Les épidémies et maladies diverses au XVIII ème siècle dans le Pays de Caux

mercredi 15 avril 2020
par  Francis RENOUT
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Sous l’ancien régime, on constate des périodes, où les décès l’emportent sur les naissances. Des épidémies dévastent des cantons entiers en bretagne, dans le poitou, l’anjou, le maine, la picardie, la flandre et la normandie. Dans le Pays de Caux, ce sont les années 1777 à 1780 qui sont les plus meurtrières. Je vais m’intéresser plus particulièrement à une petite ville de 5000 habitants à l’époque : Saint Valery en Caux.

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Contexte historique du lieu entre 1780 et 1820 :

En cette fin de XVIII ème siècle, c’est une des plus jolies et des plus salubres du Pays de Caux. Elle doit ce dernier avantage à sa position en bord de mer, à la direction de la vallée et aux plaines découvertes et fertiles qui l’environnent. Les rues sont larges et en partie pavées.

Les maisons sont construites en silex et en briques, couvertes en ardoise ou en tuiles, presque toutes à étages, sont pour le plus grand nombre disposées à l’entour des quais, sur le bord de la mer et sur les côtés des routes du Havre et de Dieppe. Dans le quartier de bohême occupé par les marins, les maisons sont basses, peu aérés, à un seul étage, ou seulement avec un seul appartement au rez de chaussé, surmonté d’un grenier. Ces maisons ne peuvent contenir qu’un ou deux lits, que se partage une famille très nombreuse.

L’ancien hôpital, où il y avait douze lits, est occupé par des religieuses chargées d’instruire les enfants. L’église bâtie par les anglais est très saine depuis l’établissement d’un nouveau cimetière, qui en est très éloigné.

Les marins , qui forme la principale partie de la population fait subsister les autres. Robustes et vigoureux, ceux-ci séjournent dix mois en mer.

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Les épidémies :

Selon Louis Le Pecq de la Cloture, docteur régent de la Faculté de médecine de Caen, professeur de chirurgie,inspecteur de santé en Normandie et médecin des épidémies, il régna des angines gangréneuses épidémiques en 1777. Le pire arriva entre 1779 et 1780. Une dysenterie épidémique fit périr un grand nombre d’individus, des deux sexes et de tous âges.

Le docteur Jean Jacques Angot présenta une thèse sur ce sujet à la facultée de médecine de Paris, le 18 août 1820, pour obtenir le grade de docteur en médecine. Il est né le 14 avril 1794 (25 germinal an II), à Saint Valery en Caux, fils de Jean Baptiste Angot, médecin, et de Catherine Massif.

Pourtant les épidémies sont rares à Saint Valery en Caux. Elles reconnaissaient pour causes les variations subites et considérables de l’atmosphère. Toutes ont été inflammatoires. De mes relevés effectués sur les registres pour cette année 1777, il en résulte que cette épidémie s’est plutôt transmise sur les jeunes enfants entre le 17 juillet et le 13 novembre, soit sur 5 mois. La mortalité s’est amplifiée pendant cette période. On constate :

Décès entre 0 et 1 ans : 21
Décès entre 1 à 5 ans : 37
Décès entre 6 à 10 ans : 11
Décès entre 11 et 24 ans : 6

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Pour l’année 1779, l’épidémie se concentre en automne, entre le début septembre et la fin de novembre faisant des dizaines de morts. Bien que l’on trouve de jeunes enfants âgé de moins de cinq ans ou des personnes âgées dont un centenaire nommé Jacques Cavelier, la maladie se porta plus sur les jeunes filles et les jeunes femmes âgées entre vingt et quarante ans. Les jeunes hommes sont moins atteints.

Concernant les jeunes filles, je relève les noms suivants : Marie Anne Billard, Marie Marguerite Roussel, Marthe Morel, Susanne Brasse, Catherine Bocquet, Marie Marchand, etc...

Concernant les jeunes femmes, on trouve les noms suivants : Marie Madeleine Barthélémy, Rose victoire Gouard, Rose Cécile Massif, Marguerite Hanot, etc...

La particularité de cette maladie se porta sur les femmes les plus fortes et les plus sanguines, touchant l’estomac ou principalement les poumons. Une éruption se manifestait sur la plupart, le deuxième ou troisième jour. Celles qui en sont victimes décédèrent du troisième au septième jour. Les cadavres entraient de suite en putréfaction. Une hémorragie considérable précédait la mort chez celles dont les poumons étaient pris ; les autres succombaient à des vomissements bilieux.

