Georges De Presteval, noble seigneur cauchois où plutôt seigneur pillard

lundi 4 décembre 2023
par  Francis RENOUT
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Georges De Presteval naît au début du XVI ème siècle, vers 1522, au domaine de Prêteval, situé à Annouville Vilmesnil, à Quelques lieues de Fécamp. Il est le fils De Guillaume De Presteval, seigneur du lieu, de Mesmoulins et de Vattetot sur Mer et d’Isabeau Daniel, dame de Saint Paer, qui se sont mariés en 1516. Guillaume fut aussi chevalier de l’ordre de Saint Michel et gouverneur des villes et châteaux d’Harfleur et Montivilliers.

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Ce lieu de Presteval (Prêteval ou Prebstreval) correspond à celui d’une grande famille locale qui possédait une ferme avec château. La ferme de Presteval, située en amont du vallon du même nom, signifiait le vallon de la pierre ; ce qui correspond à l’histoire du site qui était utilisé comme carrière de pierre.

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Georges avait deux frères Guillaume et François et deux sœur Antoinette et Marie. On le mentionne comme calviniste. Celui-ci dévia de la voie toute tracée correspondant à sa lignée. En ces temps là, des hordes de loups vivaient dans les forêts sombres aux alentours de Fécamp. Par contre, je vais vous faire revivre l’histoire d’un autre « loup », celui ayant figure humaine, un seigneur pillard, aux mains tachées de sang, un voleur et un rançonneur d’honnêtes paysans. Comme les bandits de grand chemin, son souvenir hante peut-être encore les chemins creux, bordés de maisons au toit de chaume. Dans son château souffle un vent étrange : là, vivait un seigneur n’ayant de noble que le nom car celui-ci s’entourait de gredins pour piller et meurtrir. Avec Georges De Presteval, nous allons revivre le passé, en sillonnant la campagne cauchoise du début du XVI ème siècle, sous le règne de François I.

Un jour, pendant la fête de la trinité, donc entre mi-mai et mi-juin, pendant que ses parents étaient à la messe, Georges avait rompu un bahut, dans la chambre de son père, et avait « robbé » (volé) sept à huit cents livres tournoys (57000 à 65000 euros vers 1542) qui s’y trouvaient. Ensuite, il se rendit à l’étable et prit un haquenée de poil gris et un courtaut ;puis s’ enfuit de la maison familiale avec le palefrenier. L’haquenée est un petit cheval ou une jument facile à monter qui servait autrefois de monture aux dames. Le courtaut, quand à lui, désigne un cheval à jambes courtes.

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Quelques temps plus tard, une fois que cet argent fut dépensé en jouant à la paulme, il alla forcer le receveur de son père, à lui remettre ce qu’il possédait au moment, en lui appuyant un poignard sur la gorge. Plusieurs fois, il avait contrefait des lettres au nom de son père pour se procurer de l’argent.

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Son père lui refusant de l’argent, Georges alla s’établir au manoir de « Mesmoulins » avec une bande de mauvais sujets et de filles. Son père le menaçant de lui envoyer l’artillerie pour le déloger, il fortifia le manoir de l’intérieur avec des « busches » et du foin. Georges possédait des arquebuses à crochet pour résister à l’assaut.

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Mesmoulins est une ancienne paroisse, lieu-dit ou hameau de Tourville lès Ifs. Cette paroisse placée sous la protection de Saint Pierre, dépendait de la seigneurie de Ganzeville et appartenait à l’Abbaye de Fécamp. Les moines exerçaient un droit de patronage leur permettant de nommer leurs desservants jusqu’à la révolution. C’était un fief qui appartenait à la famille De Presteval, du XIII ème au XVII ème siècle. A la veille de la révolution, ce fief passa à la famille De Godarville.

