Le Garde-Marteau sous l’ancien régime

mercredi 23 septembre 2020
par  Francis RENOUT
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Le garde-marteau était l’officier de la maîtrise des eaux et forêts, chargé de procéder à la marque des arbres, destinés à servir de pieds corniers (1), baliveaux (2) ou arbres de lisières (3) et de tous les arbres de réserve.

Cette marque se faisait au moyen du marteau du Roi, sorte de coin en fer aux armes royales dont on appliquait l’empreinte sur les troncs. Le marteau du Roi était entouré d’égards assez semblables à ceux accordés aux sceaux : il était conservé dans un coffre déposé dans la chambre du conseil de la maîtrise et fermant à trois clefs, dont l’une était conservée par le maître particulier (ou le lieutenant en son absence), une autre par le procureur du Roi et la troisième par le garde-marteau.

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L’histoire de la législation des eaux et forêts avant 1791, se divise en deux périodes : avant et après 1669. Les plus anciens documents conservés aux archives nationales ne datent que du milieu du XVI ème siècle. Il est difficile de dire quand sont apparus les premiers usages des marteaux forestiers. Au XIII ème siècle, au temps des gruyers, une ordonnance réglementant l’exploitation et la vente de bois est établi par le Roi Philippe II. Plus tard, le Roi Philippe V le long élabore en 1318 une ordonnance réglant les problèmes des eaux et forêts. Par la suite, à cause de la pénurie de bois, le Roi Philippe VI de Valois, crée la première administration forestière en 1346. Mais les premières réglementations concernant leur usage remontent à la fin du XIV ème siècle, avec les ordonnances de juillet 1376, mars 1388, septembre 1402 et mars 1515. On peut donc penser que l’emploi était antérieur à ces dates. Il serait apparu avec les premiers agents seigneuriaux, appelés sergent et gruyer aux XII et XIII ème siècle.

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Le marteau du Roi ne pouvait donc être sorti qu’en présence de ces trois officiers. Les offices de garde-marteau ont été créés en janvier 1583 ; auparavant, le soin de marquer les arbres du marteau du Roi avait été laissé à divers officiers inférieurs, verdiers, sergents, etc., et parfois aux maîtres particuliers. Dès lors, ces fonctions devinrent le privilège des gardes-marteaux.

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L’ordonnance de Saint Germain en Laye, du 13 août 1669, précisa et étendit les pouvoirs de ces derniers, qui reçurent alors mission particulière de veiller sur la conduite des gardes forestiers, ce qui les obligea à une grande activité. Ils étaient tenus de visiter une fois par mois les bois de la maîtrise, aussi bien ceux du Roi que ceux des particuliers. Chaque garde-marteau avait, en outre, un marteau particulier, portant généralement ses initiales, qui lui servait à marquer les chablis (4) et les arbres de délit (5).

(1) On appelait pieds-corniers les arbres servant de repères pour former les angles du périmètre d’une vente.

(2) Les baliveaux étaient les jeunes arbres réservés dans chaque coupe pour croître en futaie.

(3) Les arbres de lisière (ou parois) étaient ceux qu’on laissait sur les lignes entre les pieds corniers.

(4) Les chablis étaient les arbres abattus par le vent ou d’autres accidents naturels.

(5) Les arbres de délit étaient ceux coupés en contravention dans les forêts du Roi ou dans les bois des ecclésiastiques et des particuliers.

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En 1694, l’administration royale chargée des forêts attribue aux sergents et gardes la surveillance et police de la forêt, et aux officiers de la maîtrise la tenue des audiences forestières.

Plusieurs marteaux existent à cette époque, dont le marteau royal (plus tard le marteau de l’État), les marteaux particuliers des agents, le marteau des arpenteurs, le marteau des adjudicataires et le marteau des agents de la marine (non décrit ici). Le marteau royal, d’abord un cercle à trois Fleurs de Lys, il n’en garda plus qu’une lors des grandes réformes de Maître Colbert. Ce marteau servait uniquement au marquage en réserve, et bénéficiait de grandes précautions pour la sûreté. Le marteau particulier des agents du royaume doit avoir une circonférence différente du marteau du Roi, et était empreint de l’arme (Grand maître) et des premières lettres du nom et surnom (le reste des agents). Ce marteau sert principalement au marquage des bois en délit. Les mêmes règles pour le marteau des arpenteurs, sauf qu’il servait à délimiter la coupe (coupe celui de la Maîtrise et du Roi). Les marteaux des adjudicataires avaient l’empreinte déposée au greffe et servaient à marquer les bois vendus. Ils étaient détruits après coupe.

