Les Feuillants d’Ouville l’abbaye
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Que représente pour vous "les feuillants" ? Je pense que beaucoup d’entre vous ne connaissent pas ce terme !
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1) Histoire des feuillants en France :
Les Feuillants, Folietani, sont les membres d’un ordre monastique bernardin de la règle de Cîteaux, issu de l’ordre des Cisterciens. L’ordre tenait son nom de l’abbaye cistercienne de Notre-Dame de Feuillant dans l’ancien diocèse de Rieux près de Toulouse (Haute-Garonne).
Cette abbaye passe ainsi en 1562 aux mains de Jean de la Barrière (1544-1600). Converti, celui-ci décide d’y vivre personnellement comme moine (1573) et, devenu effectivement abbé (1577), entreprend de restaurer l’ancienne observance. D’autres maisons adoptent sa réforme : ils devaient avoir la tête et les pieds nus, dormir sur des planches, manger à genoux, s’imposer des privations surhumaines ; par la suite, l’austérité de cette règle fut adoucie. Les Feuillants portaient une robe blanche avec un capuce blanc.
Mais l’opposition est telle, au sein même de l’ordre cistercien, qu’il faut en venir à une autonomie totale. Feuillant donne alors son nom aux religieux de l’ordre dont il est devenu la tête.
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Jean de La Barrière, fondateur de la congrégation, abbé commendataire de l’abbaye des Feuillants mourut à l’abbaye de Saint-Bernard aux Thermes, à Rome le 25 avril 1600. La communauté rouennaise ne fut créée qu’en 1612 par lettres patentes du roi, et l’installation effective en 1616. Le 19 mai de cette année, ils s’établirent dans l’ancien collège des Bons-Enfants, dans la rue du même nom, sous la protection du gouverneur de la province, le maréchal d’Ancre. Ce collège pour garçons avait été fondé, en 1358, pour l’instruction des enfants pauvres (boni pueri) de la ville, sur la paroisse de St-Vigor proches des murs d’enceinte, non loin de la porte Cauchoise, et supprimé en 1556.
Tout en enregistrant à contrecœur les lettres qui autorisaient l’établissement des Feuillants, le Parlement de Normandie éleva des plaintes contre le trop grand nombre de couvents et de religieux qui existaient dans la ville à cette époque.
Les Feuillants, à peine arrivés, utilisèrent le petit sanctuaire qu’ils trouvèrent dans l’ancien collège. Ils en firent leur église conventuelle. Le corps de logis et les bâtiments leur furent concédés par lettres patentes du 3 avril 1618. Ils avaient le droit d’utiliser la promenade pratiquée sur une portion des remparts proches du monastère.
Ils essaimèrent rapidement dans la région. Dès en 1603, ils avaient créé un couvent de leur ordre à Ouville-l’Abbaye. En 1621, ils firent l’acquisition d’une seconde maison à Ectot-l’Auber (Seine-Maritime).
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2) L’abbaye des feuillants à Ouville l’Abbaye :
Ce monastère a été fondé au XII ème siècle. L’abbaye d’Ouville était alors un simple prieuré de chanoines réguliers de l’ordre de Saint-Augustin. S’il faut en croire Duplessis, dans sa Description géographique et historique de la Haute Normandie (tome I, p. 168), c’est à la coutume anglaise de donner à ces établissements le nom d’abbayes, que celui-ci doit la qualification qu’il porte : cette maison serait appelée Ouville-l’Abbaye dans des lettres de Henri V, roi d’Angleterre, datées de l’an 1419. L’abbé Cochet pense même qu’il entrait dans la politique du conquérant de se montrer bienveillant envers les établissements d’importance secondaire, et de caresser l’amour-propre des prieurés en les décorant du titre d’abbaye. Mais cette opinion aurait besoin d’être étayée par de plus nombreux exemples.Quoi qu’il en soit, l’origine du prieuré d’Ouville est fort obscure.
C’est à la fin du XII e siècle que Guillaume d’Ouville, seigneur du lieu, aurait appelé des chanoines réguliers de Saint-Augustin, provenant peut-être du prieuré de Sainte-Barbe-en-Auge. Installé sur ce plateau dénudé du Pays de Caux, dans un pli de terrain que n’arrosait aucune eau vive, l’établissement eut, d’après Duplessis, des débuts très difficiles.
Le prieuré ne fut jamais bien florissant. Au milieu du XIII e siècle, il compta de trois à onze chanoines avec quelques frères servants, et les revenus y étaient en meilleur état que la discipline. Nous tenons ces détails de l’archevêque de Rouen, Eudes Rigaud, qui visita quinze fois l’établissement et s’efforça d’y ramener l’ordre. A la décharge des religieux, le prélat remarque qu’ils faisaient chaque jour l’aumône à tout venant. On raconte en outre que le Jeudi Saint, ils lavaient les pieds à treize enfants pauvres et leur donnaient ensuite un pain et un hareng.
