La famille De Marguenat à travers les siècles (1ère partie)

vendredi 3 septembre 2021
par  Francis RENOUT
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L’énigme de la villa « De Saint Parre »

Une recherche généalogique a toujours un point de départ, qui bien sur peut-être différent, suivant la question que l’on se pose. Concernant la famille De Marguenat, le déclic me vint lors d’une visite sur des tombes familiales au cimetière de Saint Valery en Caux. En me promenant dans les allées gravillonnées, mon regard fut attiré par une tombe, adossée près du mur d’enceinte en briques, qui entoure le cimetière. Le nom gravé sur la pierre tombale était "Gérard Eugène Alix, comte De Marguenat", décédé le 5 février 1912. Sa fille et son gendre partageaient le même tombeau.

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Ce nom de famille n’est pas connu dans le Pays de Caux. Qui pouvaient-ils bien être ? De quelle région étaient-ils originaire ? Qu’elle était leur histoire familiale ? Pourquoi son épouse n’était-elle pas inhumée au même lieu ? La généalogie se transforme souvent en un véritable travail de détective, qui demande de la patience et de la persévérance.

« J’ai un profond respect des dates anniversaires,
Ces portes que le temps dispose autour de nous,
Pour ouvrir un instant nos cœurs à ses mystères,
Et permettre au passé de voyager vers nous. »
(Citation d’Yves Dueil)

De retour au domicile, impatient, je me mis à scruter la table annuelle des décès de 1912 sur les archives en ligne de Saint Valery en Caux. Malheureusement, il n’y avait rien ! Celui-ci avait dû décéder dans un autre lieu mais où ? Par contre, en parcourant notre base de données du cgpcsm, je trouvai la trace du décès de Juliette Marie Géraldine De Marguenat, en date du 29 mars 1883, dans ce bourg. Celle-ci, âgée de onze mois, fille naturelle d’Évelina Henriette, décèda au domicile de sa mère, sis rue de la grâce de Dieu. Ma curiosité fut encore plus grande, car c’est dans cette rue, que mon arrière grand-père paternel avait une entreprise de charpentes vers la fin du XIX ème siècle, et aussi l’endroit où habitait ma grande tante, sœur de mon grand-père, à qui j’allais souvent rendre visite pendant mon adolescence.

Où peut donc se trouver l’habitation d’Évelina Henriette, alors âgée de 23 ans ? Sur l’acte de décès était mentionné le lieu de naissance de Juliette Marie, en date du 29 avril 1882, à Dieppe. Malheureusement, en regardant cet acte, il était dit que cette dernière était née chez sa mère, rue de la barre. Par chance, il était mentionné que sa mère était née à Mézières, dans les Ardennes, le 28 janvier 1860. Cette fois, j’appris par cet acte de naissance que ses parents étaient Julius Richardson De Marguenat, comte, colonel et général de brigade, et Géraldine Anna Puget.

Avec ces éléments supplémentaires, il fut plus facile d’aller faire quelques recherches dans les recensements de Saint Valery en Caux. Et là une surprise m’attendait ! Je retrouvai leurs traces sur les années 1872 et 1886. En 1872, étaient cités Géraldine Puget, veuve Marguenat, protestante, de l’église anglicane ; trois enfants : Julia Marie âgée de 18 ans, Évelina Caroline âgée de 12 ans et Gérald Eugène Alexis âgé de 8 ans, tous trois français ; Cora Wallace, anglaise, veuve Puget, mère de Géraldine âgée de 68 ans et une domestique nommée Ernestine Dorange âgée de 19 ans. En 1886, les enfants étaient partis du domicile ; leurs mère et grand-mère étaient mentionnées alors anglaises naturalisées.

Malgré ces nouvelles informations, je n’ avais toujours pas le lieu exact où habitait cette famille dans la rue de la grâce de Dieu ! Vu la condition familiale aisée qui se dégageait de ses personnes, un seul lieu me vint à l’esprit. En haut de cette rue, il y a une villa de style anglais par son bow window placée à l’entrée. Le bow window, très populaire en Grande Bretagne, est une fenêtre en arc qui permet d’apporter de la lumière et de la chaleur et qui donne du cachet à l’habitation. Celui-ci était à la mode dans les stations de bains de mer. A l’intérieur, sont disposées quelques banquettes qui permettent de s’asseoir et de pouvoir admirer le parc avec ses grands arbres. Plus loin, auprès de la rue, longeant une allée gravillonnée, se trouve un puits en grès où on allait puiser de l’eau autrefois. La particularité de ce puits c’est qu’il fallait descendre un escalier.

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J’eus la chance de retrouver un faire part de mariage concernant Mademoiselle Julia Marie De Marguenat, fille de Madame la comtesse, veuve du général comte, avec Monsieur François Henri , marquis de la Haye Montbault où est mentionné le nom de la villa. Celle-ci se nomme la villa « de Saint Parre ». C’est bien le lieu que je pensais. Coïncidence, cette villa se trouve en face de l’habitation de ma grande tante ! Mais pourquoi ce nom concernant cette habitation ? C’est ce que je vais découvrir en continuant les recherches généalogiques et historiques sur cette famille.