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https://www.wikiwand.com/fr/Histoire_de_l%27Administration_des_Eaux_et_For%C3%AAts_en_France

Selon Baudrillart, le marteau forestier, porte d’un côté une masse sur laquelle est gravée une empreinte, et de l’autre côté, un tranchant ou espèce de hachette, qui sert à emporter un morceau d’écorce sur l’arbre qui doit recevoir l’empreinte. Il est emmanché comme une hachette ordinaire.

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Comme le dit Monsieur Lavauden, aucun de ces marteaux n’a subsisté, et leurs empreintes elles mêmes ont disparus avec les arbres marqués en réserve qui les portaient.

L’usage des marteaux forestiers :

http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/26296/RFF_1992_1_63.pdf?sequence=1

Nicolas Cramoisan

Au début du XVIII ème siècle, dans le Pays de Caux, Nicolas Cramoisan est garde-marteau de la baronnerie des Hogues. Il est aussi mentionné garde des bois et laboureur à Froberville. Autrefois la région de Fécamp était couverte d’une immense forêt qui s’étendait depuis Etretat jusqu’à Cany-Barville. Elle aurait recouvert 25000 à 28000 hectares. En 1162, l’abbaye de Fécamp reçu en donation le bois des Hogues, localisé au village de Vattetot sur Mer.

https://www.villages76.com/vattetot/village.html

C’est donc dans ce village de Vattetot sur mer, que naît Nicolas le 12 octobre 1672. Il est le fils de Nicolas Dominique et de Marie Hédon. Nicolas se marie le 7 août 1692, à Saint Léonard, avec Marie Jourdain, dont il aura six enfants. Il décède le 14 mai 1756, âgé de 83 ans, à Fécamp, paroisse Saint Etienne, mais est domicilié à Froberville.

Tous les hameaux qui composent les communes de Froberville, criquebeuf, gerville, etc. furent autrefois des hangards ou loges sous lesquelles se retiraient les moines, défricheurs de nos forêts. Dans cette forêt fut construit le château des Hogues dont voici le récit d’une légende.

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La légende de la châtelaine maudite

« Sur la commune de Saint-Léonard, canton de Fécamp, existait le château des Hogues, forteresse autrefois redoutable, et dont les débris offrent aux yeux de l’archéologue les caractères des constructions du 15e siècle. Jadis, quatre tours énormes et monocylindriques flanquaient le corps du bâtiment principal, édifié avec tous les moyens de défense en usage au moyen-âge, et que des douves profondes environnaient. Un pont-levis, pourvu à l’entrée d’une poterne, était la seule voie donnant accès dans le manoir. De tout cela il reste aujourd’hui fort peu de chose ; depuis plus de 200 ans, la sombre splendeur du château des Hogues a disparu à tout jamais sous les efforts du temps.

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Le manoir, dont on voit aujourd’hui les restes, en avait remplacé un autre, bâti du temps de Guillaume le Conquérant. Dans le douzième siècle, il était le chef-lieu d’une puissante baronnie qu’Henri II, roi d’Angleterre, donna à l’abbaye de Fécamp par suite d’un fait assez curieux que nous allons faire connaître.

Une châtelaine des Hogues, contemporaine de Henri II, roi d’Angleterre, et veuve d’un chevalier félon, tué dans un combat judiciaire, attirait sur elle l’attention et le mépris de tout le pays par sa conduite scandaleuse et ses débordements effrénés.

Son château était devenu le rendez-vous des débauchés de la contrée, et les jours et les nuits s’y passaient dans d’effroyables orgies. Les nuits d’hiver surtout, le vieux manoir, au dire de la tradition, était témoin d’horreurs et de crimes que la plume de l’histoire n’aurait pu enregistrer sans honte. Lorsque le villageois attardé apercevait dans les ténèbres le château des Hogues étincelant de lumières et d’où partaient tantôt des chants libertins et des clameurs de joie, tantôt des plaintes, des gémissements ou les cris suprêmes de l’agonie, il s’éloignait au plus vite en faisant le signe de la croix et se dérobait à la vue de ce lieu sur lequel devait planer la malédiction du ciel.

