Le clocheteur des trépassés

samedi 8 août 2020
par  Francis RENOUT
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Parmi nos ancêtres cauchois, on trouve quelquefois mentionné ce métier particulier dans les registres paroissiaux. En quoi consistait-il ? On le nommait aussi campanier dans nos campagnes et crieur des morts en ville ; cloqueman dans la région d’Amiens. Si de nos jours, la mort se fait plutôt discrète au cœur des villes, il ne faudrait pas croire qu’il en fut toujours ainsi.

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Dans la majeure partie des villes et villages du moyen-âge lorsqu’un habitant succombait, l’homme chargé du culte des trépassés déambulait à travers les rues étroites et sombres, une lanterne et une clochette dans chaque main, demandant à la population de réserver une prière pour le repos de l’âme de celui qui n’était plus qu’un cadavre.

Le « cri » ou « criage » de Paris fut établi par Philippe-Auguste, roi de France (1180-1223). Six maîtres crieurs nommés par l’administration municipale devaient par le cri faire office de la publicité. Chacun de ces six maîtres avait sous ses ordres un certain nombre de crieurs qui allaient par la ville annoncer dans tous les carrefours, outre les actes officiels, le prix de diverses marchandises, les maisons à vendre, les objets perdus, les enfants disparus, les baptêmes, les mariages et les enterrements.

Deux siècles plus tard, une ordonnance de février 1415 réunit en une seule confrérie tous les crieurs, qui avaient alors la charge d’annoncer toutes les informations de quelque nature qu’elles soient.

Au XVI ème siècle, la communauté des crieurs n’était plus chargée que de l’annonce des décès et des enterrements. Ce fut l’origine de la spécialité « Crieurs de corps », ou Clocheteurs. Pour être admis dans la corporation, il fallait être enfant légitime, faire profession de la religion catholique, et être de bonne vie et mœurs. 

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Autrefois, les diverses formalités lors d’un décès n’existaient pas : on n’envoyait pas de lettres de faire part et l’usage des corbillards (ils sont apparus au XVIII siècle à Paris) n’existait pas non plus. Les mêmes crieurs avaient charge de porter le cercueil jusqu’à la paroisse du défunt, puis jusqu’au cimetière, ordinairement proche de l’église. Les crieurs clocheteurs des trépassés portaient une longue robe noire chargée de deux têtes de mort, placée l’une sur la poitrine et l’autre entre les épaules ; une cloche et une lanterne complétaient leur habillement.

Ils parcouraient les rues de la ville endormie, enveloppées d’ombres et de silence, dans les ténèbres de la nuit, agitant leur clochette d’où leurs noms. Ils prononçaient à haute voix le nom du mort et l’heure de son enterrement et faisaient précéder cette annonce d’un refrain à moitié chanté.

Il était de coutume, dans chaque habitation où résidait un proche ou un ami du défunt, d’offrir un verre au clocheteur de morts. Malheureusement, celui-ci, en fin de journée, avait la plus grande peine à se souvenir et à articuler le nom du défunt.

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À dater du dix-septième siècle, les crieurs représentaient fidèlement notre entreprise de pompes funèbres. En septembre 1641, un édit leur avait accordé le monopole des fournitures mortuaires, à charge par la corporation de payer à l’État une redevance annuelle, dont le produit devait être affecté au soulagement des enfants trouvés.

Le crieur qui avait organisé une cérémonie funèbre touchait un cinquième de la somme qu’elle avait rapportée à la corporation. Comme on l’a vu, la communauté avait dans ses attributions le convoi, les tentures et d’une manière générale tout ce qui ne concernait pas l’Église. Il fallait s’adresser au curé pour la fourniture de la bière, ainsi que que pour la cérémonie religieuse, et à un cirier pour la fourniture des cierges. Mais les crieurs se chargeaient volontiers de servir d’intermédiaire auprès de la fabrique.

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Ce criage des trépassés subsista jusqu’à la Révolution. Les crieurs de morts ont laissé la place aux faire-part portés à domicile, puis aux courriers envoyés par voie postale. Les annonces collectives étaient faites au travers de la sonnerie du glas, notamment en Normandie. Par contre, la coutume de signaler le passage d’un cortège funèbre par ce campanier vêtu de noir, appelé familièrement le « clocheteur des trépassés » s’est conservée jusqu’au début du XX.