Les chanoines d’Ouville eurent beaucoup à souffrir de la guerre de Cent Ans et des ravages des Bourguignons. Les troubles de la Réforme et les guerres de la Ligue aggravèrent encore leur situation. Le prieuré était tombé en commende dès 1554. Les protestants y entrèrent à main armée en 1562 ; et l’année suivante, un chanoine de la maison, qui avait quitté l’aumusse pour la cuirasse, enleva tous les titres et papiers qu’il vendit à vil prix aux parties intéressées ; ce qui fit que l’abbaye perdit tout d’un coup les rentes ou redevances qui constituaient sa principale ressource.
(vue actuelle d’un bâtiment de l’abbaye devenue maison d’habitation)
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De 1589 à 1594, pendant les guerres de la Ligue, le cloître fut, occupé par des hommes d’armes. De Chattes et Fontaine-Martel s’y installèrent. Le mal fut poussé à un tel point qu’en 1596 la maison tombait en ruines. Les gens du pays enlevaient impunément et à leur gré les portes, les fenêtres, les serrures, le plomb, le bois et même les tuiles du toit. Un ancien mémoire nous apprend que vers l’an 1601 le monastère se trouvait presque abandonné.
C’est alors que le prieur commendataire Isaac de Boivin offrit sa démission au Roi, le suppliant de réunir ce bénéfice à la congrégation des Feuillants, afin, disait-il, qu’en y envoyant un certain nombre de ces religieux on pût relever la maison, en acquitter les charges, suivant l’intention des fondateurs, et y rétablir enfin la régularité et le bon ordre pour l’édification du peuple. Henri IV se montra disposé à favoriser ce dessein. L’archevêque de Rouen, Charles de Bourbon, ayant donné son consentement, et sur la résignation pure et simple du prieur commendataire envoyée en cour de Rome, le pape Urbain VIII, par une bulle du 13 février 1602 réunit le prieuré d’Ouville à la congrégation de Notre-Dame des Feuillants.
Des lettres patentes du roi, datées du mois de novembre suivant, confirmèrent cette réunion, qui avait fait l’objet d’un vœu favorable émis par les trois Etats de la vicomté d’Arques, dans leur séance du 7 octobre 1602 . « Toutes formalités duement observées », les Feuillants furent, mis en possession du prieuré d’Ouville le 23 juin 1603. Cinq religieux, y compris l’abbé, s’y installent.
Pour réparer les bâtiments et rendre la maison habitable, le prieur résignataire n’avait pas dépensé moins de 2,000 écus, que lui rendirent, paraît-il, les nouveaux occupants. Cependant ils trouvèrent en arrivant tant de choses à faire qu’en 1645, suivant Duplessis, le cloître et le dortoir n’étaient pas encore remis sur pied. A cette date, la maison fut enfin totalement restaurée. Plusieurs seigneurs, qui eurent la dévotion de s’y faire enterrer, payèrent cette faveur de leurs libéralités. D’autres y firent des fondations. L’abbé Cochet cite celle du maréchal d’Ancre en 1617 : elle se serait élevée à la somme considérable de 209,000 livres.
En 1707, un tableau peint par Jolimont, nous donne une idée de ce qu’était l’abbaye. On y voit une cour entourée de l’église et de bâtiments. Cette cour est le jardin intérieur des moines avec un promenoir autour. Le transept gauche est dédié à la vierge et celui de droite à Saint Bernard. L’église était plus importante que celle du village qui est dédiée à Saint Martin. De tout cela il ne reste rien, sinon une porte qui communiquait avec le cloître et un contrefort intégré dans le bâtiment reconstruit en 1739. Au rez de chaussée, on y trouve le cloître, le réfectoire, la salle de chapitre, la cuisine et le chauffoir. A l’étage, le dortoir des moines formé de sept cellules, ouvre sur un large couloir.
Hors les bâtiments, les moines avaient diverses possessions dans les villages environnants, dont 45 hectares de terre à Ouville, 5 hectares à Berville, 68 hectares à Criquetot sur Ouville, 4 hectares de terre, plus des bois à Etalleville, etc.
Au centre du cloître, un puits, profond de 20m, âme matérielle du prieuré car il fournissait l’eau nécessaire à la communauté, existe toujours.
Un colombier est noté sur le plan de la seigneurie. Près de ce lieu, s’ébattent les animaux de la basse-cour des religieux feuillants. Les paysans réclamaient des dommages pour les dégâts commis par les pigeons sur les récoltes arrivant à maturité. Bien souvent, ceux-ci les tuaient, dépeuplant les volières.
