Coutumes, croyances et traditions du Pays de Caux et de Normandie

mardi 15 octobre 2019
par  Francis RENOUT
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Elles étaient transmises de générations en générations, d’une histoire familiale, régionale ou locale, reflet d’une conscience collective. Depuis les temps les plus anciens, avec les Calètes puis avec les Vikings, et jusqu’aux Normands d’aujourd’hui, les habitants du Pays de Caux sont tous profondément enracinés dans leur terre. .....................

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Attaché au terroir normand, Maupassant a su nous faire découvrir la vie de nos ancêtres au travers de ses récits, sur le poids de la religion et des traditions à la campagne, pendant la deuxième moitié du XIX ème siècle.

http://musee-de-normandie.caen.fr/sites/musee-de-normandie.caen.priv/files/pictures/dossier_maupassant.pdf

Le baptême :

Traditionnellement, la marraine porte au bras un panier dont la parrain est tenu de lui faire présent. L’enfant était amené à l’église avec un pot d’étain rempli d’eau. Cette eau pouvait servir en chemin, au cas où il aurait fallu ondoyer le nouveau né. Sinon, l’eau servait au prêtre pour se laver les mains après la cérémonie. Cette coutume disparut en même temps que les vases en étain vers 1830. Le repas qui suit le baptême est nommé « briscot » ou « brisecoq ». Peut-être y mange t-on de la volaille !

Les relevailles :

La cérémonie des relevailles prend le nom de « ramessage » parce que la nouvelle accouchée reprend ce jour là le chemin de l’église pour y entendre la messe. Au sortir de la maison, on lui présente de l’eau bénite. Il en est de même à l’entrée de l’église ; en effet, celle-ci n’a pas le droit de plonger les mains dans le bénitier tant qu’elle n’est pas purifiée.

http://www.geneacaux.net/spip/spip.php?article362

Le mariage :

Jusqu’à la moitié du XX ème siècle, la mariée était vêtue de noir.

A l’époque romaine, la jeune mariée portait tunique blanche, manteau safran et voile de couleur orangé maintenu par une couronne de feuilles de myrte auxquelles étaient mêlées des fleurs d’oranger. Sous la royauté, le blanc symbolisait la couleur du deuil des Reines de France et les paysans dans les veillées parlaient volontiers de ces fameuses « Dames Blanches » qui hantaient les châteaux. Dès lors, il n’était pas question de s’habiller en blanc pour se marier. Cette coutume changea après la révolution.

Ces robes noires ou de couleurs permettaient aux femmes de les porter plusieurs fois, notamment dans les couches paysannes. Elles servaient particulièrement lors de la messe des relevailles.
Durant de nombreux siècles, la mariée ne portait pas une robe spécifiquement dédiée au mariage pour le jour de la cérémonie ; mais simplement la plus jolie robe qu’elle possédait, peu importe sa couleur.

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En France, les femmes portaient souvent leur costume régional. Si cela peut paraître folklorique, cette tenue était l’habit du dimanche pour aller à la messe et donc était utilisé pour sa propre cérémonie de mariage.
Au retour de l’église, la mariée trouvait à l’entrée de la maison, un balai. Si elle le remettait en son lieu ordinaire, on pensait qu’elle serait une bonne ménagère.
Le lendemain du mariage, les pauvres et les enfants du village, venaient réclamer aux nouveaux mariés les restes du dîner ; ce que l’on appelait autrefois « aller à croutelettes »
Quand le mobilier de la mariée quittait la maison familiale pour être transporté au domicile conjugal, la voiture qui transportait le mobilier était ornée d’un bouquet, le conducteur garnissait son fouet de rubans et le cheval était décoré de faveurs aux couleurs variées.

Le décès :

Lorsqu’avait lieu un décès, la famille arrêtait de travailler, les meuniers stoppaient la roue des moulins, et dans chaque maison du village, on immobilisait le balancier des horloges ; ceci afin de participer au deuil.
D’autre part, on enlevait le miroir dans la chambre ou on le retournait.
Au moment du décès et jusqu’aux funérailles, la porte principale est ornée d’un linge blanc suspendu, qui indiquait aux passants la perte d’une personne.