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D’après les renseignements obtenus par le docteur Jean Jacques Angot, plusieurs jeunes filles s’étant livrées à la danse, génées par une sueur abondante, prirent trop rapidement le frais ; l’une d’elles, la même nuit, fut attaquée d’une fièvre violente ; une éruption parut et le lendemain, elle n’était plus de ce monde. Ses amies effrayées crurent pour éviter le même sort, qu’il était prudent de se faire soigner. Deux d’entre-elles tombent malades et meurent trois jours après.

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Ce nombre de morts en une semaine, dans un lieu aussi petit que Saint Valery en Caux, donna l’épouvante. On alla même dire dans la capitale du royaume, qu’il mourrait jusqu’à cent personnes par jour ; ce qui ne fut pas le cas heureusement. A Ingouville, village distant de trois quarts de lieue, un particulier eût une indigestion en mangeant du maquereau salé. Il pensa aussitôt à l’épidémie et jeta dans les champs ce qui lui restait de nourriture, suivi par d’autres habitants.

Une femme âgée de 38 ans, mère de 9 enfants, était indisposée depuis quelques jours. Son appétit était moindre mais elle continuait à vaquer aux soins de son ménage et à travailler au jardin. Un après midi, occupée à sarcler pendant deux à trois heures, sous un temps pluvieux mais tempéré, elle se sent de plus en plus mal à l’aise. De retour chez elle, elle ressent de fortes douleurs à l’estomac et pensa que c’était un besoin de manger. Elle se coucha plus tôt qu’à l’ordinaire et dormit jusqu’à deux heures du matin, heure où on lui apporta son enfant pour lui donner le sein. Tout en s’acquittant de son devoir de mère, elle s’aperçut que sa poitrine était couverte de boutons. Effrayée, elle fit retirer son enfant et se couvrit. On fit appeler le médecin, qui arrivé peu de temps après, ne trouva aucune trace de l’éruption. Toujours est-il que, deux jours après, elle était morte.

Une jeune fille de 18 à 20 ans, travaillait avec d’autres personnes à l’hôtel, où s’arrêta une diligence. Elle la voit arriver et sort pour aider à descendre les voyageurs. L’un d’eux qui la connaissait bien lui trouva une mauvaise mine. Celle-ci lui répondit qu’elle n’était pas malade. Mais quelques temps après, vers midi, ne se sentant pas bien, elle rentra à son domicile et se coucha. Trois jours plus tard, elle était décédée.

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On pensa que la cause de cette épidémie pouvait venir du marais, situé dans la partie est, qui reçoit les égoûts de la ville et qui exalte des odeurs infectes. Ces mauvaises odeurs proviennent aussi de la stagnation des eaux dans la rue du rempart et d’autre part de la négligence à laver les quais quand on a enlevé le poisson.

Jean Jacques Angot proposa donc à ses concitoyens, par mesure sanitaire, l’exécution d’un projet concernant ce quartier.

Les diverses maladies :

Quelques professions présentent des maladies qui y sont relatives. Les jardiniers, les tonneliers, les charpentiers, surtout ceux qui travaillent en bord de mer, sont sujets aux rhumatismes et au lumbago. Les tisserands qui travaillent dans des maisons basses, renfermées et humides, plongé dans un air chargé de poussière, sont pâles et sujet à l’asthme et aux varices. Les ophtalmies sont les maladies les plus communes aux femmes et aux enfants.
Dans les hameaux, les malheureux augmentent l’insalubrité de leurs maisons en remplissant les greniers de chanvre, de lin tantôt vert, tantôt rouis, de feuilles et de chaume, qui fournissent des émanations très insalubres.

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Louis Le Pecq de la Cloture :

Il nait à Caen le 12 juillet 1736, fils de Louis, docteur agrégé en la Faculté de médecine de Caen,professeur de chirurgie, et de Madeleine Jeanne Pyron. Il se marie le 4 janvier 1780 à Rouen, paroisse Saint Lô, avec Marie Claude Geneviève Le Bon, dont il aura deux filles. Il décède le 5 novembre 1804 à Saint Pierre Azif, dans le Calvados.

Le célèbre docteur Louis Lépecq de la Cloture, médecin « hippocrate normand » qui exerçait à Rouen depuis une vingtaine d’années avait été désigné par Vicq d’Azir, secrétaire perpétuel de la Société Royale de Médecine, comme médecin des épidémies de la Normandie. Il était considéré comme un des meilleurs médecins du XVIII ème siècle.

https://www.chu-rouen.fr/wp-content/uploads/sites/2/2017/04/Louis-Lepecq-de-la-Cloture-et-la-societe-royale-de-medecine-Dr.-Karl-Feltgen-Seance-GHHR-9-octobre-1996.pdf

F,Renout
(Administrateur cgpcsm)

Source :
Jean Jacques Angot (Topographie sommaire de la ville de Saint Valery en Caux)
Registres des archives de Seine Maritime
Images de Nicolas Pérignon


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