Histoire et origine d’un nom de famille : « Videcoq »

mardi 7 mars 2023
par  Francis RENOUT
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Connaître l’origine de son nom de famille est quelque chose qui retient toujours notre attention. Nous sommes liés aux personnes qui ont porté ce nom de famille au cours des siècles. Nous avons tous une profonde envie de savoir d’où vient notre nom, quand est-il apparu ? Qu’elles ont été les premières personnes qui l’ont porté ? Cette enquête sur notre passé nous rapproche de nos racines et de notre lignée.

La nécessité d’avoir un nom de famille remonte au moyen âge, à l’époque où l’essor des villes oblige à identifier les individus. L’étude de l’origine des noms de famille est un domaine qui relève de l’étymologie onomastique, de la généalogie et de l’héraldique. Jusqu’au moyen âge, il était d’usage d’utiliser des prénoms. Afin de distinguer deux personnes du même prénom, il était courant d’ajouter une indication faisant référence au lieu de vie, à son travail ou à un trait physique permettant de le distinguer. Cette coutume s’est maintenue au fur et à mesure que les noms devenaient nécessaires. Par la suite, ces surnoms sont devenus des noms de famille qui se transmettaient de père en fils, de génération en génération pour arriver jusqu’à notre époque. Si bien sur, ce surnom avait une utilité au départ, il est plus difficile à notre époque, d’en concevoir le sens d’origine - du moins pour certains.

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(Conférence de Marcel Roiupsar sur les noms, prénoms et surnoms, Tourlaville, juin 2016)

Notre nom de famille et celui de nos ancêtres ont toujours fait partie de notre vie. Cette curiosité, ce besoin de trouver des réponses a toujours préoccupé la majorité d’entre nous. On a toujours cherché à savoir d’où nous venons, quelles sont nos origines et comment celles-ci peuvent influencer nos vies actuelles. Les noms de famille peuvent nous apprendre beaucoup de choses sur notre histoire car nous appartenons tous à une lignée particulière. Grâce à la connaissance de notre nom de famille, il est possible de retracer notre arbre généalogique et surtout, nous permet, de comprendre l’histoire familiale.

On peut estimer que les noms de famille sont devenus héréditaires lorsque l’obligation d’indiquer les baptêmes dans un registre est survenue avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Avant cette date, seuls les nobles avaient un nom de famille héréditaire, qui provenait généralement de la transmission d’un titre. Le reste de la population utilisait plutôt le nom de la famille de manière sociale afin de se différencier les uns des autres. L’augmentation démographique a joué un rôle incontestable dans la fixation des noms de famille.

Origine du patronyme « Videcoq »

Je me suis intéressé plus particulièrement au patronyme « Videcoq ». L’origine de ce nom, surtout porté en Normandie, provient d’un surnom de chasseur. Pourquoi ce surnom ? Que chassait-il ?

Il y a quelques siècles vivait un oiseau migrateur nommé « Videcoq ou Vitecoq ». Celui-ci maintenant disparu car très chassé à l’époque, était apparenté à la bécasse des bois ; bien que de taille un peu plus importante, c’est pourquoi certains pensaient que c’était plutôt un coq de bruyère.

A l’époque de la migration, dans la deuxième décade d’octobre, les videcoqs arrivaient par groupe en Normandie, plus particulièrement dans le Pays de Caux et dans la Manche. Ceci explique pourquoi ce patronyme est plus présent dans ces deux régions.

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(Tableau de Claude Monet)

Conférence sur les « Vitecoqs »

En juin 2016, j’assistais avec mon épouse, à une conférence au château des Ravalets, à Tourlaville, dans la manche. Cette conférence avait pour thème Gilles de Gouberville et le mystère des Vitecoqs. C’est le naturiste ornithologue Olivier Aubrais qui à traiter des oiseaux et plus particulièrement des Vitecoqs. Pour lui, c’était des oiseaux forts prisés et chassés en hiver. Leur nom a donné celui de la commune de Videcosville.

https://www.vds-phl.fr/2016/06/gilles-de-gouberville-15-15.html

Sans compter les dix mentions concernant un personnage nommé Vitecoq ; dont Gilles De Gouberville précise qu’il est « châtreur » c’est à dire castrateur et d’une évocation de la mare vitecoq, on trouve 78 citations d’un oiseau nommé viteco, vitteco, vitecoq, vittecoq, vitecox, vitecot ou vitecoc. Toutes ces orthographes se prononcent à l’identique « Vitco » en patois normand. C’est donc l’oiseau le plus mentionné dans le journal de Gilles de Gouberville et celui le plus marquant pour la société rurale du milieu du XVI ème siècle.

