Métier d’antan : espadeur, fretteur, écoucheur

lundi 26 décembre 2022
par  Francis RENOUT
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C’était un métier saisonnier courant dans nos campagnes autrefois. Il n’est pas rare de découvrir dans nos généalogies, des ancêtres qui avaient un métier lié au lin dans le Pays de Caux.

Dans cette France à 80% rurale, l’espadeur travaillait le chanvre ou le lin. Le lin occupait une place importante dans de nombreuses régions et était à la base de nombreuses activités manuelles.

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« Des brouillards fiévreux enveloppaient de petites métairies qu’on voyait de loin, perdues dans des chanvrières » (texte de Fromentin Dominique en 1863). Les chanvrières étaient des terres où l’on cultivait le chanvre.

Le travail du chanvre demandait une main d’œuvre nombreuse dans les campagnes. En plus de l’aspect saisonnier des travaux des champs, la transformation de la plante en fils permettait de donner du travail pendant la période creuse de l’hiver. Le travail de l’espadeur était de débarrasser la fillasse du chanvre de la chènevotte, sa partie ligneuse. Les villageois utilisaient le chanvre pour faire des tissus.

Quand arrivait la bonne période pour la récolte du chanvre, c’est à dire début août, le chanvre mâle était arraché du sol.

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Ensuite, il était lié par poignées et mis au soleil pour faire sécher les feuilles. A maturité le chanvre peut atteindre deux à trois mètres de haut. Pour le chanvre femelle, l’arrachage s’effectue une fois les graines mûres. Une fois séché, il est égrainé grâce à une planche munie de dents ou frappé contre un arbre ou un mur, pour en détacher les feuilles ou le fruit. Cette opération achevée, on le faisait rouir pendant deux à trois semaines, dans une mare, un ruisseau ou dans un routoir. Le routoir était un fossé rempli d’eau. Plusieurs hommes couvraient le chanvre de planches et les chargaient de pierres, pour le maintenir au fond de l’eau et l’empêcher de surnager. Jusqu’au XIX ème siècle, chaque ferme possédait son routoir appelé parfois « mare au chanvre ».

Cet ancien métier consistait à battre le lin ou le chanvre avec un sabre de bois nommé espade, afin de dégager les chèvenottes et d’affiner avant de le peigner.

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L’espadeur prenait de la main gauche, vers le milieu, une poignée de chanvre qu’il serrait fortement, en l’appuyant sur l’entaille de la planche perpendiculaire du chevalet. Ensuite, il frappait avec le tranchant de l’espade sur le chanvre qui pendait le long de la planche. Après l’avoir frappé plusieurs fois, il la secouait et la retournait sur l’entaille et continuait de frapper jusqu’à ce que le chanvre soit bien net et que les brins paraissent bien droits.

https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/chanvre

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Sur les photos , on voit les différentes étapes étapes de la transformation du chanvre, en 1750 :

1) Le rouissage dans un routoir.

2) passage du chanvre sur l’égrugeoir pour détacher le grain qui reste.

3) on fait sécher le chanvre dans un hâloir, sorte d’abri où on le fait sécher, en le posant sur des bâtons au dessus d’un feu de chènevotte (paille de chanvre broyée).

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4) tillage du chanvre : c’est à dire séparation de l’écorce du bois en rompant le brin.

5) un ouvrier rompt la chènevotte entre les deux mâchoires de la broye ou braie, sorte de hachoir qui permet de briser la tige pour séparer la fillasse.

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6) on voit un ouvrier qui espade, c’est à dire qui frappe avec l’espadon sur la poignée de chanvre qu’il tient dans l’entaille demi-circulaire de la planche verticale du chevalet.

7) on fait tomber les chènevottes, en secouant la poignée de chanvre espadée contre la planche du chevalet.

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8) on voit un autre espadeur en train de réaliser la même opération sur l’autre planche verticale du chevalet.

Pour finir la préparation des fibres avant le filage, la fillasse est cardée. Le carde est une planche de bois munie de pointes en fer alignées sur plusieurs rangées, plus ou moins espacées selon la finesse de la fibre. Sous l’action du cardage, une partie des fibres, les plus courtes, tombent. C’est l’étoupe qui sert à faire du calfeutrage ou de la toile de mauvaise qualité (les fils étant plus fragiles). Les longs brins de la belle filasse étaient peignés.

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Un bon espadeur pouvait préparer soixante à quatre vingt livres de chanvre dans une journée. Ce travail exigeait d’être robuste et d’avoir de bons bras.

Ce texte d’Hector Malot (Sans famille-1878) peut faire ressurgir des souvenirs aux personnes âgées :

« C’était la première fois que des draps me flattaient la peau, au lieu de me la gratter ; chez mère Barberin, je couchais dans des draps de toile de chanvre raides et rugueux ».

F,Renout
(Administrateur cgpcsm)
R
Sources :
Encyclopédie Diderot et d’Alembert (1750)
Du chanvre aux voiles
Henri Louis Duhamel du Monceau (traité de la fabrique des manœuvres pour les vaisseaux-1747)


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