Pierre Ravenne HALBOUT, prêtre de Saint Nicolas de la Taille

vendredi 20 avril 2018
par  Francis RENOUT
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Non loin de la sortie du dernier méandre de la Seine, le village de Saint Nicolas de la Taille se trouve à environ 30 km du Havre, sur le plateau du Pays de Caux. Ce village est composé de seize hameaux et lieux dits, entouré de bois et de vallée.

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Au moyen âge, au début du XIIIe siècle, le site de Saint-Nicolas-de-la-Taille appartient au comte de Boulogne Renaud de Dammartin.
Celui-ci, allié à l’empereur Othon IV, est vaincu en 1214, dans la guerre qui oppose ce dernier au roi de France Philippe Auguste à Bouvines. Le roi Philippe confisque les terres de Renaud de Dammartin et les donne à son fils Philippe Hurepel.

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Au XVe siècle, une famille noble de Le Roux avait élu domicile à Saint-Nicolas-de-La-Taille. Le 27 février 1449, Robin Le Roux, écuyer, de Saint-Nicolas-de-la-Taille, est cité dans un acte de vente passé devant les tabellions de Rouen, avec Richard Le Pelletier, de Saint-Cande-le-Jeune. (Bibl. de Rouen, Sis. Y 10 Mart.).

Les archives paroissiales mentionnent une famille Blondel, de Saint-Nicolas, déclarée usurpatrice de noblesse, le 14 avril 1068, par La Galissonnière. Les de Civille de Rames, de la religion réformée, habitaient le même village au commencement du XVIIIe siècle. A cette époque, Saint-Nicolas comptait 109 feux. Ses habitants se livraient à l’agriculture, à la fabrication de la siamoise, de la toile, des draps dits frocs de Bolbec ; d’autres étaient bûcherons, sabotiers ou potiers.

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Au milieu du XVIII ème siècle, en 1751, Pierre Ravenne Halbout devient prêtre de Saint Nicolas de la Taille, suite au décès de Jacques Halbout, le 16 août 1751, curé du lieu. Ce dernier a un lien familial avec son successeur qui est témoin à son inhumation avec Jacques Halbout, étudiant.

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Pierre Ravenne est bachelier en théologie de la faculté de Paris. l’état de l’église, dont il a la charge à cette date, fait craindre la ruine à tout moment. Suite à sa décision, l’église du village est reconstruite entre 1754 et 1759.

L’église initiale avait été construite au XIIIe siècle, lors de la fondation de la paroisse de Saint-Nicolas-de-la-Taille, ou plutôt Sanctus Nicolaus de Tallia selon le nom sous laquelle elle est désignée à l’époque. Le bâtiment est dédié à Saint Nicolas, évêque au IIIe siècle de Myre.

En 1754, le curé de la paroisse Pierre Halbout décide de la démolition puis reconstruction du chœur et de la nef, afin d’obtenir une construction plus à la mesure de la paroisse, comme en témoigne une inscription visible sur un des vitraux. Les pierres blanches de la carrière de Pierre Gante sont utilisées pour la reconstruction de la nef de l’église. Les premières traces de l’exploitation de cette carrière de la Pierre Gante remontent au XVIIIe siècle.

Les travaux coûtent 15 000 livres, somme apportée par les habitants. La nouvelle église fut enrichie de tous les meubles provenant de l’ancienne.

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Le 2 juillet 1761, sous le règne de Louis XV, l’église, alors achevée, est consacrée.Les informations relatives à la reconstruction de l’église sont issues de son acte de consécration, consigné au sein du registre de paroisse. (voir photo). Un des vitraux, sur le transept nord, second des deux éléments de l’église inscrits à l’inventaire départemental des antiquités, témoigne de la construction. Une inscription en témoigne.

Entre temps, en 1757, le 25 janvier, est inhumée Marie Catherine Halbout, sœur du prêtre du lieu, âgée de 18 ans, dans le chœur de l’église.

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Pendant ce temps, en l’année 1759, une flotte d’invasion de l’Angleterre se regroupe au Havre. La ville et le port sont bombardés par les Anglais du 3 au 7 juillet : 93 maisons détruites et 400 000 livres de dommages. On constitue alors une flotte de chaloupes canonnières, destinée à la défense côtière.