L’inhumation :

Le jour de l’inhumation, les hommes avaient quelquefois un long manteau et ne se rasaient pas. Quant aux femmes, elles portaient un ample couvre-chef nommé « Thérèse ». L’usage du voile remplaça cette coutume.

Le Deuil :

Le deuil était assez long au XIX ème siècle. Pour un époux ou une épouse, il était de quatre ans. Pour un père et une mère, il était de deux ans. Pour un frère, une sœur ou des grand-parents, il était d’un an. Pour un oncle ou une tante, il était de trois mois. Pour un cousin, il était d’un mois.

Musée départemental des Traditions et des Arts normands :
http://didiertougard.blogspot.com/2017/11/tourisme-en-normandie-le-chateau-de.html

Coutume d’héritage :

Le droit coutumier normand est apparu en Normandie au début du Xe siècle à partir d’admixtion de principes juridiques scandinaves sur le droit franc en usage dans l’ancienne Neustrie. Les principales dispositions de la coutume de Normandie ont été en vigueur dans leur état médiéval en France jusqu’à la Révolution. Elle fut toutefois aménagée au cours du temps par des arrêts du parlement de Normandie ou des décisions royales du grand conseil formant jurisprudence. Une importante réforme fut adoptée au cours du XVIe siècle et synthétisée dans les ouvrages publiés au XVIIe siècle par Henri Basnage (1615-1695), avocat.

Le système de succession excluait les filles en raison de leur impossibilité de transmettre les biens dans la famille et accordait une place privilégiée à l’aîné qui était seul héritier . Cette disposition n’est plus en vigueur que dans l’île de Sercq, au bailliage de Guernesey.

De même, le système matrimonial reposait sur la séparation de biens entre époux, le mari devenant propriétaire de tous les biens acquis durant l’union, mais toutefois obligé de constituer un douaire sur le tiers de ses biens en cas de veuvage de son épouse, ce tiers ne pouvant entrer dans la succession du mari qu’à la mort de sa femme.

Contrat de mariage au XVIII ème siècle :

http://www.geneacaux.org/document/Contrat_mariage.htm

https://www.persee.fr/doc/annor_0003-4134_1971_num_21_3_6302

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Croix, calvaire et légendes :

Comme dit Jean Duterroir : « Dans la campagne cauchoise, on ne parle guère des croyances liées aux saints guérisseurs et encore moins de sorcellerie, nous sommes en pays de taiseux » . Jean Duterroir est un pur cauchois, conservant à travers ses écrits les racines d’une contrée qu’il affectionne tout particulièrement.

https://www.dailymotion.com/video/x21yqrb

Des morceaux de tissus entourent certaines croix ou statues dans le pays de Caux, trace de passage de personnes qui attendant une guérison ou la réalisation d’un vœu, comme à Bacqueville en Caux, Sainte Hélène de Bondeville ou Ouville la Rivière.

A Ouville-la-Rivière, l’église et la croix Sainte-Apolline illustre parfaitement cet état de fait.

Tout d’abord, la croix est taillée dans un seul bloc de grès semblant avoir été un menhir. Ces pierres sacrées existaient en Pays de Caux mais elles avaient souvent été détruites ou changées en calvaires.

Le lieu est donc vénéré au moins depuis le néolithique, il y a de ça environ 4000 ans avant notre ère. Ensuite, près de cette roche fut construit un temple gaulois, puis gallo-romain, où l’on vénérait le dieu Apollon.
Au XIe siècle, une église a été dressée sur les ruines du temple et elle fut dédiée à Sainte-Apolline. Ainsi, même le nom de la « divinité » n’a que très peu changé dans cet endroit plusieurs fois millénaire, ayant connu trois ou quatre religions. Fêtée le 9 février, sainte Apolline est la sainte patronne de tous les dentistes et de ceux qui ont mal aux dents.

Aujourd’hui, alors que les bancs des églises sont désertés, la croix est toujours vénérée par des mères qui lui apportent des bouts de tissus dans l’espoir que cela diminue la souffrance de leurs enfants lors de la pousse des dents.