D’avoir connu cette villa, non seulement parce que ma famille habitait cette rue, mais aussi parce que je l’empruntais chaque jour, pendant quelques années, pour me rendre à l’école primaire, éveilla ma curiosité concernant cette famille. Je n’étais pas au bout de mes surprises. Je me mis à collecter toutes les anecdotes et témoignages, les souvenirs des personnes originaires du lieu.

Les enfants furent orphelins assez jeunes quand leur père, le général Julius Richardson mourrut pendant le conflit de 1870, au début de la guerre franco-prussienne. N’oublions pas qu’en cette année 2020, on célèbra le 150 ème anniversaire !

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Biographie de Julius Richardson ou Julien Richard :

Il naît le 21 août 1812, à Morton, Gloucestershire, au Royaume Uni. Il se marie à Versailles, le 14 juillet 1847, avec Géraldine Anna Puget, née entre 1829 et 1832, à Londres, au Royaume Uni. Celle-ci est la fille de Richard Stracham Puget et de Cornelia Mary Emily Grace Wallace. Ces derniers se sont mariés le 24 novembre 1829, à Paris. Leur union est de courte durée car Richard Stracham décède en avril 1832 à Battle House, dans le comté de Wiltshire, au Royaume Uni, laissant une veuve et deux enfants. Sa belle mère, née aux Indes, le 7 mai 1805, fille de John Wallace et d’Annette Gertrude Von Der Graff, âgée de 82 ans, décède le 21 décembre 1887, à son domicile, sis rue de la grâce de Dieu, à Saint Valery en Caux. Sans être mentionné sur l’acte, tout laisse à penser que c’est à la villa « Saint Parre ».

https://archives.yvelines.fr/arkotheque ... em_zoom=67

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En 1830, il s’engage comme élève de l’école spéciale militaire de saint Cyr et il en sort avec la promotion du Firmament de 1832. Il est une dizaine d’années en Algérie où il est cité plusieurs fois ; alors qu’il sert au 17 ème régiment d’infanterie légère, il est blessé deux fois : à Miliana en novembre 1839 et Medeha avril 1841.

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Il sert comme officier d’ordonnance du duc d’Aumale lors de la prise de la smalah d’ Abd El Kader .

Il devient colonel du 1er régiment d’infanterie légère de 1848 à 1854. Il est créé officier de la Légion d’Honneur en 1850. Entre les années 1847 à 1849, il achète un bateau nommé « Le Margot » pour ses promenades personnelles. Ce premier modèle de bateau venu en France, de la construction des modernes clippers, appartenant à Mr Cor, gagne pendant deux années les courses du Havre. En 1851, il gagne le prix de la course des bateaux non pontés à voile.

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Il est nommé général de brigade en 1854 et il commande une brigade en Crimée durant 7 mois. Il est fait commandeur de la Légion d’Honneur le 16 mars 1860.

En 1870, il commande la brigade composée des 25 et 26 ème régiment d’infanterie dans le 6 ème corps d’armée du maréchal Canrobert.

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Lors de la bataille de Mars la Tour, le général Marguenat est tué lorsqu’il conduit sa brigade sur la gauche du village de Rezonville pour attaquer une batterie de 12 canons prussiens. Il meurt le 16 août 1870, en chargeant à la tête de sa brigade d’infanterie. (1ère de la 4 ème division du 6 ème corps)

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Revenons à cette triste journée ! L’ambulance de la 3 ème division (Général Metman) du 3 ème corps d’armée, s’est établie le 18 août dans la maison d’école de Châtel-saint-Germain et dans les maisons voisines. Vers 7h du soir, arrive l’ordre de suivre la retraite. Le manque de moyens de transport oblige d’abandonner les blessés ; le personnel et le matériel de l’ambulance se mettent à la suite des troupes qui se dirigent sur Metz. Ces troupes peuvent voir des flammes qui s’élevent au dessus de la ferme Moscou. Des blessés de la journée du 16, transportés dans cette ferme, n’ont pas encore été retirés. Ils périssent dans l’incendie. Le corps du général De Marguenat est consumé sans laisser de traces. Lorsqu’il décède le 16, il est transporté à l’ambulance de Flavigny. Remis aux avant-postes par l’ennemi, le 17, son corps est déposé dans cette ferme de Moscou, par Mr Goetz, de Nancy, et le comte Sponeck, gentilhomme danois, faisant volontairement le service de relèvement des blessés.

https://boowiki.info/art/guerre-en-1870/bataille-de-mars-la-tour.html

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Quelques temps plus tard, son épouse perçoit une pension dont le montant s’élève à 3000 fr de l’époque (bulletin des lois de la république). Dans les annales de l’église de France, l’élite de la noblesse nous dit qu’en la cathédrale de Rouen, le 17 mars 1877, un service religieux, à la mémoire de tous ces français de rang noble, morts pour leur pays fut célébré, et qu’il fut cité le nom de Julien de Marguenat.

