Les cimetières

dimanche 29 octobre 2017
par  Francis RENOUT
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L’évolution des cimetières à travers les siècles

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Immense sujet dont je vais essayer de résumer les différentes façons de procéder en France à travers les siècles.

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Depuis des millénaires, les hommes ont inhumé les corps des morts dans des lieux caractéristiques, des nécropoles, afin de les protéger de tout prédateur, animal ou humain.

Les cimetières tels que nous les connaissons aujourd’hui sont nés avec Boniface VIII (pape de 1294 à 1304).

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Au IVème siècle, l’Eglise fit naître des attitudes nouvelles concernant le corps humain : elle déclara que le corps n’est rien mais en imposa le respect et encouragea des pratiques d’inhumation marquées par la simplicité, sans intervenir sur les lieux de ces inhumations.

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Ce n’est qu’à la fin du IVème siècle que les évêques, et par conséquent le Pape, obtinrent le droit d’être enterrés dans les églises. Une nouvelle étape débuta avec l’autorisation par la papauté de l’inhumation « ad sanctos », c’est à dire près des reliques d’un saint ou dans une église (C’est une ordonnance de mars 1776 qui mit fin à l’inhumation dans les églises). Comme ces lieux privilégiés ne pouvaient accueillir tous les corps, une sélection se mit en place, fondée sur la richesse : il fallait payer pour disposer d’un emplacement dans ces sanctuaires.
Ainsi, au moyen âge, naquit la pratique des concessions réservées à des privilégiés. Les corps des pauvres, des indigents étaient repoussés hors des murailles de la ville, ou loin de l’église. Cette pratique toucha aussi les fondateurs et bienfaiteurs de l’église et de couvents qui édifient des chapelles pour cette raison.

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Au IXème siècle, l’Eglise définit une liturgie des morts, toujours sans s’intéresser de façon précise aux lieux devant recevoir ces corps : l’inhumation se faisait dans des lieux privés, au bord d’un chemin, au pied d’une croix, dans un bois, au milieu d’un champ. L’enterrement était déterminé par les volontés personnelles, seul ou en famille. Ces corps dispersés dans la nature n’ont, eux aussi, laissé aucune trace. Jusqu’au 18ème siècle, pratiquement tout défunt était inhumé en pleine terre dans une fosse individuelle ou commune, sans édifice ni inscription.

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Au XIVème siècle, chaque paroisse devait posséder son église entourée de son cimetière qui était un lieu sacré lorsqu’il avait reçu la bénédiction d’un évêque. Les rites de bénédiction sont décrits de façon très détaillée. Pour préparer la bénédiction, les villageois taillent des croix en bois de taille humaine et les plantent dans les quatre coins et le centre du cimetière. Le jour de la bénédiction, ils déposent des bougies devant les croix et récitent des prières devant la croix centrale. L’évêque avance entre les croix et asperge la terre d’eau bénite puis une messe réunissait les villageois

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On peut considérer que du XIIIème au XVIIIème siècles, le cimetière, lieu sacré, n’était pas un espace figé et silencieux mais, bien au contraire, un espace fréquenté et animé, les villageois vivaient avec les morts. On y cueillait des fruits, on y fauchait l’herbe pour nourrir les animaux, les lavandières y étendaient le linge au retour du lavoir ; les porcs fouillaient la terre de leur groin à côté des vaches, bœufs, moutons et chèvres et des poules.

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Avant le début du XIXème siècle (avant 1804), au cours de l’Antiquité et le Moyen Age, le cimetière est en terre d’église, appartenant aux églises et aux couvents. Ceux-ci se trouvent à l’intérieur des villages, autour de l’église paroissiale et au milieu des habitations.

Le cimetière étant terre sainte, il était logique, sous l’ancienne régime et même, dans une certaine mesure jusqu’en 1904, que tous ceux qui n’étaient pas morts dans la communion de l’église n’y aient pas accès. Bien d’autres n’y eurent pas le droit : les débiteurs, les comédiens, les enfants morts sans baptême, les suicidés, les personnes tuées en duel, les usuriers publics, les excommuniés etc. En cas de sorcellerie ou d’hérésie, les personnes étaient brûlées et leurs cendres jetées au gré du vent.

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L’inhumation et les cimetières des protestants ont longtemps posé un problème difficile à résoudre pour la monarchie. Plusieurs formules furent élaborées à partir de 1563, qui prévoyaient l’inhumation au cimetière de la paroisse.
Suite au refus obstiné des catholiques, des articles secrets prescrivent aux officiers royaux d’accorder aux réformés des cimetières dans chaque ville, rien n’était prévu pour les protestants isolés. On voit le développement de cimetières familiaux en des lieux divers : jardins, caves, etc....

Les inhumations se faisaient « ad sanctos » (près du tombeau des Saints, de leurs reliques), dans un espace sacré qui comprenait à la fois l’église et ses dépendances. Puis, l’ordonnance royale du 10 mars 1776 restreint ce droit à certains cas précis, aux hauts dignitaires de l’Église notamment.