Ainsi, la divinité préhistorique, quelque soit son nom d’origine, est actuellement toujours sollicitée en tant que Sainte-Apolline, et cela malgré les siècles, les religions, la science et les avancées technologiques.
Les croyances les plus humbles sont apparemment celles qui durent le plus longtemps

Construit au XVIe siècle, le calvaire d’Alventot avait la réputation de guérir de l’ivresse et d’aider les jeunes enfants à marcher. Aujourd’hui encore, on peut y trouver en guise de remerciements des chaussures d’enfants, des gilets d’homme ou des fleurs.

La tradition veut que Saint Léger, évêque d’Autun, ait ici prêché, baptisé et opéré des prodiges, et ensuite ait été exilé au monastère de Fécamp (676-678). Sur la falaise de Saint Valery en Caux, où a été dressée une chapelle, Saint Léger aurait perdu son chapelet. La nef de cette chapelle a été détruite pendant la Révolution et le clocher en grès, datant du 17e , a été dynamité le 14 février 1944 sur ordre de Rommel. Il ne reste que deux piliers de grès et la porte. Son clocher en ardoise avait une hauteur de 16 m et se trouvait sur une élévation de 59 m. La légende veut qu’un enfant ne pouvant marcher seul soit guéri après avoir fait 3 fois le tour de ce clocher.

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Connaissez vous l’histoire de la Croix-Gueroult, à Senneville, près de Fécamp, sur l’ancienne route arquaise, conduisant à Arques. Elle date du XIVe siècle et est fort jolie, avec ses statuettes de saint Jacques en pèlerin, de saint Roch et de saint Waast. Eh bien ! son nom rappelle celui d’un malheureux berger qui fut foudroyé en ces lieux et dont le calvaire a conservé la mémoire à travers les siècles. Le 17 mai 1766, le frère de mon ancêtre, Louis Renou, mercier, domicilié à Eccreteville sur mer, décédait subitement à cet endroit à 15h en revenant de Fécamp.

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La croix des lépreux à Veules les roses signale le sentier emprunté par les lépreux se rendant au pied des falaises. A cette époque, l’air de la mer et les bains d’eau salée étaient le traitement préconisé pour lutter contre ce terrible fléau. Deux maladreries existaient dans ce village : à la chapelle du val et l’autre, près de l’église saint Nicolas.

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Les sorciers, les fées, les loups-garous, les gobelins et le cheval Bayard ont longtemps eu ici créance et les vieillards racontent que l’ancienne rivière de Saint-Valery en Caux, sortie des coteaux de Néville, fut bouchée avec des balles de laine, parce qu’elle était l’objet d’un culte idolâtrique.

Saint Clair est vénéré à la Haye de Routot : chaque année au mois de juillet, une confrérie de charité met à l’honneur Saint-Clair en érigeant au cœur du village un bûcher de 15 mètres de haut. Le soir venu, on allume le bûcher. Si le bois de la croix placée au sommet brûle, c’est signe de mauvais présage. Cette pratique perdure encore aujourd’hui.

Jadis, en Normandie, à la chandeleur, la tradition voulait que la première galette de la fête, sensée protéger le foyer, soit posée sur le dessus d’une armoire et y reste toute l’année ; aussi les jeunes femmes, mariées de fraîche date, avaient-elles coutume de tremper leur alliance dans la pâte pour s’assurer d’un bonheur parfait.

Certaines légendes ont eu cours jusqu’au début du XXe siècle. C’est le cas de la légende du Loup vert de Jumièges. Sainte-Austreberthe, abbesse du monastère de Pavilly était en charge avec ses moniales du blanchissage du linge de l’abbaye de Jumièges. Vingt kilomètres séparant les deux abbayes, un âne était chargé du transport du linge. Un jour, Sainte-Austreberthe ne voyant pas l’âne revenir, se douta qu’un malheur lui était arrivé. Elle se rendit dans la forêt où elle croisa un loup qui ne tarda pas à avouer son crime. En pénitence, le loup fut alors condamné par Sainte-Austreberthe à accomplir ce que l’âne faisait et ce jusqu’à la fin de ses jours. En souvenir de cette légende, il s’est créée au Conihout, hameau du Mesnil-sous-Jumièges une confrérie de Saint-Jean ou du Loup vert dont le maître porte une houppelande verte.

