Chasse moute écrasé par la roue du moulin

vendredi 20 décembre 2019
par  Francis RENOUT
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Quelques jours après les fêtes de Noël, le 28 décembre 1786 était inhumé le corps de Laurent Leborgne, âgé de 31 ans, chasse moute de la paroisse d’Oherville, suite au mandement délivré par Mr Silly, en l’absence de Mr Jougard, lieutenant général au bailliage de Cany.

Celui-ci était décèdé deux jours auparavant, écrasé par la roue du moulin dit du Baillet, relevant de Sommesnil. Les témoins présents étaient Catherine Martot, veuve de Jacques Boissel, en son vivant maître meunier, mère en loi du défunt, de la paroisse de Sommesnil, Michel Leborgne, journalier, père du défunt, de la paroisse de Carville sur Héricourt (carville pot de fer).
On note aussi la présence de Marie Boissel, sœur en loi du défunt, de Sommesnil. A cette époque, le prêtre d’Oherville était un nommé Foulques.

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Sur la commune de Sommesnil coule la Durdent, petit fleuve au cours pentu et au débit régulier, qui a vu s’installer, le long de son parcours, un certain nombre de moulins. Au XIX ème siècle, on en dénombrait plus de 80 sur les 25 km du fleuve. L’activité commerciale était fructueuse. On l’appela dès lors « la vallée des moulins ».

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(Chapelle à l’entrée du village de Sommesnil)

Un historien normand a écrit : « De tous les pays du monde, l’Europe est la mieux boisée ; de l’Europe : la France ; de la France : la Normandie ; de la Normandie : le Pays de Caux ; et du Pays de Caux : La terre de Sommesnil ! ». Il paraît que les bois qui entourent ce village, sur les hauts coteaux de la rive gauche du fleuve, soient les plus touffus de la région.

Le moulin du Baillet est installé sur la rive droite, il forme avec le « moulin neuf », situé sur la commune de Sommesnil, l’ensemble appelé « les deux moulins ». L’origine du moulin à blé du Baillet remonterait au XVIIe siècle. Il est aujourd’hui transformé en habitation et sa roue à aubes a disparu.

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La roue à aubes :

La roue à aubes est une roue particulière munie de pâles, permettant de créer ou de restituer un mouvement rotatif d’axe au départ d’un mouvement PNG - 523.3 kio linéaire de fluide. La première exploitation mécanique de la roue à aubes fut la création de moulins « au fil de l’eau ». Leurs applications furent diverses, du moulin à grain jusqu’aux industries mécaniques.
L’eau entraîne une roue à aubes qui actionne un mécanisme bien particulier selon l’activité (production de farine, d’huile,PNG - 1.2 Mio battage du trèfle, teillage du lin, fabrication de moutures pour l’alimentation des animaux, action du pilon d’une forge, pompage de l’eau, …).

Dans la vallée de la Durdent, quelques moulins, transformés en maisons d’habitation, ont conservé leur roue à aubes et produisent de l’électricité.

https://moulindelamousquere.pagesperso-orange.fr/pages/roue-verticale.htm

http://www.harcanville.fr/cities/1078/documents/zgsozzgmt04056p.pdf

On imagine facilement ce dramatique accident arrivé à Laurent Joseph Leborgne ! Celui-ci, happé par les pâles de la roue, fut entraîné par en dessous et écrasé par la force motrice de cette dernière. C’est l’hiver ! Peut-être a t-il glissé sur un sol gelé ?

Le chasse-moute :

Parfois, les meuniers envoyaient leurs garçons ou valets chercher chez les paysans, sa provision de grain. C’étaient les chasse-moute qui, coiffés d’un bonnet de coton, la veste toute enfarinée, un fouet enlacé autour du cou, parcouraient le village, sur un âne ou un bidet, faisant claquer leur fouet pour prévenir de leur présence les clients qui leur remettaient du blé à moudre.

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Le chasse-moute était donc chargé du transport du grain et de petites courses en tous genres pour le meunier. Peu à peu, ce métier a fini par s’éteindre à partir de 1793. Il est nommé différemment suivant la région où il opère : chasse menée en Picardie, chasse mounée en Franche Comté ou encore chasse mulet en île de France.

Le village de Sommesnil :

Au XVIII ème siècle, les terres et le château de Sommesnil appartiennent à la famille Bigot depuis au moins l’année 1600. Avant la révolution, c’est Alexandre Émery Bigot qui est seigneur du lieu ainsi que de Cleuville et le dernier représentant de cette famille. C’est son aïeul, Jean Bigot, époux de Barbe Groulard, qui fait ériger l’enceinte du château, le pavillon des gardes, les écuries et les deux monumentales portes Médicis dont l’une abrite un petit pigeonnier, appelé fuie. Ce couple a une nombreuse descendance (19 enfants) et ne peut mener la totalité du projet à terme. Jean Bigot est un érudit bibliophile qui rassemble une bibliothèque de plus de 6000 volumes, parmi lesquels plus de 500 manuscrits anciens. Celle-ci est ensuite enrichie par ses fils. La bibliothèque devient une des plus importantes bibliothèques privées de France. Au milieu du parc de 8 ha trône un cèdre de 350 ans.

