Joseph FABRE, Baron de Bellevert

dimanche 14 août 2016
par  Francis RENOUT
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Etretat, ses souterrains et le mystère du parc à huitres de Joseph Fabre, Baron de Bellevert

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Sur la côte normande, en 1783, Etretat est un village de pêcheurs formé de quelques masures. Il y a bien une petite garnison affectée à la protection d’une sorte de tour de guet bâtie au XVIIe siècle, mais rien qui puisse donner au lieu une importance quelconque. Ajoutons qu’il n’y avait pas à l’époque une sympathique hostellerie.

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On n’accédait au village que par de mauvais chemins dont le plus praticable était celui qui, venant de l’intérieur des terres, suivait la vallée de Criquetot, un bourg distant de deux lieues.

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C’est donc par un mauvais chemin qu’un beau jour de 1783, Joseph Mathieu Philibert Fabre, baron de Bellevert (1730-1797) - nom et titre ursurpé - fait étape à Etretat afin de découvrir son nouveau domaine. Il était, par vocation, un aventurier et avait le don d’imaginer toutes sortes de combinaisons attrayantes et finalement ruineuses pour ceux qu’elles éblouissaient.

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L’homme n’en est pas à sa première tentative ! En effet, il avait déjà quelques années auparavant largement hypothéqué la fortune de son pauvre père, en opérations pour le moins hasardeuses. Mais aujourd’hui, il vient avec une idée apparemment rentable : celle de construire et d’exploiter un parc à huîtres dans la baie d’Etretat. D’ailleurs, il ne vient pas seul mais accompagné d’une certaine Dame du Tremble, à la noblesse encore plus fictive que la sienne. Elle s’appelle en réalité Agathe Dutremble et, sous couvert d’être sa « filleule », réunit les fonctions de compagne et de prête-nom dans certaines opérations qu’il ne peut exécuter sous sa propre identité !

Le baron de Bellevert achète une portion de littoral et de rochers à un ancien marin d’Etretat, le sieur Legros afin d’y créer un parc à huîtres.

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Cette idée ayant séduit un négociant d’Amiens nommé Roussel, celui-ci devint son commanditaire et, en 1784, une société par actions est créée, qui achete l’étendue de rochers nécessaire et fait creuser dans ces rochers des bassins encore existants à ce jour. Ces huîtres sont acheminées depuis Saint-Vaast-la-Hougue ou Cancale par un vaisseau joliment nommé « la Syrène ». A Etretat, elles peuvent bénéficier de l’eau claire et non salée d’une rivière souterraine qui se jette dans la mer non loin de la porte d’Aval dont on peut aujourd’hui encore observer l’embouchure à marée basse.

La Reine Marie-Antoinette, paraît-il, raffolait de ses huîtres au goût très particulier. Le baron de Bellevert figure parmi les fournisseurs attitrés de Versailles. Il expédie ses huîtres, par convois bâchés, vers les cuisines royales. Chevalier d’industrie, à une époque où il était de bon ton pour la noblesse « éclairée » de se lancer dans les affaires, le baron de Bellevert semble également avoir été un familier de l’entourage du roi Louis XVI. Voilà qui ne manque pas d’intriguer, tout autant que le fait d’avoir eu l’étrange idée de choisir Etretat, ce village isolé.

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D’ailleurs, même si le baron se montra très habile publiciste pour faire la promotion de ses huîtres, rien ne prouve que ce ne fût pas avant tout une juteuse opération financière concrétisée par la création d’une « société en commandite » d’exploitation des huîtres d’Etretat.

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Mais il reste un autre mystère, fort bien évoqué par Didier Audinot, dans Le Trésor des rois de France (Paris, Editions Prospections, 1987) : « Un étrange ballet de convois bâchés prend régulièrement et dans les deux sens le chemin d’Etretat à Paris et à Versailles. Que de précautions, du reste dans ces transports ! ». Et l’auteur d’ajouter que 10 ou 12 chevaux étaient nécessaires pour traîner un modeste convoi censé transporter des huîtres. Nous l’avons compris, il est fort possible que Bellevert ait acheminé autre chose que des fruits de mer...

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Quelque cargaison beaucoup plus précieuse et surtout beaucoup plus lourde ! Rien ne semble en effet plus facile que de transporter discrètement et sans risque de l’or et des objets précieux sous couvert d’un banal voyage commercial.

De là, à faire le lien avec ce « dépôt trésoraire » des Bourbons ou des Capétiens dont la légende navigue d’Etretat à Rennes-le-Château, en passant par bien d’autres lieux, il n’y a qu’un pas... Maurice Leblanc, l’auteur des aventures d’Arsène Lupin, n’avait-il pas localisé le trésor des rois de France dans cette région de Normandie ?

Opération commerciale sans rentabilité, en étudiant de plus près l’extraordinaire histoire de ce parc à huîtres et de son promoteur, il est plus logique d’y voir un point de contrôle très discret de la région ; une sorte de surveillance de Versailles sur Etretat, par l’intermédiaire de cet énigmatique Baron de Bellevert, dont la mort ressemble plutôt à une fuite et à une disparition, qu’à un véritable décès.

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Un souterrain vers l’église.

Lorsque l’on se promène aux alentours de l’église, on a la surprise de découvrir un souterrain entouré d’herbes folles. A ce jour il est bien évidemment interdit d’accès, bien que visitable, donc une petite "ballade" s’imposait ... Sur le début du parcours , nous avons les pieds dans l’eau.