Rebeiller est un nom de famille d’origine occitane, issu du verbe rebeiller qui désigne le crieur de trépasses, clocheteur dérivé du verbe rebellir.

Les placards mortuaires :

Les placards mortuaires sont signalés à Paris depuis au moins 1634. Les placards mortuaires avaient la même fonction que le clocheteur. Ils étaient ainsi affichés à la maison mortuaire, aux portes de l’église où se célèbrait le service et à la porte du cimetière où devait avoir lieu l’inhumation. C’est vers 1680 que l’on commença à illustrer les placards.

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Usages des cloches, clochettes :

La cloche est un des plus vieux instruments sonores connus servant à rythmer la vie quotidienne. Dans la Somme, sur les marches d’un maître autel de l’église de Poix, se trouve une clochette, fabriquée par Andrieu Munier en 1582 ; clochette qui servait au clocheteur des trépassés. Elle a un diamètre de 12 cm et pèse 3 kg.

http://francescax8.unblog.fr/2013/03/01/usages-de-la-cloche/

Refrain des crieurs de trépassés :

Réveillez-vous, gens qui dormez
Priez Dieu pour les trespassez.

Même le sommeil le plus profond ne pouvait pas résister à son chant monotone, d’autant mieux que, pour se faire entendre par des gros dormeurs, il frappait aux portes des maisons avec son bâton. Pauvres honnêtes bourgeois réveillés en sursaut afin de prier pour le repos des défunts !

Ces clameurs n’étaient pas du goût de tout le monde ; le poète du XVIII siècle Saint-Amant, dans une pièce intitulée « La Nuit » se plaignait, dans les vers suivants, d’un de ces sinistres hurleurs, dont les cris épouvantaient les enfants et troublaient les dormeurs :

Le Clocheteur des Trépassés
Sonnant de rue en rue
De frayeur rend les cœurs glacés…
Et mille chiens, oyant sa triste voix,
Lui répondent à longs abois.
Lugubre courrier du destin,
Effroi des âmes lesches,
Qui si souvent, soir et matin,
Et m’esveille et me fasches,
Va faire ailleurs, engeance de démon,
Ton vain et tragique sermon !

Histoire d’ un cauchois Pierre Houard :

http://genealogiehistoiredefamilles.over-blog.com/2018/04/clocheteur-une-profession-originale.html

La clochette des trépassés- Eglise de Pont-de-Metz :

Comme l’inscription l’indique, cette clochette a été offerte, en 1676, par Messire Boistel, curé de Pont-de-Metz. Cette clochette destinée à être sonnée à la main est sans doute une "cloche des Trépassés". D’une hauteur de 24 cm et d’un diamètre de 13 cm, elle pèse 1,6 kg. Les deux petites rosaces et les initiales P.C. indiquent que cette clochette sort des ateliers des Cavillier, fondeur de cloches à Carrépuis.

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Clocheteurs du Pays de Caux :

Ceux-ci exerçaient en plus d’autres métiers saisonniers tels que journaliers, manouvriers ou batteurs en grange.

Dans nos campagnes du pays de caux, au cours du XVIII ème siècle, les clocheteurs se nomment Adrien Courtel à Crasville la Rocquefort ; François Langrenay à Blacqueville ; François Pollet à Hermeville ; Pierre Houard à Ancourteville sur Héricourt ; Pierre Limare à Bretteville du grand caux ; François Lachèvre à Crétot ; Nicolas Lattelais à Thibermesnil ; Nicolas Lecompte à la Poterie cap d’antifer ; et bien d’autres. A Saint Valery en Caux, il y a François Samson, époux de Marie Poisson, qu’on découvrira noyé dans une mare, à Manneville ès Plains, le 29 juin 1783.

F.Renout
(Administrateur cgpcsm)
R

Sources ;
M,F Hoffbauer (Paris à travers les âges)
E,Defrance (Histoire de l’éclairage des rues de paris)
Jean Marc Caron (histoire de Pierre Houard 2018)


Documents joints

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