elles étaient plus exercées que les compagnies du guet ou des paroisses, qui se composaient essentiellement de citoyens locaux, âgés entre 18 et 60 ans, paysans et artisans pour la plupart, sans instruction militaire bien sérieuse, embrigadés pour le guet et la surveillance des côtes.Ils étaient célibataires, veufs ou chargés de famille. Chaque compagnie est désignée par le nom du village qui sert de point de ralliement. Tous ces miliciens sont affublés d’un nom de guerre, selon l’usage dans l’armée. Il correspond le plus souvent à une particularité physique ou à un trait de caractère tel qu’on le verra par la suite.

Aux périodes de guerre, en particulier avec l’Angleterre, le guet de mer était effectif. Il comprenait la surveillance permanente de la mer et les éventuelles interventions armées. Les alertes étaient transmises par signaux de fumée pendant le jour et de feu pendant la nuit. Elles étaient relayées par les cloches des églises.

L’uniforme des gardes côtes consiste en un habit de drap gris blanc, au col et aux parements bleus, agrémentés de vingt boutons plats de cuivre jaune.Un ou plusieurs galons de laine jaune distinguent les bas officiers. Il s’accompagne d’un chapeau tricorne de feutre bordé de laine blanche. C’est la version simplifiée de la tenue en vigueur depuis plus d’un siècle dans l’infanterie. A partir de 1758, l’uniforme est fourni par le roi pendant une durée de six ans.

En juillet 1759, les anglais bombardent le Havre.

En 1762, il y eut une compagnie de canonniers chargée du service des batteries pour la protection des lieux de débarquement. Dans la capitainerie de Saint Valery en Caux, à l’entrée du port, il existait une batterie de quatre canons. Il y avait aussi deux canons à Saint Martin de Veules. D’autre part, la présence de corps de garde et de plate-formes de batteries aux Petites Dalles et aux Grandes Dalles est attestée dans les rapports de Gourdon de Léglisière, en 1749, et Bonneville, en 1762 (Voir sur ce site : La défense des côtes de Normandie au XVIIIe siècle).

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Cohabitation entre les soldats et les villageois :

Les soldats qui composaient ces compagnies détachées partaient de leur région pour plusieurs mois, voir quelques années. Agés entre 16 et 45 ans, ils étaient tous, en principe, célibataires. Ceux-ci lièrent des liens avec les habitants des villages qu’ils côtoyaient. On constate sur les registres paroissiaux de cette période quelques mariages et naissances. Souvent, après la guerre, ils emmenèrent femmes et enfants dans leur région d’origine. Quelques cauchoises quittèrent donc définitivement leur région natale.

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(corps retrouvé à Epinneville le 1 février 1759)
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Ci-dessous, mes relevés sur les registres paroissiaux, concernant les naissances, mariages et décès de ces soldats, sur la paroisse de Saint Valery en Caux. Ceci, en espérant que cela aidera quelques généalogistes, qui recherchent désespérément où ils se trouvaient pendant toutes ces années.

Concernant les soldats du bataillon de Blois à Saint Valery en Caux :

Le 28 août 1760, les officiers du bataillon de Blois assistent, dans l’église de Saint Valery en Caux, à la célébration du mariage de Julien Guilmot, soldat de la compagnie de Blandainville, âgé de 28 ans, et de Marie Mullotin, veuve de Pierre Paploré, âgée de 28 ans.Etaient présent : messire Alexis Moreau, seigneur du Plessis-Moreau, commandant du bataillon, messire Louis Gaspard de Coudreau, capitaine aide-major, messire Pellerin de Saint Loup, capitaine, et Olivier de Blandainville, capitaine. De cette union naîtra Marie Madeleine Guilmot, le 8 juillet 1761, au même lieu.Marie suivra son époux dans le loir et cher et aura huit autres enfants de 1763 à 1775. Elle finira ses jours dans le village des Montils en 1804.

Le 24 janvier 1761,à l’église de Saint Valery en Caux, mariage de Jean Pacaud, soldat de la compagnie de Saint Loup, âgé de 23 ans, fils d’Etienne et Jeanne Lefort, paroisse de Châtre, diocèse de Bourges, et de Marie Fanouillère, âgée de 22 ans, fille de Jacques et de Marie Anne Dumouchel. Une fille, Rose Victoire, naît à Saint Valery, le 28 novembre 1761 et un fils Jean, le 6 avril 1766 dans la paroisse de la Châtre, dans l’Indre. Parents et enfants finiront leur vie dans Indre. Jean décédera à l’âge de 88 ans à la Berthenoux et Marie à l’âge de 66 ans à Verneuil en Igneraie.

Le 21 avril 1761, à l’église de saint valery, mariage de Pierre Robert, 24 ans, fils de Pierre et Anne Delaune, soldat de la compagnie de Longueneau, domicilié à Veules les Roses depuis 4 mois, natif de Challe, et Anne Demertot, 30 ans, fille de Valéry et de Marie Leguillon.

Le 5 mai 1761, à l’église de Saint Valery, mariage de François Dimitri Berteaux, dit du château, soldat de la compagnie d’Ambichon, de Lenfoy, et Marie Angélique Marchand, fille de Nicolas et Marie Poisson

Le 7 septembre 1761, à l’église de Saint Valery, mariage de Pierre Befeu, soldat à la compagnie de Mr Huimont, 30 ans, fils de Pierre et de Marie Chauvin, et Angélique Françoise Mullotin.