"Le mot « coemeterium » ne désignait pas nécessairement le lieu réservé aux inhumations mais tout l’enclos qui entourait l’église. On enterrait partout dans cet enclos, dans l’église et autour de l’église, dans les cours, dans !es cloîtres". L’église et son enclos (qui devint par la suite le cimetière proprement dit) ne constituaient alors qu’un même ensemble. Cet espace sacré était placé au milieu des habitations, au cœur de la vie publique. Le cimetière était, pour les populations, un lieu de marché, de réunions. On vivait ainsi pendant toute cette période dans une certaine familiarité avec la mort.

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Le XVIIIème siècle , dit « siècle des lumières » amène une évolution dans les mentalités. On s’inquiète à propos des corps décomposés, de "leur redoutable chimie" et donc au sujet du cimetière et de son voisinage vis-à-vis des habitations. Cette réflexion aboutit à la déclaration royale du 20 Mars 1776, qui oblige notamment les villes et les bourgs à déplacer leur cimetière hors de l’enceinte des habitations. Dès lors, certains lieux d’inhumation sont transférés extra-muros et ce, dans l’indifférence quasi générale des populations. Dans d’autres cas cependant, cet évènement controversé provoque des émeutes dans les villes et les bourgs concernés.

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Le Décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804) :

Le cimetière appartient aux communes et tout à chacun a le droit d’y être inhumé.
Celui-ci proclame également dans son premier article qu’ "aucune inhumation n’aura lieu à l’intérieur des églises" .

Les notables locaux se font alors inhumer, dans les décennies qui suivent, à l’intérieur de chapelles funéraires familiales, édifiées sur un terrain leur appartenant et situées à proximité du village. Celles-ci nécessitent une autorisation préfectorale. Exceptionnelles sont désormais les inhumations « ad sanctos », à l’intérieur de l’église paroissiale.

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L’article 2 du décret du 23 Prairial an XII précise qu’ "il y aura, hors de chacune des villes ou des bourgs, à la distance de trente cinq à quarante mètres au moins de leur enceinte, des terrains spécialement consacrés à l’inhumation des morts" . Ces prescriptions renouvellent celles contenues dans l’ordonnance royale du 10 Mars 1776.

Cette législation de la première moitié du XIXème siècle est issue d’un souci de salubrité des cimetières, directement hérité du XVIIIème siècle et de ses craintes à propos de la proximité et de la toxicité des corps en décomposition.

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Aussi le décret du 23 Prairial an XII indique-t-il de manière précise les qualités que se doivent de posséder les futurs emplacements des lieux d’inhumation à l’extérieur des communes. "Les terrains les plus élevés au Nord seront choisis de préférence" afin "qu’en aucun temps les vapeurs infectes ne puissent s’en élever et se répandre dans les lieux environnants"

La législation a imposé au début du XIXème siècle un nouveau mode d’inhumation (sépultures individuelles, concessions temporaires ou perpétuelles) qui accroît considérablement la surface consacrée aux morts. Le cimetière doit être de plus en plus étendu.

Au 19ème siècle, seuls les cadavres de la fosse commune restaient anonymes.

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Des formes d’oppositions, de résistances au projet de déplacement des cimetières « extra muros », se généralisent dans le cas des bourgs, des communes de plus a grande importance. La population de la commune se divise alors en plusieurs factions rivales. Ainsi, dans certains villages, la question du transfert du cimetière « extra muros » est d’actualité pendant des années, voire des décennies. Elle est régulièrement discutée au sein du Conseil municipal, sur la scène publique, sans pour autant qu’un projet aboutisse.

Cependant, la réalisation du projet de translation est généralement facilitée par l’action des notables locaux (le châtelain du village ou un gros propriétaire). En effet, dans de nombreux cas, ceux-ci font don à la commune du nouveau terrain destiné aux inhumations.

Le respect dû aux morts, entré dans les mœurs à cette époque, est très certainement un élément décisif. Celui-ci impose une individualisation des sépultures ; les tombes doivent être correctement disposées à l’intérieur du cimetière. A l’intérieur des communautés rurales, on s’afflige de la réouverture prématurée des fosses. Ceci est considéré comme une véritable violation de sépulture. De même, le creusement d’une tombe dans un cimetière exigu oblige nécessairement à rencontrer un ou même plusieurs cercueils déjà en terre. Le public présent lors de la cérémonie en est alors véritablement traumatisé.

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Un réel souci de l’hygiène en matière d’inhumation est donc présent dès le début du XIXème siècle. Aussi le décret du 23 Prairial an XII, l’ordonnance royale du 6 Décembre 1843 prescrivent-ils la translation à l’extérieur de l’enceinte des communes des cimetières insalubres. L’exiguïté de ceux-ci est alors la principale raison invoquée pour justifier ce déplacement, tout au long des XIXème et XXème siècles.

Il fallut attendre la loi publiée le 14 novembre 1881 pour connaître la laïcisation définitive des cimetières : théoriquement, le cimetière était un lieu de repos éternel, neutre et réservé à tous.

F,Renout
Sources : Marc Nadaux et divers


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