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http://laboutinette.blogspot.com/2014/03/chateau-de-sommesnil.html

Biographie de Laurent Joseph Leborgne :

Laurent Joseph Leborgne, fils de Michel et d’Anne Lieury, est né le 13 mai 1755, à Carville Pot de Fer, près de Doudeville. Ses parents se sont mariés dans ce village, le 22 juin 1743. Dix enfants naissent du couple entre 1745 et 1767.

Il se marie le 29 avril 1777, à Oherville, avec Marie Catherine Boissel, fille mineure de Jacques et de Catherine Maltot (Martot). Ces derniers se sont mariés à Routes en 1753. Parmi les témoins au mariage, on note la présence de Thomas Legros, garde chasse de Mr le marquis d’Houdetot, de la paroisse d’Anvéville. A sa naissance, le 9 août 1754, à Routes, l’épouse est prénommée simplement Marie et se nomme Bossel. On verra l’importance de ce prénom plus tard, au cours de l’histoire.

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Leur premier fils, Laurent Joachim, nait le 22 juin 1777, soit deux mois seulement après le mariage de ses parents. On peut se demander si le mariage n’a pas été célébré pour régulariser la situation ! Les années passent et les naissances se suivent. Sept enfants naissent entre 1777 et 1787.

Quant à Marguerite Clotilde Désirée, dernier enfant conçu trois mois avant le décès de son père, celle-ci voit le jour le 5 juillet 1787 à Oherville. Malheureusement, elle décède un mois plus tard. Veuve et enceinte, la vie de chaque jour dut être pénible pour cette mère, après le décès de son époux. Il faut dire que ces dernières années, avant la révolution, étaient difficiles dans les campagnes.

À la veille de la Révolution française, les mécontentements s’accumulent chez les Cauchois : les mauvaises récoltes dues aux conditions climatiques de 1788 s’ajoutent aux conséquences du traité de commerce signé avec l’Angleterre en 1784, qui effondre l’industrie et provoque un chômage de masse dans la population. Des heurts ont lieu dans les halles au blés, comme à Yvetot. Les pauvres se rassemblent dans les débits de boissons et manifestent la nuit vers les grosses fermes soupçonnées d’avoir des réserves de blé.

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(Républicaines de Cany)

Veuve depuis dix sept mois, ayant en charge plusieurs enfants, Marie Catherine, alors âgé de trente quatre ans, se marie en secondes noces avec Jean Nicolas Martel, originaire de Vattecrit, le 20 mai 1788, à Oherville. Celui-ci est onze ans plus jeune que son épouse.

En cette année 1788, il plut et grêla presque tout l’été. L’automne fut aussi désastreux. Les moissons furent insuffisantes. Un hiver particulièrement long et rigoureux suivit. Les terres furent gelées pendant plus de dix semaines. Tout ceci provoqua des hausses des prix du blé et du pain, hausses qui atteignirent 50% à 100%. Or, à cette époque, le pain était l’aliment de base. Le pays de Caux souffrit de sévères famines.

Malgré cela, quatre autres enfants verront le jour entre 1789 et 1794 et viendront agrandir la famille. Le 1 février 1789 est baptisé Nicolas Toussaint Juvenal. Son père, journalier, est absent. Sa marraine, Marie Catherine Boissel est meunière à Sommesnil. Même prénom et nom que la mère de l’enfant ! Qui est-elle ? Après quelques recherches, il s’avère que la marraine est la sœur de Marie Catherine, née le 11 mai 1770. Elle a donc 19 ans. Autrefois, on n’hésitait pas à donner les mêmes prénoms à plusieurs de ses enfants. Petite précision : Marie Catherine ainsi prénommée à son mariage en 1777, se prénommait simplement Marie à son baptême en 1754.

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Nicolas Toussaint Juvenal décède à l’âge de 13 ans, le 4 brumaire de l’an X (26 octobre 1801), à 2h du matin, au domicile de ses parents. Son père est présent au moment où son fils rendit son dernier soupir.

Marie Catherine, fileuse, décède le 29 novembre 1824, à Oherville, âgée de 70 ans. Les témoins sont : son mari Nicolas Martel, 55 ans, journalier et Jean Lefebvre, fils, tisserand, 34 ans. Qui est ce fils ? Erreur de nom transcrit sur l’acte par l’officier d’état civil ? C’est bien possible car Marie Catherine n’eut que deux conjoints au cours de sa vie.

F,Renout
(Administrateur cgpcsm)
R

Sources :
Acte de décès sur les registres de Seine Maritime.
Base de données « Généacaux »
Cahiers de doléances du bailliage de Cany en 1789.


Documents joints

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