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L’entrée de ce souterrain a été réaménagée ; le travail est visible, au cours des travaux datant du 19e siècle. En fait, autrefois, il ne s’ouvrait pas là. Plus long, il fallait prendre sa source dans la ville, et rejoignait d’autres réseaux qui courent encore sous l’agglomération. Son passage, découvert, fut seulement réutilisé.

Ce souterrain est long de huit cents mètres, la voûte est haute, au bout de quelques dizaines de mètres de parcours. Parfois, elle dépasse deux mètres au faîtage.

Le tunnel semble très long et ne mener sur rien de visible. Si l’on continue, on remarquera, donnant sur les côtés du souterrain, une salle de repos, puis deux.

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Au bout de quatre cent mètres, un second souterrain surplombant le premier sur une vingtaine de mètres, donne d’un coup dans le vide.

Ce piège, ce point de surveillance, qui permet de placer quelques tireurs capables de contrôler, dans ce boyau toute circulation, démontre que nous sommes réellement au sein d’un ouvrage militaire.

En continuant la "route" dans le boyau initial de forme un peu courbée, on voit apparaître au bout d’un moment, un point lumineux qui, au fur et à mesure que l’on avance, nous montre la sortie. Dans le lointain, on entend le fracas violent de la mer. C’est en effet vers elle que nous conduit ce souterrain.

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Arrivé au bout du tunnel, on se trouve dans une salle de dimensions relativement vastes, salle qui surplombe la mer. Nous sommes au bord de l’eau, entre le lieu-dit "le Chaudron", et "la Fontaine aux Mousses".

Sans être vu, nous avons rejoint, depuis le centre de la ville, la côte.

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Un embarcadère dérobé sous la falaise, invisible du haut de celle-ci et inaccessible des autres plages existait, on y accédait grâce à ce tunnel .

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L’Embarcadère secret n’est plus visible, enlevé par le flux et le reflux des marées et les effondrements de la Falaise.
Le souterrain date du XIe siècle ; il a été réaménagé et déblayé en 1869. Il constitue un secret militaire de première importance, permettant l’embarquement ou le débarquement discret de troupes et de matériel. Il est une véritable porte entre l’Angleterre et la France.

Si vous emprunter les barreaux de fer rouillés (nous hélas la marée était haute) qui permettent de se retrouver, trois à quatre mètres plus bas sur la grève, à condition que la marée soit basse, on se retrouve devant la source d’eau douce de la falaise d’Amont, résurgence de la rivière souterraine d’Etretat. On peut entendre le bouillonnement de l’eau qui jaillit des entrailles de la terre.

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Cet endroit stratégique réunit les meilleures conditions. La discrétion, voire l’invisibilité, même pour des centaines d’hommes, l’eau douce nécessaire aux premiers besoins d’une troupe, un point de passage de première sécurité pour pénétrer directement dans les terres sans être vu.

Il est évident qu’aux temps des Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, ce passage, devenu inutile avec les armes et les moyens de notre siècle, avait valeur de secret d’Etat.

Ce souterrain continuait son chemin sur plusieurs centaines de mètres, obliquait à droite vers le donjon, où il donnait accès à un réseau important de boyaux et de caves. Il poursuivait son circuit circulaire vers le centre de la ville.

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Tout le monde connaît l’histoire des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas. Cette fable s’appuie sur des faits réels ; Athos, Portos et Aramis furent bien Mousquetaires du Roi. Le Duc de Buckingham (George Villiers)

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fut réellement épris d’Anne d’Autriche et reçut effectivement de la reine les fameux ferrets de diamant. Le Duc parvint à tromper la vigilance du Cardinal de Richelieu et à pénétrer plusieurs fois en France malgré la surveillance étroite de la côte française certainement grâce au Secret que renferme les falaises d’Etretat.

Par quel chemin la Duchesse d’Orléans put-elle, si discrètement, quitter puis réintégrer la France pour aller négocier, en 1670, un traité entre la France et l’Angleterre ; ceci à la demande de Louis XIV.

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De la même manière, le Roi Jacques II qui, chassé de son pays par la Révolution et Guillaume d’Orange, se rend en France sans être repérés.

Les bijoux de l’impératrice Eugénie prirent le même chemin grâce à son joaillier pour rejoindre la famille impériale dans son exil, etc.

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Aujourd’hui ce secret n’est plus. Oubliés par le temps, les tunnels furent redécouverts par les riverains. La plupart de ces souterrains existent encore. Le principal, qui traverse la falaise sur une épaisseur de 800 mètres, est toujours en très bon état. Il part de la valleuse près de la gare et débouche au pied de la falaise, face à la mer. L’accès en est interdit, bien sur.
L’Embarcadère secret n’existe plus, enlevé par le flux et le reflux des marées et les effondrements de la Falaise.
Le souterrain de la villa des roches est muré, on en voit l’accès depuis la plage d’Etretat (à gauche de l’escalier). Etretat n’a certainement pas livré toutes ses énigmes.
Les Allemands pendant l’occupation firent de nombreuses découvertes. Toutes les notes furent perdues à la fin de la guerre pendant le bombardement allié qui détruisit à 90 % la ville du Havre, à une trentaine de km d’Etretat.

Article F.Renout ( 2 âoût 2016 )
Sources diverses dont : Elen Tournadre et Raymond Lindon


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