Jacques Paschal MONNIER, biographie d’un marin cauchois

lundi 26 août 2019
par  Francis RENOUT
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Quelques bons souvenirs familiaux m’amènent tout naturellement vers ce charmant petit village côtier du Pays de Caux : Saint Martin aux Buneaux.

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Jacques Paschal Monnier nait le 20 avril 1778 à Saint Martin aux Buneaux, au sein d’une famille de marins depuis quelques générations. D’ailleurs, le jour de sa naissance, son père est absent. Celui-ci est en mer. Fils de Jacques Martin et de Marie Marthe Pannevel, mariés le 25 février 1772, à Sassetot le Mauconduit, il eût cinq frères et deux sœurs. Il sera baptisé à l’église saint Martin, datant du XII ème siècle. La flèche de son clocher, de section octogonale, très élevée, 22 mètres environ au-dessus du bâti, était visible de loin et servait d’amer, c’est-à-dire de repère, aux marins.

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Histoire du village :

Une famille seigneuriale puissante sous les Capétiens, dénommée Bunel, Burnel ou Burnaux, sous la protection de Saint Martin, donna son nom à ce village de Saint-Martin-aux-Buneaux. Ceux-ci édifièrent un château fort qui fut détruit sous les ordres de Richelieu. Sous Saint-Louis, la population du village, se composait de 100 familles environ et sous Louis XV on compta 350 feux. On trouve, Pierre du Val, écuyer, qui fait prisonnier l’équipage d’un navire anglais en 1386. Parmi les seigneurs locaux, on a les familles Harnoix, De Civille, et Jubert jusqu’à la révolution. Par la suite, On trouve Jean Robert Bigot de Sommesnil (1724/1790), seigneur de Saint-Martin-aux-Buneaux, Vinnemerville et Sassetot-le-Mauconduit, vraisemblablement après la Révolution. Il est l’époux de Françoise Duhamel de Melmont.

Situé sur le plateau cauchois, bordé par les communes de Sassetot-le-Mauconduit, Vinnemerville, Butot-Venesville, Auberville-la-Manuel et Veulettes-sur-Mer et au nord-est de trois valleuses (le Val, le Fond de Villon et les Petites-Dalles), Saint Martin aux Buneaux est un village côtier, peuplé de gens de la mer et de gens de la terre. Par ailleurs, au château actuel, le portail, avec entrées piétonnière et charretière, est surmonté, selon la légende, d’un sarcophage contenant le cœur d’un corsaire. Dans le parc, on trouve un puits marin.

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Biographie de Jacques Paschal Monnier :

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Ayant grandi dans une famille de marins, au bord de la mer, c’est à l’âge de 11 ans, quelques mois après la révolution, le 2 octobre 1789, que tout naturellement, Jacques Paschal devient mousse sur le « Saint Valery », bateau de pêche d’un de ses oncles ; ceci jusqu’au 2 avril 1792. En général la tranche d’âge des mousses était entre 12 et 16 ans ; mais on en rencontrait qui avait 8 ans.

https://books.openedition.org/pur/6696?lang=fr

Pendant trois mois, à partir du 1 octobre 1792, il est sur le « Saint Nicolas ».

Du 2 mars 1793 au 4 janvier 1794, il se trouve sur le « Port Peltier ». Le 4 avril 1794, ce bateau est appelé au service de l’état pour le transport. Jacques Paschal y restera jusqu’au 26 septembre, en qualité de novice.

Pour une courte période de pêche, du 2 décembre 1794 au 27 janvier 1795, il ira sur le « Philippe Nicolas ».

Sa profession de marin, l’emmènera à naviguer sur les mers et les océans ; et ce, toujours de plus en plus loin de sa terre natale. Le métier est difficile et physique. Il faut travailler dans un milieu humide et froid, parfois dangereux. Les marins sont tributaires du climat.