(acte signé du frère Athanase à la paroisse de Mont de Bourg en 1743)
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L’abbaye possédait aussi son moulin à vent. En 1707, Gaignères et Jolimont placent le moulin près de l’abbaye. Apparemment, cet emplacement est peu probable car la circulation du vent est faible à cet endroit. Ce droit leur fut concéder vers 1322, par Jean d’Ouville, qui régnait alors sur ces terres. Différents baux ont été établis avec les meuniers concernant ce moulin et des terres attenantes. On peut relever sur les archives départementales de Seine Maritime, dans la série 10H104, les baux suivants : Mathieu Pilhem, demeurant à Armenouville, en 1566, Jean Piessart (1561), Jean et Martin Plessart frères (1567), Robert Folenfant d’Estouteville (1570), Jean et Guillaume Droys (1597), Pierre Blanchemain (1620), Barthélémy Blanchemain (1620), Jean Brasdefer de Calleville (1625 à 1628), Guillaume Desvaux de Doudeville (1633), Charles Gouyer (1641 à 1670), Jacques Lecarpentier (1674), Vincent Eude (1692 à 1709), Louis Nicole (1747) et Martin Nicole (1758 à 1774).
Avant la révolution, depuis 1210, il existait deux foires à Ouville, qui appartenaient à l’abbaye : à la Saint Mathias le 24 février et à la Saint Michel le 29 septembre. En 1748, la sentence du bailliage de Cany autorise les religieux à percevoir les droits énoncés au procès verbal de Mr de Chamillard au moment de ces foires ; c’est à dire à continuer de percevoir les fruits et revenus.
En 1785, à la veille de la révolution, le moulin à vent est en très mauvais état. Nécessitant trop de réparations, les moines le vendirent pour la somme de 2000 livres.
(acte du 9 février 1706, paroisse de mont de bourg)
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L’abbé Cochet nous apprend que, sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV, Ouville devint un foyer de jansénisme, « tous les religieux en furent infectés, et le chapitre général en fit le Botany-Bay de l’ordre pour les religieux insoumis... » L’un de ces derniers, dom Denis (Berthod) de Saint-Bernard, prédicateur éloquent et théologien distingué, y fut relégué pendant quelques mois, en 1737, avant d’être transféré à Rouen, où il mourut le 26 octobre 1744.
Détruit par un incendie en 1736, et restauré seulement trois ans après, le prieuré ne comptait plus que cinq moines au moment de la Révolution. Ceux-ci se dispersèrent dans les environs.
L’inventaire du mobilier, dressé par le maire et les officiers municipaux d’Ouville, le 10 mai 1790, signale entre autres choses « la chambre des archives dans laquelle est une armoire divisée par cazes avec des lettres alphabétiques, où sont renfermés les titres de l’établissement des Feuillans à Ouville, des rentes et dixmes et autres concernant la ditte maison ». Les immeubles furent aliénés par l’administration du district de Cany pendant les mois de janvier, février et mai 1791. On vendit des maisons, une auberge, des chaumières, H acres d’herbage et 4 acres de labour pour la somme de 82,000 francs. Le 7 mai 1792, ce fut le tour de la « ci-devant abbaye ». Son enclos, « édifié d’une église et autres bâtiments », contenant 3 acres, une pièce de terre en labour et 3 acres d’herbage furent adjugés pour 45,000 francs à Charles Leroy, Robert et Pierre Rétout, Jean-Pierre Legrand, Louis et Jean Plichet, Jean-Baptiste Levallois, curé d’Ouville-l’Abbaye, Pierre et Thomas Cavé, tous habitants du pays.
L’église, ainsi vendue aux enchères, achetée par des industriels et des laboureurs, fut démolie dès l’année suivante. Ses matériaux servirent à la construction de quelques maisons à Doudeville et à Saint-Laurent. On enleva les « hallettes » placées sur le parvis, où les marchands venaient étaler les jours de dimanches et de fêtes. On ne laissa absolument que le corps de logis reconstruit en 1739. Tout le côté sud disparut, ainsi que le cloître qui formait, avec l’église, le pourtour du monastère. Les pierres tombales signalées par Farin et heureusement décrites par lui dans son Histoire de Rouen ont disparu.
Entre les années 1700 et 1750, il n’est pas rare de retrouver sur les actes de la paroisse de Mont de bourg, des baptêmes faits par les frères moines, en remplacement du curé de la paroisse, absent au moment.
Les archives de l’abbaye d’Ouville ont beaucoup souffert des malheurs qui se sont abattus sur cette maison depuis le XIIIe siècle : guerre de Cent Ans, pillage des Huguenots, occupation des bâtiments par les Ligueurs, incendie de 1736, dispersion des papiers au moment de la Révolution.En 1789, Les Feuillants ne comptaient plus en France que cent soixante-deux religieux répartis en vingt-quatre maisons. L’ordre fut dissous en 1791.
F,Renout
(Administrateur cgpcsm)
Sources :
1) Jacques Tanguy,février 2013 (Rouen Histoire)
2) Louis Alexandre Expilly (1770)
3) Paul le Cacheux (1927)
4) Nouvelles ecclésiastiques (1739)
5) les cahiers de Minerve