Fête de la pelote, Coutume Normande et Tradition de Noël

lundi 8 juillet 2024
par  Francis RENOUT
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Georges Dubosc fait référence à une tradition de Noël insolite dans le Pays de Caux:la fête de la pelote, une pratique non religieuse, un jeu du moyen-âge. Appelé soule ou choule dans d’autres régions, ce jeu assez dangereux est interdit par un arrêt du parlement de Normandie, en 1776. Gilles de Gouberville, gentihomme du cotentin, en fait mention dans son livre de raison, vers 1550. Mais c’est Henri Alais, né en 1859, instituteur du village du Mesnil sous Jumièges en 1891 et écrivain, qui en parle le mieux dans la revue « le pays normand ».

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La presqu’île de Jumièges, par son côté presque insulaire, n’appliquera cette interdiction que plus d’un siècle plus tard. C’est le dernier terrain de jeu de la pelote et la fin de cette originale coutume normande. La toute dernière fête de notre région sera donc lancée au Mesnil sous Jumièges, le 25 décembre 1866, village de 400 habitants, situé dans un méandre de la Seine. Elle était aussi pratiqué à Yville sur Seine et Jumièges. Elle fut abolie dans ces trois villages pour le motif qu’un homme y fut tué.

Le but du jeu est de récupérer une balle renfermant une certaine somme d’argent. La dernière mariée de l’année, le jour de Noël, après les vêpres, en présence de tous les paroissiens assemblés, jette une boule ou pelote, où est enfermée de l’argent. C’était à celle qui allait se marier la dernière pour avoir cet honneur. Bien sur, il fallait en plus qu’elle soit originaire du village.

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En 1866, il n’y eut que trois mariages dans l’année à Mesnil sous Jumièges. Ce fut facile de retrouver la mariée. Cette cérémonie eut lieu le 8 février. Bien que cette date soit éloignée de Noël, la seule mariée, originaire du village, fut Louise Clémence De Saint André, âgée de 24 ans, qui prit pour époux Pierre Théodore Monguerard, âgé de 29 ans, originaire de Notre Dame de Bliquetuit. Un contrat de mariage est établi le 5 février, à Jumièges, par Maître Bicheray. Leurs parents sont cultivateurs.

Chaque année, le jour de Noël, après les vêpres à l’église Saint Philibert, le maire de Mesnil sous Jumièges offrait son bras à la jeune mariée et la conduisait au pré de l’oraille, tentre l’église et le célèbre manoir d’Agnès Sorel. Le maire en cette année 1866 était Emile Honoré Virvaux , élu le 18 septembre 1865.

La mariée lançait la pelote d’osier dans laquelle se trouvait quelques pièces. Cette pelote était faite d’osier que depuis cinq ans. Auparavant, celle-ci était enrubannée et préparée par la mariée de l’année. Bien que jeu inoffensif au départ, la bousculade générale qui suivait l’apparition de la pelote, l’était moins. Après les empoignades, nombre de vêtements se retrouvaient en lambeaux. Certains en profitaient pour liquider de vieilles rancunes. Au cours de cette course, on se bat, on s’injurie entre villageois, on se pourchasse, on se cache pour préserver la pelote. Quiconque touchait le porteur en criant ; « lache la pelote », celle-ci devait être relancée.

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Les solides jeunes gens du village se partage en deux camps:ceux des hauts, les villageois de la côte et ceux des marais, les gars du conihout. Sur le recensement de 1866, Louise Clémence et Pierre Théodore habite le hameau du Boc, entre le marais et le manoir d’Agnès Sorel. Dans ce jeu assez violent, la vitesse est primordiale. Aussi cela peut durer quelques minutes ou quelques jours, car celui qui possédait la pelote attendait que les autres joueurs se lassent, souvent en s’éloignant du village.

La pelote une fois lancée se trouve emportée par l’un des souleurs qui traverse en courant fossés, forrières, franchit les ruisseaux, se blesse en traversant les haies épineuses etc. jusqu’à ce qu’enfin, il entre chez lui, escortés par quelques amis de son camp.

Elle n’est vraiment gagnée, que lorsque le possesseur, revenu dans sa maison et n’ayant été atteint par aucun concurrent du camp opposé, fait « baiser » la pelote à la bûche de Noël et l’ accroche au manteau de la cheminée. Outre la gloire personnelle de conserver cette pelote, on portait honneur à son hameau. Une superstition locale disait que celle-ci portait bonheur et donnait une belle récolte à celui qui la possédait.

En 1861 et 1862, François Ephrem Vauquelin, âgé de 37 ans environ, fut le vainqueur. Il remporta cette victoire après avoir parcouru cinq kms. En 1862, il se réfugia chez Mr Desjardins, au passage de Jumièges. Cultivateur, ses ancêtres étaient originaire de Mesnil sous Jumièges depuis plusieurs générations.

On raconte qu’en 1820, la soule fut particulièrement disputée à Mesnil sous Jumièges. Pour se soustraire aux poursuites des concurrents, le vainqueur du se réfugier dans un cabaret de Caumont, à un endroit dit « la ronce ». Dans ce lieu, les Gallo-romains y ont laissé leurs traces. Il y était encore lorsque par hasard, deux souleurs de la veille, le père et le fils, revenant de Rouen, lui donnèrent inopinément la chasse, et l’obligèrent à réintégrer la pelote au village, où la lutte dura de nouveau trois jours entiers.

Le mystère choule et la Normandie :

https://jeuxtradinormandie.files.wordpress.com/2014/11/le_mystere_choule31.pdf

F.Renout
(Administateur cgpcsm)

Sources :
Journal de Rouen (supplément du 25 décembre 1898)
Archives départementales Seine Maritime
Henry Alais (le jeu de la pelote ou soule-1900)
Didier Cavelier (liste des maires de Mesnil sous Jumièges)