Le 2 avril 1795, il embarque au Havre, sur la corvette « La Laurette » jusqu’au 7 avril 1796.
Du 8 avril 1796 à mars 1797, il est sur la frégate « L’Incorruptible » , du capitaine Bescond, en tant que matelot. Accompagné d’une petite escadre, cette frégate part de l’île de Walcheren (Pays Bas), pour une course en mer du nord, le 15 juillet 1796. Un navire anglais « le Glatton », hèle « l’Incorruptible » , mais ce dernier finit par s’échapper et rentre, quelque peu endommagé, dans l’estuaire de l’Escaut.

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(L’Incorruptible en 1795)

Du 8.03.1797 au 10.04, Jacques Paschal est sur l’Insolent » (canonnière, capitaine Brouelle), puis, du 3.05 au 24.07, sur Le Charles (bateau de transport, capitaine Godin). Du 25.07.1797 au 11.07.1801, il est matelot ou aide-canonnier sur les bateaux suivants : l’Enigme (canonnière, capitaine Jade), la Circonstance (canonnière), la Canonnière n°1, le St-Jean (bateau), la Carmagnole (frégate, capitaine Hubert), le Jeune Adrien (bateau), la Libre (frégate), le Succès (cutter).

Le 25.04.1800, à bord de la Carmagnole, en qualité d’aide-canonnier, il participe, dans l’estuaire de l’Escaut, en compagnie de l’Incorruptible, la Poursuivante, la Désirée, sous les ordres du capitaine Castaing chef de la division, contre 7 frégates, corvettes, cutter britanniques portant 144 canons. La Désirée est enlevée en 15 min ! Les autres bateaux font voile sur Flessingue, où ils arriveront sans autre ennui. Jacques-Paschal est heureusement à bord de la Carmagnole.

Le 12.07.1801, à bord du Succès, il participe au sauvetage de deux équipages espagnols durant le débarquement ouest de Gibraltar. Ces deux navires, le Real Carlos et le San Hermenegilde, se sont canonnés mutuellement alors qu’un navire anglais avait attaqué l’un d’eux ! La riposte fut une affreuse méprise, car les 2 navires ayant fait le plein de munitions, sautèrent presque en même temps.

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(L’incorruptible de 1796 à 1805)

Le 31 août, le Succès (Monnier à son bord) et La Bravoure partent pour Livourne, dans le but d’aller au ravitaillement. Les deux frégates s’échoueront car elles naviguent au plus près du rivage, et seule le Succès pourra être relevé.

Du 22.01.1804 au 30.03.1807, Jacques-Paschal est sur La Providence et c’est dans cette période que se situe Trafalgar. Il mentionne dans une lettre adressée au ministre de la guerre qu’il avait pris en 1804 le commandement du transport 243 d’artillerie, ce transport est inscrit dans le répertoire général de la marine comme ayant pour nom : La Providence ! Effectivement, dans les archives de la Marine Nationale, on trouve trace de ce commandement, mais seulement en ce qui concerne l’intendance et les frais de subsistance. Toutefois, il faut noter que La Providence 243 est indiqué dans les archives de Cherbourg comme un bâtiment faisant partie de la flotte du Nord, prévue pour « la descente en Angleterre ». Il est possible que ce bâtiment ait fait office de ravitailleur puisqu’il est porté sur les registres comme transport d’artillerie et, que de ce fait, il ait assisté, mais de loin à la fameuse bataille.

En 1809, il est sur le Dalmate (vaisseau de haut bord, capitaine Mossin), ancré à Anvers, comme maître-canonnier, jusqu’au 6.04.1811.

Muni d’une permission spéciale datée du 15 janvier, il vient, le 6.02.1811, à St-Martin aux-Buneaux pour se marier avec Marie-Angélique Hedouin, fille de Nicolas André, cultivateur/charpentier, et de Marie Catherine Carrel. Les deux tourtereaux ne perdirent pas de temps car, de cette union naîtra neuf mois plus tard, Jacques Constant, le 14 novembre 1811. Celui-ci deviendra serrurier de marine.

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(acte de mariage)

Maître-canonnier de 1ere classe à bord du Friedland (lougre,capitaine Jean Coudein), faisant partie de l’Armée Navale d’Anvers composée de 18 vaisseaux, sous les ordres du Vice-Amiral Burgues Missiessy, il est présenté lors d’une inspection, le20.09.1811 à Napoléon 1er par le ministre de la marine, Decrès, contre-amiral, et l’Empereur lui dira : Je me souviendrai de toi !.

