L’Auberge du cygne au XVII ème siècle

mardi 15 mai 2018
par  Francis RENOUT
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Fondée en 1611 au bourg de Tôtes, à l’emplacement de l’Auberge de " l’Écu d’Orléans", face au château de Belloy, l’Auberge du cygne devient un relais de poste sous Louis XIII.

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Située à un carrefour routier important, à la croisée des routes reliant Le Havre à Amiens et Paris, Rouen à Dieppe, sur le plateau entre la vallée de la Saâne et la vallée de la Scie, le village de « Tostes » était déjà habité du temps des gallo romains, on y trouvait alors une ferme. Son nom actuel vient probablement de là car, en norrois (ancienne langue scandinave), Topt désigne « emplacement d’une ferme ».

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Dans cette auberge ont séjourné des personnalités comme Madame de Pompadour, Louis-Philippe, Napoléon Ier et l’impératrice Joséphine (en 1808), Philippe d’Orléans, François d’Orléans, le roi des Belges Albert Ier et son épouse la reine Élizabeth.

On trouve mentionné sur le site « seine 76 » concernant Tôtes qu’on y rencontre notamment D’Artagnan en escorte du roi Louis XIII, alors en voyage à Dieppe en 1620. C’est plus qu’improbable étant donné qu’à cette date d’Artagnan, Charles de Batz de Castelmore, n’était âgé que de dix ans environ (les registres officiels de son lieu de naissance ayant été brûlés). Il est né vers 1610, au château de Castelmore, près du bourg de Lupiac. Celui-ci partit de sa terre natale de Gascogne entre 1625 et 1630 pour rejoindre Paris, et entrer chez les mousquetaires du Roi (dont la 1ère compagnie fut crée en 1622). Quand à Louis XIII, il vint à Dieppe en 1617 et passa certainement à Tôtes.

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Quels en furent les premiers propriétaires ? Cela reste à découvrir ! Par contre, on retrouve la trace d’un certain Jean Fiquet mentionné sur les registres.

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Biographie de Jean Fiquet :

Jean Fiquet est né le 2 mai 1658 à Saint Vaast du Val, petit village du Pays de Caux, à même pas une lieue de Tôtes. Il est fils de Robert Fiquet, Hôtelier et de Jeanne Queutteville.

Il devint valet d’écurie à l’auberge de "l’écu d’Orléans" à Tôtes, ville par lequel passaient les Anglais débarqués de Dieppe pour se rendre à Paris. Un jour, il soigna un riche homme d’affaires anglais tombé malade à l’auberge avec un tel dévouement que l’Anglais lui lègue tous ses bagages et leur contenu si il vient à mourir. L’homme meurt au bout de quelques jours, et le valet hérite de ses effets trouvant dans les valises des billets de banque qui font sa fortune.

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Le 28 janvier 1686, Jean se marie avec Magdeleine Sevoux (Septvaux) à Bertreville Saint Ouen. Leur union sera de courte durée car Magdeleine décéda à Rouen en juin 1689 et fut inhumée le 13 du même mois à Auffay.

En 1690, l’auberge qui ne porte pas encore son nom actuel, est dirigée par Jean Fiquet ; auberge certainement achetée avec le legs du voyageur anglais.

Cinq ans plus tard, le 31 juillet 1691, aux cent acres, Jean se marie en secondes noces avec Anne Marie Auzou, fille de Nicolas, trésorier et receveur des dîmes de Saint Amand de Rouen, et de Marguerite Guerrier. Neuf enfants naîtront du couple entre 1692 et 1703 (5 filles et 4 garçons)

En 1693, Jean est greffier, receveur et maître de poste. Plutôt logique, car à cette époque, le maître de poste avait d’autres occupations (souvent agriculteur, cabaretier ou aubergiste). Pour devenir maître de Poste il faut avoir une bonne réputation, posséder quelques biens, c’est-à-dire une écurie, des chevaux et le fourrage pour leur nourriture. En résumé, justifier d’une bonne fortune.

En 1698, il est mentionné cabaretier

Entre 1710 et 1743, Jean est greffier en chef au bureau des finances de Rouen, conseiller et secrétaire du Roy, maison et couronne de France et de ses finances.

En 1727, il est nommé tabellion au bailliage de Longueville pour le siège d’Auffay.

Mais en l’an de grâce 1743, le 30 septembre, Jean meurt en charge à Tôtes, âgé de 85 ans. Son épouse, Marie, le suivra quelques années plus tard, le 6 juillet 1749 au même lieu.

Lors de la succession, Jean Fiquet fils légue un plat bleu décoré de deux cygnes surmontés d’une couronne de marquis à son successeur Tubeuf. Ce plat est à l’origine de l’appellation actuelle.

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Ce fils prénommé Jean comme son père, né le 20 janvier 1694 à Tôtes, va se marier le 2 mai 1724 à Rouen, paroisse Saint-Pierre-des-Tonneliers, avec Marie Thérèse MARQUET.

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En 1735, Charles-François de Pestel, dernier descendant direct de la famille De Normanville, est le seigneur du domaine de Normanville. Comme tous les seigneurs de cette époque, il croule sous les charges imposées par Louis XIV et doit se résoudre à vendre la terre de ses ancêtres.