Le 5 octobre 1761, mariage à l’église de saint Valery, de Laurent Vigneron, dit la Déroute, 27 ans, fils de Simon et de Magdeleine Gourgais, originaire de Saint Etienne de Jargeau, diocèse d’Orléans, soldat de la compagnie d’Heurtemont, domicilié au même lieu depuis un an, et Marie Catherine Pihan, 27 ans, fille de Nicolas et de Jeanne Vieillot.

Le 17 novembre 1761, à l’église de Saint Valery, mariage de Noel Thomas, 31 ans, fils de Noel et de Marie Grestant, soldat, du diocèse de Chartres, et Marguerite Girard, fille de Barthélémy et de Marguerite Bourry.

Le 22 novembre 1760, Naissance de Marie Louise Renault, fille de Jean, dit la fleur, soldat de la compagnie de Mr Huetta, et Marie Louise Vallet, de Saint André de Danssy.

Le 21 février 1761, naissance de Marie Rose Recordeau, fille de Pierre, sergent des grenadiers royaux, et de Marie Panès. Ceux-ci se sont mariés le 26 octobre 1750 à Saint Saturnin de Blois, dont ils sont originaires. On note le décès d’un autre enfant, Jeanne Cécile, le 11 novembre 1757 à Saint Valery, âgée de huit mois. On constate que cela fait plus de trois ans qu’ils sont domiciliés dans ce bourg normand, loin de leur lieu d’origine.

Le 14 août 1757, décès de Jean Herpin, dit la terreur, soldat de la compagnie de Barville, de la paroisse de Chou, âgé de 28 ans.

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Concernant les soldats du bataillon d’Angoulême à Saint Valery en Caux :

Le 13 septembre 1759, à l’église de Saint Valery en Caux, cérémonie de mariage de Jean Roulier, 23 ans, fils de Jean et de Marie Girard, originaire de Saint Privat, hameau de la Marielle, diocèse de Périgueux, soldat de milice, compagnie de Mr Desgentils, domicilié depuis six mois dans notre bourg, et Marie Dubocs, 19 ans, fille de Mathieu et de Marie Anne Canard.

Le 26 avril 1759, naissance de Rose Jouannet, fille de Jacques François, sergent de la compagnie de Rochepine, et de Marie Ursule Hilimenne. Ses parrain et marraine furent Pierre Mazeau, sergent major et Rose Lafuit, femme de François Leroy, tambour major.

Le 4 janvier 1760, décès de Pierre Cousseaux, dit la terreur, originaire de Dagnes en Angoumois, de la compagnie de Mr Desgentils, âgé de 24 ans. Les témoins furent Jean Masson, sergent, Pierre Gacou, caporal et Philippe Brunet, soldat.

Le 9 janvier1760, décès de Jean Soudex, dit Francoeur, soldat de la compagnie de Mr Maubuchalon, 25 ans.

Le 26 janvier 1760, décès de Louis Laurent Parentot, fils de Laurent et de Marie Renable, dit la Tulipe, soldat à la compagnie Desgentils.

Concernant les soldats du bataillon de Saint Maixent :

Ce bataillon était connu comme mal discipliné, malpropre et peu docile.

Le 28 mars 1760, décès de Joseph Malecot, âgé de 21 ans, originaire de Taisse, soldat de la compagnie de Mr Mairay. Témoins : Jean Farray, sergent, et François Gaufreteau, soldat.

Le 23 avril 1760, décès d’Augustin Violeau, dit Lhorange, originaire de Boine en Poitou, âgé de 28 ans, soldat de la compagnie de Mr de Genes. Ses témoins furent Joseph Louis, sergent, et Vincent Guesdon, soldat.

Le 12 mai 1758, décès de François Peinet, dit la Jonc, âgé de 29 ans, originaire de Vancay (Poitou), soldat de la milice du Poitou, compagnie de Mr Daquain.Ses témoins furent : Pierre Barreau, sergent, Pierre Bergaunau, soldat, et Pierre Bibau, soldat.

Vous trouverez sur les registres de la paroisse de Fécamp "hôtel dieu", les décès des soldats à l’hôpital. Cela concerne les mêmes bataillons qu’à Saint Valery en Caux. Le premier acte est daté du 20 mai 1757 et le dernier au 12 août 1762.

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Concernant les surnoms de guerre alloués aux soldats :

Voici un relevé effectué sur la paroisse de Fécamp : dit saint louis, la jeunesse, risquetout, bellile, francoeur, des clousaux, saint clou, la ferveur, la lime, passe partout, belle rose, la tempête, deslauviers, boilevin, sans crainte, bon dessein, sans façon, la giroflée, saint pierre, remiremont, la douceur, langogne, douchâteau, la grandeur, onfroy, la chicorée, lorange, la farine, des hormaux, la forée, bellecourt, brisefer, biancone, desrosiers etc.................................

Après le traité de paix en 1763, les miliciens garde-côtes sont licenciése. Au début du règne de Louis XVI, ce roi qui aimait la mer, la garde-côtes entame son ultime réforme. Devenus canonniers garde-côtes par l’ordonnance du 13 décembre 1778, le rôle défensif des habitants se limite désormais au sein des batteries, la France disposant de nouveau d’escadres de combat.

F.Renout
(Administrateur cgpcsm)

Sources :

1) Thierry Chardon (université de Caen)

2) Jean Claude Michaux

3) recherches personnelles (archives départementales Seine


Documents joints

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