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Une autre légende court également dans le Pays de Caux, celle de la pierre dite « Chaire à prêcher » ou « Pain bénit ». Sur l’ancienne route de Villequier se trouve le château de La Martinière près duquel on peut voir une pierre de forme conique dont le sommet est aplati. La légende raconte que cette pierre pivoterait sur elle-même trois fois le vendredi Saint à midi et sept fois à Noël pendant la messe de minuit. Sous cette pierre se cacherait également de merveilleux trésors. Des monstres, des jeunes filles vêtues de blanc ou encore des fées auraient été aperçus près de cette pierre.

http://www.normandie-heritage.com/spip.php?article669

http://lapiterne.canalblog.com/archives/76__le_havre/index.html

On pourrait croire que de nos jours ces coutumes se sont éloignées. Il semble toutefois qu’au contraire, de plus en plus de personnes y ont, à nouveau, recours.

Traditions et superstitions de Noël :

http://www.geneacaux.net/spip/spip.php?article410

La semaine sainte :

Le jour des rameaux, il est d’usage d’aller déposer du buis bénit sur les tombes des défunts. Cette coutume perdure encore de nos jours.

Comme dans l’ensemble du pays de Caux, la tradition, toujours vivante aujourd’hui, voulait qu’on servît un rôti de veau à l’Ascension, ceci afin d’être fort toute l’année.

La coutume de mai :

Commun à plusieurs villages mais surtout à Grèges en 1874, le jour du premier mai, les jeunes gens portent des branches de verdure aux maisons dans lesquelles on trouve plusieurs jeunes filles. Le premier samedi qui suit, ils recommencent leur tournée en présentant leurs rameaux de verdure aux maîtres de maison ; puis ils les fixent en haut du toit. En ce jour, les jeunes gens ayant présentés leurs hommages, sont invités par les parents des jeunes filles à manger une omelette.

La Saint Jean :

A Caudebec-en-Caux, à la saint jean, on cueille un bouquet de marguerites que l’on jette sur le toit pour le protéger de la foudre.

La Saint Michel :

C’était une fête importante au Moyen-âge qui incarnait la date traditionnelle d’expiration des baux ruraux d’où l’expression « à la Saint-Michel tout le monde déménage ». A cette époque, la Saint-Michel correspondait donc à la fête de la moisson, et les métayers payaient leurs fermages. Avant le statut du fermage de 1946, les fermiers étaient à la merci des pressions des propriétaires. Ceux-ci ne craignaient pas d’en abuser, cela expliquait que tous les ans, le 29 septembre, il y eût un véritable cortège de charrettes et de bétail.
Aujourd’hui, cette fête populaire et rurale passe presque inaperçue.

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La Fête des taupes :

Au village de Belleville sur mer, le premier dimanche de carême, les jeunes gens du lieu, se réunissaient et allaient chercher du bois sec. Après avoir fait plusieurs bûchers, ils y mettaient le feu, pour effrayer les taupes et les mulots, en chantonnant : « taupes et mulots, sauvez vous de notre clos, où je vais vous mettre le feu sur le dos ».
Au village de Bracquemont où la même coutume était observée, on se servait de longues perches autour desquelles étaient fixées des guenilles enduites de goudron, qu’on allumait et qu’on promenait pour menacer ces petits animaux apparemment non désirés.

Les feux de joie :

Avant 1780, le jour de la saint Martin, le curé allait bénir le feu de joie qu’on avait coutume d’allumer après les vêpres. Un autre était allumé la veille de la saint Jean. Les habitants emportaient les charbons qui servaient lors des orages.

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Les tartes à la bouillie :

Vers 1840, des maîtresses de maisons vendaient des tartes à la bouillie à la sortie des offices du dimanche. Ces tartes étaient vendues entre Martin église et Saint Valery en Caux.

Sujets vastes et intéressants ! Si vous connaissez d’autres histoires, vous pouvez les partager dans les commentaires.

F.Renout
(Administrateur cgpcsm)

Sources :
L’abbé Malais (1874)
Normandie héritage
Jean Duterroir (http://www.geneacaux.net/pmb/opac_css/index.php?lvl=author_see&id=76)


Documents joints

PDF - 1.8 Mo