Au bon vieux temps des marchands de peaux de lapins
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Traditionnellement appelé " Père la pouche " ou " Pé la pouque " dans le Pays de Caux.
Je me souviens qu’autrefois dans nos campagnes du Pays de Caux, où nous habitions, il y avait le passage du marchand de peaux de lapins que beaucoup d’enfants craignaient.
Dans les années 1950-1955, il n’y avait pas de supermarchés pour acheter les volailles : on élevait soi-même les animaux dans la basse-cour, tels les pigeons, les poules, les coqs, les canards, les oies, les cailles, les pintades, les dindons et les lapins. D’ailleurs, c’était souvent une volaille ou un lapin qui faisait le repas du dimanche. A l’époque, quand on tuait un lapin, il était dépecé et on faisait sécher sa peau.
Les peaux étaient tendues sur des fourchines ou bourrées de paille, puis mises à sécher sous le hangar en attendant le passage du marchand.
Quelle clientèle et où ? :
En 1950, ces marchands ambulants collectaient encore en France un total de cent millions de peaux de lapin par an ! Car toutes les familles élevaient autrefois quelques lapins pour la consommation personnelle, y compris en ville. Pas de souci d’espace : un clapier se loge partout. Pas de problème d’alimentation : l’été c’était de l’herbe des bords de chemin, du pissenlit, du trèfle, les épluchures des légumes et des pommes et l’hiver des quignons de pain rassis, du foin et des betteraves. Le lapin se mangeait souvent le dimanche, et comme on ne jetait rien, la peau servait aussi.
Certaines ménagères avaient appris à la tanner et l’utilisaient pour fourrer des chaussons ou des bottes, ou pour réaliser un manteau ou une couverture. Autrefois, il ne fallait rien perdre, ni gaspiller ! D’autres la vendaient au marchand de peaux de lapins, une sorte de colporteur ou d’acheteur ambulant qui passait dans les rues toutes les trois semaines ou tous les deux mois, selon la taille des communes. Entre les deux guerres, la collecte se ralentit dans les villes. Elle continua dans les campagnes jusqu’aux années 1970 puis s’arrêta. Les modes de vie avaient évolué : les gens achetaient leur lapin « nu » en boucherie ou en supermarché et les fermiers qui avaient encore un petit élevage personnel jetaient les peaux.
Quel prix d’achat ? :
En 1960, selon la taille, l’épaisseur du poil et son état, le marchand achetait chaque peau de 0,10 à 0,15 F (le smic horaire est de 1,64 F). Celui-ci savait marchander. Le prix se faisait suivant la couleur. Il payait plus cher les peaux de lapins blancs, angoras ou bleus. Pour les femmes qui guettaient son passage, les quelques sous laissés faisaient un revenu d’appoint.
Pour quel usage ? :
Le marchand n’utilisait pas les peaux récoltées, il les revendait. Les plus belles partaient chez des tanneurs ou des fourreurs locaux, les autres étaient destinées aux chapeliers. Il fallait environ cinq peaux pour la quantité de poils nécessaire à la réalisation d’un chapeau de feutre. Selon sa qualité, ce type de chapeau, à la mode jusqu’aux années 1960, consommait entre 75 et 100 g de poils de lapin. Et, comme rien ne se jetait, la peau restée nue était ensuite découpée en lanière pour fabriquer de la colle.
Les cris glanés ça et là dans les mémoires des anciens de nos campagnes sont moins rimés mais plus efficaces : « Peaux de lapins, peaux de lapins, peaux ! » ou, selon le parler local : « Piaux de lapins, piaux ! ».
Cela s’entendait de loin ! Selon les époques, il passait soit à pied dans les campagnes, allant de maison en maison, avec un sac ou un bâton pour accrocher les peaux, soit avec une carriole à bras ou à chien, un vélo avec une remorque ou de grosses sacoches, une 2CV ou une 4L sur la fin. Il portait une veste, une blouse (avant 1914) ou un gros paletot aux multiples poches pleines de bouts de ficelles (pour attacher les peaux de lapin) et de billets (pour les payer). Et il n’hésitait pas à s’arrêter quelques minutes pour boire un café ou un petit coup de rouge...
Jean Joseph Amable Himbert :
Saviez-vous qu’un marchand de peaux de lapins a fini général ?
Il s’agit de Jean Joseph Humbert. Il naît le 22 août 1767 à Saint Nabord, dans les Vosges, à la ferme de la Couare. Ses parents sont Jean Joseph et Catherine Rivat. Ceux-ci sont laboureurs et négociants. Malheureusement sa mère décède âgée de 32 ans. Il sera orphelin à l’âge de trois ans.
A l’adolescence, c’était un rude gaillard aux larges épaules, qui préfère la maraude et le braconnage, au modeste enseignement qui lui est dispensé dans l’école du village. Il quitte très jeune la maison familiale pour courir les routes, exerçant des métiers divers : maquignon, colporteur et aussi marchand de peaux de lapins.
Il se rend à Lyon, où on le trouve sergent de la milice citoyenne, au moment de la révolution. En 1789, il devient sergent de la garde nationale de cette ville. En août 1792, volontaire dans les armées républicaines, il passe capitaine, puis lieutenant colonel. En avril 1794, il devient général de brigade.
De marchand de peaux de lapins dans les Vosges, il deviendra un héros en Irlande..........
Biographie de Jean Joseph Humbert :
La peur des enfants :
Autrefois, pour se faire obéir, les parents cultivaient la crainte pour des êtres imaginaires autant que pour des personnes réelles. Parmi ces personnes réelles se trouvaient le marchand de peaux de lapins, qui à cause d’une disgrâce physique ou de son mauvais caractère, avait une réputation de méchanceté.
Ces marchands ambulants portaient sur leur dos une grande poche de jute ce qui vaut leur nom cauchois de " Pé la pouque ". Cette poche de jute servait à recevoir les peaux de lapins qu’ils achetaient aux habitants.
Avant son arrivée, les parents menaçaient donc les enfants pas sages en leur disant :" comme vous n’avez pas été sages ,vous allez voir, le Pé la pouche va vous emmener dans sa pouque". Nous redoutions donc la visite de ce personnage guère engageant.
Lors de son passage, on voyait les parents discuter en sourdine avec le marchand, tout en nous regardant. Que complotaient-ils ? Inquiets, nous regardions la scène de loin ! A ce moment là, on n’en menait pas large ! Mais le marchand partait. Ouf ! nous étions soulagés ! Mais, les parents nous disaient : " ce sera pour la prochaine fois car là, il n’a plus de place dans sa pouque ". Je ne pourrais en faire une description précise, car on n’avait pas l’idée de le côtoyer de trop près. Par contre, la promesse réelle qui risquait de tomber, c’était le martinet. Vous vous souvenez sûrement de ce petit fouet constitué d’un manche en bois et d’une dizaine de lanières de cuir !
F.Renout
(Administrateur cgpcsm)
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Sources :
Souvenirs d’enfance
Pierre Heili (Biographie Vosgienne)
Yves Jamait (A l’encre violette)