Les premières signatures de mes ancêtres

vendredi 5 mai 2023
par  Martine HAUTOT
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Je porte un nom de famille peu commun, Quilan, qu’on rencontre notamment dans le département de Seine-Maritime. Mais le premier Quilan venu s’installer en Normandie, avant même la révolution, était originaire d’un petit village de Picardie, Neuville-sous-saint-Germain, devenu depuis lors Neuville-Coppegueule (le coupe-gorge), non loin de la vallée de la Bresle.

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A partir de quelques actes relevés dans les registres conservés aux archives départementales de Seine-Maritime, je me suis attachée à étudier l’apparition des signatures dans les actes de mariage de mes ancêtres.

Première étape : en 1761 aucun des conjoints ne sait signer :

C’est le cas du premier Quilan installé en Normandie, Alexis qui est marchand. Marchand de blé, marchand de bétail, marchand de tissus -le pays est plein de tisserands ? Nous ne pouvons le préciser. Fait-il partie de ses pieds poudreux qui parcourent la campagne ? Toujours est-il qu’à plus de quarante ans il vient se marier avec Marguerite Féret , 31 ans au Thil , un petit village de la région de Dieppe ,le 12 janvier 1761 . Tous deux signent d’ une croix. Nous sommes sous Louis XV.

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Notez que Quilan prend alors deux L : l’orthographe n’est pas encore fixée.

Deuxième étape : en 1786 seul le mari sait signer :

Vingt-cinq ans plus tard, les deux fils d’Alexis, Alexis, le second si j’ose dire, et Jacques savent signer, et de façon lisible, même si la signature d’Alexis est plus assurée que celle de Jacques, comme on peut le constater dans l’acte de mariage d’Alexis, avec Catherine Le Tellier, le 26 juin 1786, à la veille de La révolution. On y voit la signature de l’époux, celle de son frère Jacques mais seulement une croix pour l’épouse. Notons que le père ne sait toujours pas signer.

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Alexis et son frère sont pourtant alors de simples domestiques.
Peut-être les deux garçons ont-ils fréquenté une de ses petites écoles tenues bien souvent par le curé ou le vicaire dans les paroisses rurales où l’on apprenait à lire ,à écrire et à réciter son catéchisme . La mariée n’a pas eu cette chance.

Troisième étape : en 1815 les deux époux savent signer :

A la génération suivante, quand Guillaume, boulanger de profession, fils du précédent, une fois libéré de l’armée de Napoléon après Waterloo, se marie avec Pélagie Aubé à Offranvile, un bourg peu éloigné du Thil mais de taille plus importante, le 30 décembre 1815, les deux époux savent signer et Pélagie signent de son nom et prénom très lisiblement.

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Pourtant elle est de milieu modeste, fille de tisserand .Preuve que l’instruction se développait dans les campagnes, souvent dans des petites écoles tenues par les religieuses pour les filles, bien avant Jules Ferry. Savait-elle lire couramment ? Pas sûr. De toutes façons ,elle en a surement guère eu le temps ,ayant eu 13 enfants entre vingt-cinq et quarante ans dont près de la moitié moururent en bas âge .

Son mari Guillaume a eu droit à la médaille de Sainte Hélène, en 1857, sous Napoléon III pour avoir bien servi Napoléon le Grand. Pour elle rien. La médaille de la famille nombreuse n’existait pas. Mais je ne peux regarder sans émotion la signature de cette femme qui cinq générations avant, m’ouvrit le chemin de l’écriture.

Martine Hautot

Sources :
Archives départementales de la Seine-Maritime
Pour approfondir cette question, un ouvrage de Thierry Sabot : Les signatures de nos ancêtres ou l’apprentissage d’un geste 
Collection contexte Aux éditions Thisa 2012


Documents joints

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