Olivier Aubrais : un aperçu de l’avifaune de basse Normandie au XVI ème siècle (voir p178 à 180 pour le sujet qui nous intéresse) :

http://le50enlignebis.free.fr/OlivierAubrais/Aubrais_Cormo61.pdf

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(Conférence d’Olivier Aubrais, ornithologue, au château de Tourlaville en juin 2016)

Videcosville :

Le nom de la localité est attesté sous les formes Widecosvilla et Witecoqville en 1215. Il s’agit d’une formation toponymique en ville au sens ancien de domaine rural. Le premier élément Videcos représente un antroponyme et sans doute le patronyme Videcoq attesté à Saint Cyr Bocage au XVI ème siècle.

Les formes anciennes remontent au viel anglais « Widuccoc », « Wuducoc » en 1050, ou « Widecoke » en 1321, « woodcock » qui désigne un coq des bois ou une bécasse. Une déformation de ce terme apparaît dans les noms : videcoq, viteco, vuidecoc, witecoq, vico ou vicot, employés en Normandie et dans le nord de la France.

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Qui est Gilles Picot De Gouberville ?

Né sous François I, Gilles Picot, seigneur de Gouberville, gentilhomme campagnard de petite mais ancienne noblesse, vivant en Normandie, au XVI ème siècle, est célèbre pour avoir tenu sa vie durant, un journal de raison dans lequel il notait ses faits et gestes. Propriétaire exploitant, il faisait valoir un vaste domaine au Mesnil au Val. Homme robuste, il n’hésitait pas à porter main forte à ses garçons de ferme pour les travaux des champs. Mais il ne maniait pas que les outils avec aisance. Il était redoutable à l’épée et très bon tireur à l’arbalète ou l’arquebuse.

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Il naît le 12 janvier 1521, au manoir de Barville, à Mesnil au Val, dans la Manche. Il est le fils de Guillaume IV Picot et de Jeanne Du Fou.

Il est écuyer, seigneur de Gouberville et du Mesnil au Val, lieutenant des eaux et forêts du Vicomté de Valognes. Sa famille originaire de Russy, dans le Bessin, était venue s’établir à Gouberville près de St Pierre-Eglise. Gilles résidait, quant à lui, dans le manoir du Mesnil-au-Val qu’il avait hérité de sa mère.

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En 1543, Gilles succède à son père pour la charge de lieutenant des eaux et forêts pour la Vicomté de Valognes.

En 1544, il devient propriétaire de la terre du Mesnil au Val, à laquelle il va s’attacher toute sa vie, suite au décès de son père.

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(Plan du domaine du Mesnil au Val au XVI ème siècle)

En 1545, il est gravement blessé d’un coup d’arquebuse. Mystère jamais élucidé, l’enquête est encore en cours 10 ans plus tard.

Entre 1549 et 1562, il est l’auteur d’un journal ou livre de raison dont le manuscrit original a été découvert dans le chartrier du château de Saint Pierre Eglise, par l’abbé Alexandre Tollemer, en 1867. Cet ouvrage est un témoignage de la vie d’un gentilhomme campagnard dans le nord Cotentin au XVI ème siècle. Ce journal offre aux historiens les indications les plus précieuses sur la vie rurale, les rapports sociaux, les Institutions et les usages de l’époque. Son esprit méthodique et ordonné, tel qu’il transparaît dans son Livre de raison, met en évidence le sens pratique dont il fait preuve en toute occasion. Mais les traits les plus marquants du caractère de ce jeune seigneur, ce sont ses qualités de cœur et sa valeur morale qui le rendent si sympathique.

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( Livre de raison)

Le 28 mars 1553, dans son journal, il mentionne la pratique de distiller du cidre en vue d’obtenir une eau-de-vie, première évocation connue du spiritueux aujourd’hui appelé : calvados.

Il restera célibataire. De ses rencontres amoureuses il aura des « enfants bâtards » comme il écrit dans son testament. Vers 1556, il aura une relation avec Romaine Bisson dont il aura trois filles naturelles qu’il va reconnaître. Quelques années plus tard, il aura une relation avec Hélène Vautier. Au total, il aura cinq filles illégitimes.

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Le changement de nom Gille Picot de Gouberville en Gilles de Gouberville lui a valu un procès : ce changement du nom de personnes, à l’occasion du changement du possesseur de terres qui ne perdaient jamais la leur, n’était pas sans inconvénient. Il arrivait quelques fois, qu’après un certain laps de temps, le nom territorial (Gouberville) prévalait tellement sur le nom de famille (Picot) que celui ci était oublié ou au moins méconnu dans les affaires d’intérêts, de sorte qu’un procès s’engageait d’abord sur le nom même, avant de procéder au fond de ce qui était l’objet même du litige. C’est ce qui arriva à Gilles de Gouberville, lui-même, possesseur depuis longtemps du fief de Gouberville. Ses ancêtres en avaient pris le nom, et le lui transmirent avec cette partie de l’héritage. En 1560 il fut obligé de prouver aux assises de Bayeux qu’il avait droit de prendre indistinctement l’un ou l’autre.