Les mouvances de la mémoire:Tourville les ifs

http://tourvillelesifs.fr/histoire-et-patrimoine/Les%20mouvances%20de%20la%20m%C3%A9moire.pdf

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Georges vécut six ou sept mois dans ce manoir, vivant du revenu de la terre et des vivres qu’il contraignait les fermiers à lui donner. Souvent accompagner de ses bandits, il allait chez ses parents, à Presteval, ou par force, il dérobait du bétail (bœufs, porcs, moutons) et détroussait les serviteurs de son père en prenant la farine et les provisions de la maison. Quand il pouvait entrer à l’intérieur du château, il volait le linge, la vaisselle et tout ce qui s’y trouvait malgré les suppliques de sa mère. Pendant ce temps là, il envoyait quelques bandits dans les villages et les fermes environnantes pour voler des volailles et autres biens aux laboureurs. Georges entretenait des femmes en lubricité.

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Indigné de tous ces excès, Guillaume De Presteval, dénonça son fils au bailli de Montivilliers qui envoya des enquêteurs et des sergents à Presteval, pour recevoir en détail les déclarations du père, et informer sur tous les crimes de Georges et de ses affidés. Mais Georges qui en fut averti, arriva la nuit chez son père accompagné de ses bandits, tous armés d’épée à deux mains et d’arquebuses. Ils effrayèrent tellement les enquêteurs, en les frappant et en les menaçants, que ces officiers s’enfuirent sans avoir fait aucune procédure.

Décrété de prises de corps, Georges fortifia et renforça le fort de Mesmoulins et s’associa avec de nouveaux bandits. Par précaution, Il fit mettre quatre à cinq arquebuses à crochet aux meurtrières du fort. Guillaume De Presteval accompagné du lieutenant du prévost des maréchaux et d’une centaine de gens, vinrent assaillir le manoir de Mesmoulin. Ils jetèrent une grenade brûlante et tirèrent à l’endroit où était Georges De Presteval. Ce dernier et ses hommes répondirent en plusieurs fois et un homme du prévost fut tué.

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A un autre moment, il roua de coups un paysan qui avait mal parlé d’une fille qu’il entretenait à Mesmoulins. Pour le punir, il voulut lui faire avaler un os et de l’huile qu’il avait introduit dans sa bouche. Par la suite, ce paysan nommé Auzoult fut gravement malade.

Epris d’amour pour une femme mariée nommée Coquelin, il l’obséda tellement qu’elle et son mari quittèrent la paroisse d’Anouville et allèrent demeurer ailleurs. Quelques jours plus tard, on lui montra un cheval traînant une charrue. On lui dit que c’était celui qui avait porté la femme de Coquelin. De colère, il tira son épée et lui mit un coup au travers du ventre et le tua.

En diverses occasions, il avait courroucé ses parents, leur désobéissant en toutes choses, sans leur porter honneur et révérence.

En 1545, suite aux diverses plaintes , Georges De Presteval fut arrêté et emmener dans les prisons de Rouen. Condamné à mort, il fut gracié le jour de l’ascension grâce au privilège de la Saint Romain. Ce privilège permettait chaque année de gracier un condamné à mort. En lisant la confession de Georges, cette élection scandaleuse fut un des plus grands griefs du Roi contre le privilège de la Saint Romain.

Privilège : Rouen histoire

http://www.rouen-histoire.com/Saint-Romain/Privilege.htm

Par la suite, il fut banni de la noblesse. Le parlement de Normandie confisque ses biens et ses seigneuries. Toujours est-il qu’à l’arrière banc de 1567, on apprend que Georges fut gouverneur de Fécamp. Il paie pour la fiefferme de Presteval et Saint Léonard:116 livres ; pour le fief d’Annouville:48 sols ; et pour le fief de Mesmoulins:8 livres.

On ne sait pas s’il s’est marié, malgré qu’on pense qu’il avait une relation avec une certaine Susanne Langlois. Dans le dictionnaire de la noblesse on le dit mort sans postérité alors que certains affirment qu’il eût un fils prénommé Ezéchias !

Francis Renout
(Administrateur cgpcsm)

Sources :
Dictionnaire de la noblesse François Alexandre de la Chesnaye des Bois-page 520
Amable Floquet (Privilège de la Saint Romain-1833)
La Gallissonière (Caudebec)