Jacques Paschal continue à naviguer au service de l’Etat du 4.12.1813 au 1.09.1814, sur le Pacificateur, capitaine Osewaerde (officier hollandais) et le Tromp.

Le 21 décembre 1814, nait son second fils Nicolas Thomas Sénateur qui deviendra capitaine au long cours.

En 1815, la monarchie rétablie, Jacques-Paschal se consacre à la pêche et au cabotage. Il passe, au Havre, l’examen de Maître au Cabotage, et, est reçu le 19.07.1817. Il est breveté Capitaine le 2.09.1819.

En 1816, alors qu’il commandait le Jean-Baptiste de St-Valery-En-Caux, en qualité de capitaine-patron, il participa à une action de sauvetage lors d’un naufrage en mer,au large de St-Valery-en-Caux, relaté par lui-même et par ceux qu’il sauva (11 hommes sur 18 de l’équipage) et dont il est fait mention sur son état de service édité par l’Inscription Maritime de Fécamp. 

Le 16 janvier 1817, nait son troisième fils, Jacques Martin, prénom hérité de son grand-père, qui deviendra capitaine maître d’équipage.

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Le 27 décembre 1818, nait une fille, Marie Angélique Hortence, qui épousera à Fécamp, en 1850, un quincailler, Emile Désiré Delafosse. Elle décèdera comme son père dans sa 90 ème année.

Pendant longtemps, les familles de marins donnaient à leurs fils le prénom de Marie dans leurs prénoms de baptême. En effet, dans la religion catholique, cette dernière est censée protéger. Ce ne fut pas le cas pour la famille de Jacques Paschal, hormis sa fille.

Le 15 juin 1821, nait son dernier fils, Arsène Auguste, qui décède le 1 mars 1822, âgé de 8 mois.

Jacques Paschal sera patron, maître au cabotage ou capitaine jusqu’en septembre 1846.

Matelot sur Le St-François, Patron sur le St-Victor, sur le Jean-Jacques, sur le Jean-Baptiste, Maître sur le Jeune Arthur, sur le Renard, sur le Saint-Adrien, sur l’Aline, sur le Saint-Paul, sur le Cérès et l’Adelphine.

Dans l’entre temps, par décret du 18.05.1829, décision n°298, il fut admis à la demi-solde.

Capitaine, en 1826, sur le Saint-Adrien, direction la Corogne ; le 24.05.1843, capitaine de l’Adelphine, pour un nouveau voyage, et d’autres encore qui se succèderont jusqu’en 1849, année où il prend sa retraite et se retire à Fécamp.

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En novembre 1852 ,il envoie une lettre au ministre de la Marine, en citant ses états de service pour obtenir la Légion d’Honneur. Sa demande est transmise et enregistrée le 27.11, mais, la croix ne lui sera, finalement, attribuée qu’en 1865.

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Vie d’une femme de marin :

Être une femme de marin n’était pas une vie facile tous les jours. Torturée par l’absence de l’époux et les craintes, c’est sur elle que reposaient tous les tracas de la vie quotidienne. Ces femmes devaient conjuguer attente et crainte du naufrage, vie de misère et absence d’investissement de leur conjoint dans l’univers domestique : même à terre, les hommes préféraient souvent se retrouver entre eux. Être seule à terre, implique de se montrer forte pour rassurer et élever ses enfants et pour gérer la vie de famille.

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Jacques Paschal est alors âgé de 70 ans quand il prend sa retraite. Il en profitera pendant vingt ans ; mais seulement quatorze ans avec son épouse, qui décède le 28 mai 1863, à Fécamp.

Quant à Jacques Paschal, il décède le 10 avril 1869, âgé de 90 ans, rue des prés, à Fécamp, après une vie bien remplie.

F.Renout
(Administrateur cgpcsm)

Sources :
Documentation de madame Nadine Delafosse
Les vétérans de Napoléon I
Registres des archives


Documents joints

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