Dès l’année 1568, se trouvant assez sérieusement malade, il écrivit à son frère François de Sorteval une lettre touchante, retrouvée par M. de Blangy, qui nous met parfaitement au courant de ses dispositions à l’égard "de ses pauvres bastards" et de ses serviteurs :

"Mon frère, mon amy, je vos supplie vos honorer de la promesse que m’avez faicte touchant mes pauvres bastards. Je vos supplye, au nom de Dieu, les faire nourrir et apprendre mestier, à gaigner leur vie comme m’avez promis. J’ai dit qu’on ne vous baille pas ceste présente que Dieu ne m’ayt appelé de ce monde à luy. Et pour cette cause, je vos prye en l’honneur de Dieu et au nom d’icelluy de ne inquiéter mes serviteurs de cela apprès ma mort, laquelle est prochaine si Dieu ne m’aide, car vos leur feries grand tort. Il y a de mes principaux et plus fidèles serviteurs, deux de nos frères naturels, qui ont quelquefois manié mes affaires pendant que j’estoys à Russy et m’en ont tenu bon et loyal conte, tant que j’en suys content. Je suys demeuré à leur retour, comme vous pourrez voyer par mes journaux qui sont pour asseurance de leur argent"

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(Photo personnelle de l’intérieur et de l’endroit de l’inhumation de Gilles De Gouberville)
( Eglise de Mesnil au Val)

En 1570, Gilles obtint des lettres patentes du roi Charles IX l’autorisant à délaisser le "surnom" de Picot toujours porté par ses prédécesseurs, pour prendre à l’avenir le "cognom" de Gouberville "du fait qu’il est seigneur du dit lieu". Son demi-frère Symon et son cousin Michel, dans les lettres de légitimation obtenues en 1578 après la mort de Gilles prirent également le nom de Gouberville alors même que la seigneurie du même nom était passée chez les Crosville.

Gilles décèda d’une maladie indéterminée, le 7 mars 1578, au Mesnil au Val, âgé de 56 ans. Il a été inhumé dans l’église de son village, le long du banc où lui et ses prédécesseurs s’étaient toujours assis pour ouïr le service divin.

En 2021, les 11 et 12 juin, on célébra le 500 ème anniversaire de sa naissance au château des Ravalets, à Tourlaville.

Gilles de Gouberville et les « Vitecoqs » :

A la table de ce seigneur campagnard, on trouvait une prodigieuse abondance de gibiers à poils et à plumes. On y trouvait les mêmes espèces qu’aujourd’hui sauf quelques unes qui ont disparues comme les « Vitecoqs ». Cette espèce d’oiseau servait d’horloge à Gilles de Gouberville. Il écrivait : « Je partis à l’heure de vols de Vitecoqs ».

En 1555, le livre du sire de Gouberville pose une énigme à ses exégètes quand il parle d’un oiseau mystérieux : « il estoit vol de vitecos quand je partys de la maison vautier ». C’était le soir.

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Gilles de Gouberville note que le 27 novembre 1550, lors d’un dîner chez Nicolas Symon, il eût au menu un hareng blanc et une vitecoq pour le prix de huit sols.

Mesnil au Val et la tour de Barville :

Lors de notre séjour dans la manche cet été, nous avons fait du tourisme généalogique et historique sur les traces de Gilles de Gouberville.

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Quand on arrive dans Mesnil au Val, 700 m après l’église Notre Dame où repose Gilles de Gouberville, la tour de Barville se dresse à la sortie du village. C’est le seul vestige du manoir qui a pu échapper à l’outrage des ans. Construite au XVI ème siècle en moellons de grès, elle est composée d’une chapelle surmontée d’un colombier, d’où on aperçoit une lucarne servant à l’envol des pigeons. C’est le seul témoin authentique cité par Gilles de Gouberville, qui de son temps, avait entrepris d’importants travaux de sauvegarde.

https://www.cotentine.fr/normandie/patrimoine-normand/le-manoir-de-barville-au-mesnil-au-val-50

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( Photo personnelle de la Tour de Barville au Mesnil au Val)

Les propriétaires actuels sont Anne et Claude Bonnet. Ils sont d’autre part les fondateurs du comité Gilles de Gouberville.

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Le Pays de Caux et les « vitecoqs »

On trouve peu d’éléments concernant l’évocation de cet oiseau dans notre région. Par contre, en août 1520, dans les registres d’Harfleur, il est mentionné que la ville offrit un grand repas à François I. Dans le menu, on y trouve des perdrix, canards, videcoqs, pluviers, lapins, chapons etc....

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F.Renout
(Administrateur cgpcsm)
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Sources :
L’origine des noms de famille-archives départementales et recherches diverses
Olivier Aubrais naturiste ornithologue saint Lô
Henri Baudrillard « un châtellain du XVI ème siècle-journal du sire de Gouberville » 1878
Philippe Hamon « Gilles de Gouberville officier » 1999


Documents joints

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