Petits métiers oubliés : Les monteurs de sable

mardi 13 juillet 2021
par  Francis RENOUT
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« De Dieppe au Havre la côte présente une falaise ininterrompue, haute de cent mètres environ et droite comme une muraille. De place en place, cette grande ligne de rochers blancs s’abaisse brusquement et une petite vallée étroite, aux pentes rapides couvertes de gazon ras et de joncs marins, descend du plateau cultivé vers une plage de galet où elle aboutit par un ravin semblable au lit d’un torrent. La nature a fait ces vallées, les pluies d’orages les ont terminées par ces ravins, entaillant ce qui restait de falaise, creusant jusqu’à la mer le lit des eaux qui sert de passage aux hommes. Quelquefois un village est blotti dans ces vallons, où s’engouffre le vent du large. » (le saut du berger - Maupassant)

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Au cours du XIX ème et au début du XX ème siècle, en bord de mer, quelques familles s’adonnaient à un métier peu courant : monteur de sable ou plutôt « monteux d’sable » dans le parler cauchois de l’époque.

Ce métier consistait à récolter le sable à marée basse, le passer au crible, le monter en haut de la plage pour le mettre à l’abri des vagues de la marée montante, puis le mettre en tas. Une rigole appelée « goulotte » était creusée autour du tas afin d’évacuer l’eau. Une fois bien sec, il était porté à dos d’homme, dans une hotte pesant parfois jusqu’à cent kilos. Ce sable était ensuite stocké dans des entrepôts. Le criblage était souvent effectué par les femmes des monteurs de sable.

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Ce travail permettait à de nombreuses familles peu fortunées, d’améliorer leur ordinaire. Au Havre, c’était les riverains du quartier Saint-Vincent, proche de la plage, qui exerçaient ce métier qui disparut dans les années 1930. C’était un quartier pauvre, ghetto des travailleurs de la mer. Des familles ouvrières s’y entassaient, soit environ six mille personnes. Il n’avait pas bonne réputation. On y rencontrait des marins à la casquette fichée sur la tête ou des pêcheurs aux visages burinés.

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En 1848, l’actuel quartier Saint-Vincent du Havre était en dehors des fortifications de la ville. Avant 1852, date du rattachement des communes suburbaines au Havre, l’emplacement de l’église Saint-Vincent, était peuplé d’une façon anarchique par des gens qui n’avaient pas les moyens de se loger ailleurs. Eloignés de tout lieu spirituel, les habitants du quartier s’allièrent alors la sympathie de l’abbé Beaupel de Rouen alors qu’il était missionné au Havre. Ce dernier décida alors de bâtir une grande église sur les plans de l’abbé Charles Robert. La première pierre fut posée le 17 juin 1849 par l’archevêque de Rouen. En 1875, le docteur Gibert fonda un dispensaire pour les enfants pauvres ou les démunis.

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Ce sable était destiné au bâtiment et travaux publics. Le contrôle des opérations était assuré par un surveillant du port et par un agent de l’octroi pour ce qui concerne la redevance. La rudesse du métier et les intempéries brisent les femmes et les hommes. Les rhumatismes, scolioses, lumbagos, entorses étaient fréquents dans cette profession. C’était un métier de misères pratiqué par de pauvres gens ayant bien souvent une famille nombreuse à nourrir.

Parmi quelques familles havraises qui exercèrent ce métier, on peut citer Pierre Isidore Avril né en 1896, Gaston Ernest Bova né en 1885, Léon Auguste Durécu né également en 1885.

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Le quartier Saint-Vincent a été rattaché à la ville basse à la suite de la démolition des fortifications ordonnée à partir de l’année 1852. Dans la seconde moitié du XIX ème siècle, ont été édifiées de grandes demeures bourgeoises, dont certaines sont des maisons de négociants. Celles-ci sont reconnaissables par leurs toits surmontés d’un belvédère à terrasse destiné à guetter les navires.

F.Renout
(Administrateur cgpcsm)
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Sources :
Blog Havrais-dire
Métiers anciens en Normandie


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