Jean Fiquet fils, qui veut profiter de sa nouvelle situation, en fait l’acquisition . La possession de cette terre seigneuriale permis à Jean Fiquet d’être anobli et il devient alors seigneur et marquis de Normanville. Au moment du rachat des terres, l’ancien château, ou manoir de Normanville, tombait en ruines. Jean Fiquet décide de le raser et d’en faire construire un nouveau. La construction débute en 1737 et s’achève en 1740. Elle est complétée par deux annexes en 1742.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=210&v=3SMw3oDRMhg

Je me mis en quête de la famille Tubeuf dont je retrouve la trace d’un couple, Guillaume et Marie Magdeleine Osmont. Guillaume est originaire de Grigneuseville où il naît le 25 novembre 1709, fils de Pierre et de Marie Planquais ; son père est maître de l’hôtellerie du fort.Il décède à l’âge de 30 ans en septembre 1710.

Guillaume Tubeuf se marie le 12 octobre 1737 à Louvetot (Grigneuseville) avec Marie Osmont dont il aura 9 enfants entre 1738 et 1753 à Montreuil en Caux. Son frère aîné Pierre est laboureur. Je pense que Guillaume exerça aussi quelques temps ce métier mais devint aubergiste après son mariage. Il est mentionné aubergiste entre 1743 et 1753 à la rouge maison à Montreuil en Caux. Il existe une rue à ce nom actuellement.

Ce serait donc après l’année 1753, que la famille vint s’installer à Tôtes, à l’auberge du cygne.

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En 1756, grâce à la marquise de Pompadour qui en fit son rendez-vous de chasse, l’auberge devient un relais de poste royal.

Parmi ses enfants, deux exercèrent sa profession vers les années 1772. Le 28 mai 1780, Guillaume décédait.

L’auberge dû changer de nouveau de propriétaire avant l’année 1771, car on retrouve Adrien Leprevost comme directeur des postes. Cette profession est mentionnée sur les registres à son second mariage avec Marie Catherine Verdure, le 23 juillet 1771 à Bretteville et dans les années 1773 et 1776 aux naissances de ses deux fils. D’ailleurs, en 1773, à la naissance de son fils Louis Samson, c’est Louis Nicolas Tubeuf, fils de Guillaume, aubergiste, qui est parrain. Est-il employé par Adrien Leprevost ? Rien ne permet l’affirmer.

L’auberge continua d’exister avec de nouveaux propriétaires à travers les siècles.A vous de les rechercher si vous en avez ’envie et la curiosité.

Dans la cour de l’auberge, appuyé près d’un mur de briques, on trouve un abreuvoir chauffant en pierre. Deux niches sont formées sous la pierre creusée pour y déposer du bois et la chauffer. Celle-ci devait certainement servir à abreuver les chevaux qui se reposaient tout près dans les écuries.

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"En 1808, lors de son passage, Napoléon Ier fait don d’une marmite en cuivre."

Ce serait étonnant que ce soit en cette année ! En 1808, une guerre opposa la France et l’Espagne. Napoléon Bonaparte avait certainement autre chose à faire que visiter la Normandie ! Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, en novembre 1799, Bonaparte a peu quitté la capitale et ses environs. En décidant de visiter la Normandie, entre le 29 octobre et le 14 novembre 1802, il effectue son premier véritable voyage de souverain en Province.Au milieu de l’après-midi du samedi 30 octobre 1802, Bonaparte arrive à Rouen, capitale de la Normandie. Il y reste jusqu’au 5 novembre, effectuant cependant un saut à Elbeuf le 3. Puis le 5, il prend la direction du Havre, par Caudebec et Yvetot. De là, il fait une incursion vers Honfleur puis la mer, avant de regagner Le Havre et de prendre la route du nord en direction de Dieppe ; il y séjourne du 9 au 12 novembre. Il rentre alors à Paris en passant par Beauvais où il demeure les 13 et 14.

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En 1910, la reine Victoria et le Prince de Galles y séjournent.

En 1918, la reine des Belges, Élisabeth, s’offre en mai l’ensemble de l’hôtel afin que le roi Albert Ier (1875/1939) se repose.

La seconde guerre y amène Dwight David Eisenhower (1890/1969), Wilhelm Marschall (1886/1976), Erwin Rommel (1891/1944), Friedrich Van Paulus (1890/1957) ainsi que Pierre de Gaulle (frère du Général 1897/1959) et Ali Khan (1911/1960).

face à l’Auberge du Cygne, Le Château de Belloy, date du XVIIème siècle.

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En 1781, il est reconstruit suite à un incendie du à Jean Fiquet d’Ausseville. A l’intérieur, le plafond du salon, d’une hauteur de 5,50 m, en boiseries peintes à la main, est l’œuvre de l’italien Laurinti en 1786.

En 1805, Marguerite Fiquet d’Ausseville, fille de Jean, épouse Amable Hippolyte de Maurès 1765/1828, comte de Malartic, baron d’Empire, chevalier de la Légion d’Honneur, député de la Seine-Inférieure et maire de Tôtes. Le château passe ainsi aux mains des comtes de Malartic et Jean Hippolyte Maxime 1808/1891, fils du précédent, est maire de Tôtes également.

Jean Fiquet d’Ausseville, receveur particulier des finances de l’élection d’Arques, occupe en 1787 son manoir seigneurial (château de Belloy) et son jardin. En 1788, il demande des lettres patentes pour réunir et incorporer au fief de Tôtes les terres et fiefs des Brosses, de Saint Victor, du Bosc-aux-Lièvres, de la Heuze, du Tilleul acquis par lui, pour former un plein fief de haubert nommé le fief de Tôtes.

Livre :La vieille hostellerie normande de Tôtes par E. Spalikowski, 1920

F,Renout
(Administrateur cgpcsm)

Sources :

Site de Roselyne (Au pays de mes ancêtres)

Registres des archives départementales


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