Géraldine, née à Londres, entre 1830 et 1832, est vingt ans plus jeune que son époux. Quand décède brutalement Julius Richardson, ses enfants sont mineurs et son épouse est âgée de 38 ans. Ceux-ci eurent quatre enfants entre 1860 et 1865 :

Evelina Caroline Amélie :

Elle naît le 28 janvier 1860, à l’Hôtel du gouvernement, à Méziere, en Champagne Ardennes. Fille mère à 22 ans, elle met au monde une fille Juliette Marie, le 29 avril 1882, à Dieppe. Cette dernière décède à l’âge de dix mois, le 27 mars 1883, à Saint Valery en Caux. Neuf ans plus tard, elle se marie le 21 mai 1891, à Paris 8 ème, avec Maurice François Laulanie, ingénieur.

Géraldine Octavie Cora :

Elle naît le 19 décembre 1861, à l’Hôtel du gouvernement, à Méziere, en Champagne Ardennes. Celle-ci décède jeune.

Julia Marie :

Le lieu et la date de naissance me sont inconnus. Par contre, elle se marie le 28 avril 1878, à Paris, avec Marie François De la Haye Montbault, marquis, veuf, de quarante cinq ans son aîné.

Gérald Eugène Alix :

Seul fils, il nait le 24 juillet 1863, à Paris 8ème. Agé de 22 ans, il se marie le 12 janvier 1885, à Asnières, avec Cécile Caroline Pichard, née en 1862, à Paris 16ème. Il est professeur de manège. De tous ces ancêtres, il est le seul descendant à ne pas faire une carrière militaire. Orphelin à l’âge de sept ans, il a dut être marqué par le décès de son père lors de son adolescence ! Agé de 48 ans, il décède certainement à Paris, le 5 février 1912. En 1908, d’après les fiches électorales, il habite rue des cloys dans le 18 ème arrondissement. Il est inhumé au cimetière de Saint Valery en Caux.

Trois enfants sont nés de ce couple : une fille Christiane Julie en 1888 qui se marie trois fois à partir de 1905. Elle sera inhumée avec son troisième époux Jean Gabriel Genez décédé en 1969, dans le tombeau familial, avec son père, au cimetière de Saint Valery en Caux.

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Leur second enfant, un fils, Jean Richard André, nait le 2 mai 1893, à Paris 17 ème. Son père est en voyage et c’est la sage femme Amélie Lonzième qui fait la déclaration de naissance. Issu de milieu aisé, comte De Marguenat, il s’intéresse à la production cinématographique avant de devenir l’assistant de Marc Allégret sur "Attaque nocturne" et "Le Blanc et le Noir" au début du parlant. Il a son heure de gloire en tant que cinéaste, réalisateur et scénariste avec plusieurs films entre 1929 et 1949 où apparaissent Tino Rossi, Michel simon, Noël Noël,Fernand Ledoux, Ginette Leclerc, Susy Vernon et bien d’autres acteurs. Ses films lui confèrent une certaine importance dans le cinéma des années trente. Après guerre, il adapte Jean Aicard pour donner à Tino Rossi un de ses rôles importants dans "Le Gardian". Conscient du changement d’époque, il se retire du cinéma au début des années 50. Jean de Marguenat se marie trois fois au cours de sa vie et décède à Paris 7 ème, le 16 avril 1956.

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Le troisième enfant est Edouard Marie Julius. Il naît le 29 octobre 1896, à Asnières.

Le couple n’est apparemment pas très soudé ! Gérald est absent pour la naissance de ses enfants et semble avoir une activité professionnelle très irrégulière. Cécile Caroline est musicienne. Dès 1892, elle est mentionnée parmi les artistes se produisant dans un concert. Début 1905, professeur à Courbevoie, elle reçut les palmes académiques.

https://cinephilazr.pagesperso-orange.fr/fiche_MARGUENAT_Jeande.htm

Si j’ai eu quelques réponses à mes questions, certains points restent à approfondir ! Les hypothèses sont des pistes que l’on doit suivre pour résoudre les problèmes posés. Leur histoire familiale, celle d’un lointain passé oublié, dort dans les archives. A moi de la découvrir.
Je vous donne rendez-vous pour la suite de mes recherches

F.Renout
(Administrateur cgpcsm)
R

Sources :
Recensements Saint Valery en Caux (AD Seine Maritime)
Arthur Chuquet : « La jeunesse de Napoléon-Tome 1 »
Léon Hennet « Etre militaire de France pour l’année 1793 »
Liste des généraux de la révolution et du premier empire
Inventaire sommaire AD de l’aube, série E, titres féodaux et papiers de familles
Liste d’élèves de l’école spéciale militaire de saint Cyr
Henri de la Perrière, historien (Marguenat contre marguenat-1928)
Nobliaire universel (pages 285 et 286)
Gallica (bibliothèque nationale de France)


Documents joints

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