Une lettre de Pierre Ravenne Halbout, datée du 18 janvier 1773, a été conservée dans le cadre d’une enquête sur la pauvreté menée au sein du diocèse de Rouen. Le contenu de ce témoignage est très intéressant. Le voici ci-dessous :

« Suivant ma façon de penser rien ne serait si facile que d’empêcher les mendiants de courir par les rues à la honte de l’humanité. Ma paroisse est très grande, j’y ai près de 1 500 âmes où Votre Grandeur peut juger qu’elle n’est pas composée de forts laboureurs. Depuis près de 23 ans que je suis curé, j’y ai eu beaucoup de petites gens, qui y ont eu bien du mal à vivre ; mais, avec un peu de secours que je leur procure, j’ai empêché plus de 16 années consécutives qu’il n’y eût un seul mendiant. Je m’étois fait une loi, comme je m’y astreins encore, de ne rien donner à ma porte aux coureurs, aux charges pour moi d’empêcher mes pauvres d’aller inquiéter mes voisins.
Si ce n’est cinq ou six fainéants, qui ne sont pas de vrais pauvres, aucun ne sortirait de sa maison. Je leur donne du travail autant qu’ils le veulent. J’ai même encore actuellement quatre aveugles, de la même maison, qui filent pour moy, et je supplée à ce qui manque.
J’en fais de même pour beaucoup d’autres, aux uns plus, à d’autres moins : il y en a qui ne donnent que 12 sols par mois par abonnement, je leur procure de quoi subsister ; et cependant, sans ce petit secours, on les verroit courir par les rues.
Que le ministère ordonne, Mgr, que les pauvres de ma paroisse restent dans leur maison et leur fasse défenses expresses de mendier, sous peine de cachot, je me charge de leur procurer le nécessaire et d’extirper pour toujours la mendicité de Saint-Nicolas, pour peu surtout que, dans ces cas provisoires et pressants, S. M. ou Votre Grandeur me fassent passer quelques douceurs pour les indigents.
Quant au revenu de mes pauvres, ils n’en ont d’autre que deux maisons que j’ai fait bâtir de mes deniers, il y a dix ans, auprès de ma nouvelle église. Je leur en ai fait présent ; on loue ces deux maisons 72 l. par an. On fait une quête pour eux tous les dimanches, mais elle ne monte pas à 10 livres annuellement. J’ai eu l’honneur de vous faire observer qu’aucun de mes paroissiens n’est avancé en fortune. Leur partage, c’est au plus la médiocrité. Nous avons aussi un droit à l’hôpital de Lillebonne, par une fondation faite par un de mes prédécesseurs, c’est d’y placer quelques petits enfants au nombre de deux ou quelques uns de plus .. »

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Le 14 décembre 1789, l’assemblée constituante instituée à la suite de la Révolution française vote la loi mettant en place la municipalité. Le prêtre, Pierre Ravenne tient les registres jusqu’au 29 octobre 1792. Il est remplacé ensuite par les officiers d’état civil. Ce doit être une dure épreuve pour lui, il est alors âgé de 68 ans.

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Cependant, pour rompre définitivement avec la féodalité et tout ce qui pourrait en être issu, l’assemblée constituante demande aux communes, via la décision du 20-23 juin 1790, de modifier leurs noms. Ainsi, en septembre 1793, le nom officiel de Saint-Nicolas-de-la-Taille devient Pierre-Gante-sur-Seine ; pourtant, nombre de documents de cette époque, conservés dans les archives de la commune, la désignent toujours sous son nom usuel.

Au cours de la Révolution française, le Château des Râmes, souvent désigné alors, dans les archives communales, sous le nom de Château de l’émigré Bailleul, devient bien national et est placé sous la protection de la toute jeune commune de Saint-Nicolas-de-la-Taille.

Au cours de ses dernières années de sa vie, Pierre Ravenne Halbout connaîtra les trois premiers maires du village, Adrien Letellier de 1790 à 1792, Jean Baptiste Thomas de de 1792 à 1794 et Michel Leroux de 1794 à 1795.

C’est le 22 germinal an3 (11/04/1795), qu’il décède à Saint Nicolas de la Taille,au presbytère construit à la même époque que l’église, âgé de 74 ans.

F,Renout
(Administrateur cgpcsm)
Sources :

1) registres des archives départementales et des archives municipales du Havre

2) les églises de l’arrondissement du Havre


Documents joints

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