Origine et genèse des pensions de retraite
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A l’heure actuelle on parle beaucoup de notre système de retraite. Mais, vous êtes vous posé la question de savoir quelle en fut l’origine, la cause ou le point de départ ? Qui eut l’idée et dans quel contexte ? Quand la genèse de ce projet a t-elle germé dans l’esprit humain ? Ce sont des questions que l’on peut se poser dans le contexte actuel. Pour cela, il va falloir se plonger dans l’histoire mais plus loin que l’on ne pense.
Le 24 février 1670, Louis XIV décide de construire un lieu de retraite pour les soldats. Il fonde l’hôtel des Invalides, un hospice pour les soldats qui se retrouvaient démunis après avoir terminé leurs missions dans l’armée, soit en raison de leur âge ou de leur infirmité. C’est la première fois qu’un Roi met en place un lieu de retraite pour les soldats. Auparavant, ceux-ci se retiraient dans des monastères ou étaient contraints à la mendicité et causaient des troubles en errant dans les villes.
Et c’est encore sous le règne de Louis XIV que Jean Baptiste Colbert, ministre des finances, crée le 22 septembre 1673, par l’édit de Nancy, le premier régime de retraite au monde. Ce sera la caisse des invalides de la marine royale. Imaginé en 1670, par Colbert, ce régime sera réservé pour secourir les marins blessés ou invalides. Il est financé par les caisses royales et sur les retenues de traitements des marins.
Bien sûr, déjà à cette époque, c’était mûrement réfléchi dans un but bien particulier. L’objectif recherché était d’attirer et surtout de fidéliser les meilleurs marins au service de la marine militaire. Autrefois, pour le recrutement des flottes du Roy, on prenait les marins de force dans les ports et on les obligeait à embarquer sur les vaisseaux royaux. Comme il était difficile de trouver des équipages, Colbert substitua à l’enrôlement forcé des matelots dans la marine de guerre, celui de la répartition des gens de mer en trois ou quatre classes. Pour cela, il créé l’édit du 16 avril 1670. Tous les ans, on relevait une classe et chaque classe servait à tour de rôle. Ce système avait l’avantage d’assurer un recrutement régulier pour la marine royale, sans nuire à la marine de commerce et de pêche et permettait aux recrutés d’assurer un certain nombre de secours. En cas d’infirmité, les marins blessés recevaient un secours viager de deux écus par mois (ce qui équivaut à 173,88 euros).
L’édit du 23 septembre 1673, créa la retenue sur solde, base du système d’assurance des marins. Cette retenue était de six deniers par livre et devait servir à alimenter un fond des invalides de la marine destiné à la construction de deux hôpitaux. Seul l’hôpital de Rochefort, pour la marine du ponant, fut construit. Celui de la marine du levant à Toulon ne vit pas le jour. Ils étaient destinés à recevoir les marins blessés au service du Roy mais aussi les veuves et les orphelins des marins militaires et de commerce.
Par une note de 1675, fut institué le « mois des familles », délégation de solde au profit des familles de marins.
En 1681, une nouvelle ordonnance de Colbert, créa l’obligation de quatre mois de prise en charge par l’armateur des marins blessés. Cette ordonnance est l’ancêtre de tous les codes de la marine marchande, y compris le code du travail maritime de 1926 toujours en vigueur depuis.
Colbert décède le 6 septembre 1683, à Paris. Après sa mort, les successeurs de Colbert vont perfectionner le système institué pour les gens de mer. Son fils, Jean Baptiste Colbert de Seigneley, secrétaire d’état de la marine, institue le régime demi-solde pension, destinés aux officiers et marins blessés ou estropiés au service du Roy. C’est la grande ordonnance du 15 avril 1689.
En 1698 est créé le régime de retraite de la comédie française.
L’édit de Pontchartrain, de 1709, étend les pensions d’invalidité aux marins du commerce partant du fait que la marine marchande constitue une réserve pour la flotte de guerre. Quelques années plus tard, le régime est étendu aux marins de pêche. La retenue sur solde est ramené à quatre deniers par livre. Le fond créé est indépendant. Il est géré par un trésorier général des invalides de Paris.