Espèce de Marguerite de Bourgogne, figurée en traits hideux dans le célèbre drame de la Tour de Nesle, la dame des Hogues faisait venir dans son château les jeunes gens du pays et les renvoyait ensuite à leurs chaumières, mutilés et le désespoir au cœur, lorsqu’elle ne leur avait pas réservé un sort plus horrible.

Souvent on trouva au pied des falaises d’Yport des cadavres, des débris humains coupés à coup de hache ; c’étaient les tristes débris des orgies sanglantes de la dame des Hogues. Pour obtenir le silence sur ce qui s’était passé dans le manoir, la terrible Messaline livrait impitoyablement à la mort les malheureux qui en avaient franchi le seuil, et après les avoir poignardés ou mis en pièces, elle les envoyait jeter dans la mer, du haut des falaises.

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En ce temps-là, que les chroniqueurs ont appelé, nous ne savons trop pourquoi, le bon vieux temps, vivait un abbé de Fécamp, nommé Henri de Soullay, neveu du roi d’Angleterre. Beau, bien fait, d’un caractère doux et aimable, le noble abbé eut le malheur de fixer l’attention de la dame des Hogues. Un soir, il s’était rendu à Saint-Léonard pour régler avec le prieur de ce lieu quelques intérêts temporels. Comme il retournait à Fécamp, une troupe de cavaliers masqués l’enleva et le transporta au château des Hogues.

La tradition laisse sous le voile les faits qui se passèrent cette nuit-là dans le manoir maudit ; elle raconte seulement qu’au point du jour on trouva le saint abbé presque mort à la porte du château. Recueilli par des villageois, il fut ramené à Fécamp, où le roi d’Angleterre, averti de ce qui s’était passé, envoya aussitôt son propre médecin.

Malgré tous les efforts de la science et les meilleurs soins, Henri de Soullay passa de vie à trépas, succombant, dit la chronique, moins aux suites des mauvais traitements qu’il avait subi qu’à la douleur et à la honte causés par ce qu’il avait vu et entendu pendant l’épouvantable nuit passée dans la forteresse des Hogues.

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La conduite criminelle de la châtelaine reçut bientôt un châtiment éclatant. Henri II, roi d’Angleterre, la fit arrêter, et après une instruction judiciaire, faite à la hâte, elle fut brûlée vive sur la place de Fécamp, devant l’abbaye. Le roi confisqua en outre le château des Hogues et le bois de huit cents acres qui en dépendait, et en fit don aux religieux de Fécamp, à la condition qu’ils prieraient pour le repos de l’âme de son infortuné neveu Henry de Soullay et de celles des nombreuses victimes que la dame des Hogues avait sacrifiées à ses désordres.
Telle est la légende attachée au château des Hogues. Bien que plus de sept siècles nous séparent de l’époque à laquelle vivait l’infâme châtelaine, le souvenir de ses forfaits vit encore exécré et maudit au foyer villageois et dans la tradition.

La forêt des Hogues ainsi que tout le territoire qui en dépendait, dit la Charte de donation dont parle Mme E. de Busserolle, s’étendait depuis Vattetot jusqu’à Crichebot (Criquebeuf), et depuis le pommier du Mole jusqu’à la mare qui avoisinait les territoires de Froberville (Herurwevilla) et de Maupertuis (Malptus), en prenant pour limite le fossé du parc creusé par les ordres de Henri de Suilli ou Soullay, abbé de Fécamp. Cette charte fut immédiatement suivie d’une autre, qui ferait croire que dans ce temps personne ne pouvait établir une garenne sans le consentement royal : Henry II permet à l’abbé de Suilli d’en faire une sur un fief situé à deux milles de Fécamp ; et comme l’abbaye tenait beaucoup à la conservation de son gibier, le roi prononça une amende de 10 livres, somme énorme pour ce temps-là, contre ceux qui se permettraient de tuer un lièvre, ou tout autre animal, sans l’autorisation de l’abbé. »

F,Renout
(Administrateur cgpcsm)
R

Sources :
Gilloudifs (les remparts des Hogues)
Jean Marie Foubert (bois et forêts de Normandie)
Anne Auburtin (greffier de la maîtrise et de la réformation des eaux et forêts)
Michel Antoine (conservateur aux Archives nationales)
D.Garrouste et Ph. Pucheux (l’usage des marteaux forestiers)


Documents joints

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