Comme on le voit, à l’origine, la retraite n’était pas vue comme un droit à ne plus travailler à partir d’un certain âge, mais principalement comme la conséquence de l’âge qui rendait inapte à travailler. Ce régime assurait une pension attribuée à l’âge de 60 ans à ceux qui ne pouvaient plus travailler. A cette époque, la perspective de vivre vieux était réservé à peu d’individus en raison des conditions de vie difficiles et des connaissances médicales insuffisantes. Être vieux pouvait être un véritable problème si la personne n’avait pu épargner auparavant ou si celle-ci n’avait reçu aucun héritage. Il ne lui restait plus que de pouvoir compter sur le soutien familial ou sur la charité à l’initiative d’organismes religieux. Généralement, à cette époque, les parents âgés vivaient sous le même toit que leurs enfants qui s’occupaient d’eux pendant leurs vieux jours.
Concernant les réformes qui vont suivre du début du XVIII ème siècle à nos jours, voir le tableau suivant très bien documenté.
Les grandes lignes de l’histoire de la retraite :
https://www.retraite-cfr.fr/wp-content/uploads/2016/03/R-11-Histoire-retraite.pdf
Voici une base de données, gérée par des bénévoles, concernant la recherche de soldats reçus à l’hôtel des invalides. Ils furent 111394 de 1673 à 1796. Vous pouvez faire une recherche par le patronyme ou par un lieu. C’est une source d’informations très appréciable, complémentaire des registres paroissiaux.
Base de données de l’hôtel des invalides :
https://www.hoteldesinvalides.org/
Deux exemples de soldats originaires du Pays de Caux qui ont obtenu une pension :
Le 10/10/1754 :
"Jacques Joseph Bonamy Dupin, Sieur de la Princerie, agé de 66 ans, natif de St Valéry en Caux [76655], Capitaine au Bataillon de Chateauroux, Milices du Berry où il a Servi 14 ans en cette qualité, et 8 ans Lieutenant auparavant 6 ans dans les Mousquetaires Noirs de la Garde de Sa Majesté, et 7 ans dans le Regiment de Savines Infanterie, usé, marié, Catholique. Reçu dans Son grade de Capitaine par Ordre de Monseigneur le Marquis de Paulmy, Et il jouira Sa Vie durant à L’hôtel de 12 livres de gratification par mois Conformément à L’Ordonnance du Roy du 9 Septembre 1749
Capitaine
Mort le 29 7bre 1774 à l’hôtel royal des invalides [75107] "
Douze livres de 1754 correspond actuellement à 216,16 euros.
Le 29 mai 1692 :
Charles Lamy, âgé de 46 ans, Natif du Bourg DYvetot [76758] dioceze de Roüen, Carabinier de la Compagnie du Sieur de Papart, Regiment de la Bessiere, ou il à Servi 3 ans, auparavant 2 dans Les Gensdarmes de la Reine, et 7 dans le Regiment d’Houdetot, Le tout Speciffiez dans Ses Certificats, est fort incommodé d’une dessente qui joint à Ses blessures le mettent hors de Service, et est Catôlique
– Renvoyé on luy a donné 9 L. 18 s. pour se conduire
9 livres et 18 sous de 1692 correspond actuellement à 322 euros.
On peut souligner le mérite de Jean Baptiste Colbert, qui près de trois siècles avant la sécurité sociale, a ouvert la voie aux avantages sociaux de certaines catégories de travailleurs dont il avait la charge comme ministre de la marine. Peut-être a t-il été influencé par Louis XIV qui venait de créer un lieu de retraite pour les soldats.
F.Renout
(Administrateur cgpcsm)
Sources :
Docteurs Dubarry, Peny et Hervier (Colbert, père de la sécurité sociale de la marine)
Nicolas Fontaine (Histoires royales)
Base de données de l’hôtel des invalides