Le Camus, dernier seigneur de Néville, dans le Pays de Caux

mercredi 24 août 2022
par  Francis RENOUT
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On suppose que ce premier seigneur fut Hertel De Néville, compagnon de Rollon, auquel fut attribué en récompense, la terre de néville dans le Pays de Caux. Il va y édifier une puissante forteresse destinée à défendre les côtes environnantes. C’est le nom Néville qui va figurer sur les divers documents jusqu’au XIII ème siècle. C’est à cette époque que la dernière descendante, Jeanne Agnès De Néville, épousera en 1293, Guillaume III De Bréauté. C’était un fief très important et tous les seigneurs se montrèrent à la hauteur jusqu’au début du XVIII ème siècle (1712). Alexandre Charles De Bréauté sera le dernier descendant de cette famille originaire du Pays de Caux, à Néville.

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(entrée du château de Néville)

En 1712, le 12 août, Charles Alexandre De Bréauté vendit ses deux seigneuries de Néville et de Cailleville et les concéda à Claude et Pierre Hébert de Paris, père et oncle de Marie Michelle Hébert. Cette dernière,épouse de Jean Baptiste Angot, usant de son droit lignager, devient propriétaire de la seigneurie de Néville et de Cailleville du 9 août 1731 jusqu’en 1767. Le domaine des seigneurs De Bréauté, a appartenu à ses parents, Claude Hébert, conseiller secrétaire du Roy Maison et Couronne de France en la grande Chancellerie de Paris, et Michelle Depresle, du 12 âoût 1712 à l’année 1719, année où il fut vendu à John Law de Lauriston. (fameux banquier écossais, dont le système allait tomber par une banqueroute retentissante).

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En cette année 1767, le 5 mars, l’ensemble est vendu à François Claude Michel Benoît Le Camus, par acte passé devant maître Huimont, notaire à Rouen. Il devient à seulement 17 ans, seigneur châtelain, patron de Néville et de port navarre. Né à Louviers, le 18 mars 1750, il est le fils de François Brice Le Camus (1720-1756), seigneur de Montaure et du vieux Rouen, et de Magdeleine Catherine Reine Charles De Courteviller, mariés le 4 octobre 1745, à Rouen, paroisse saint charles.

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Dans cette famille, le frère de son grand-père, françois (1671-1743), fut l’administrateur de la manufacture de draps de Louviers, fondé par Colbert, pendant plus de 50 ans. Il aurait été propriétaire en demi-fief de haubert, avec le marquis de la londe, de l’actuel château de Montaure, dans l’eure. En 1781, François Claude Michel Benoît Le Camus vendit son demi-fief au marquis de la londe.

Le 23 janvier 1783, il se marie à Paris, avec Thérèse Radegonde Rambaud, qui lui apporte en dot le château de Bourg Charente et du Tillou, près de Garnac. Le couple y séjournera plus qu’à Néville. Il s’empressera de revendre les terres de Cailleville à Louis Adrien Arnois De Reutteville pour 40000 livres. La révolution fera de Le Camus le dernier seigneur de Néville et de Bourg Charente, en Nouvelle Aquitaine.

En 1787, il présente à la cure de Néville l’abbé Charles Constant Havas. Sous l’empire, ce dernier ménera la révolution dans ce village devenu Montval l’Union.

Biographie de François Claude Michel Benoît Le Camus :

17 août 1768 : substitut du procureur du Roi au parlement de Rouen.
10 mai 1769 : conseiller au grand conseil.
Avril 1771 : opposant au parlement Manpeou, il est exilé en Artois par lettre de cachet.
10 février 1775 : Maître des requêtes.
Mai 1776 : conseiller honoraire en la cour des aides de Paris.
Du 6 juillet 1776 à janvier 1784 : directeur général de la librairie du royaume.
De 1784 à 1785 : intendant de la généralité de Pau.
De 1785 à 1790 : intendant de la généralité de Guyenne.
De 1793 à 1795 : émigré, membre du conseil de régence auprès du futur Louis XVIII.
1802 : il revient en France sous le consulat. Il est membre du conseil général de Seine Inférieure.
8 janvier 1807 : maître des requêtes au conseil d’état
15 août 1809 : conseiller d’état, baron d’empire.

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(congé donné à un soldat en Guyenne en 1788)

François Claude Michel Benoît Le Camus est conseiller du Roi, maître des requêtes ordinaires de son hôtel et directeur général de la librairie et de l’imprimerie. Il demeure ordinairement dans son hôtel rue de la ville l’évêque, paroisse de la Madeleine, à Paris. En 1779, Un pamphlet le disait fils du garde des sceaux, Hue de Miromesnil.

Thérèse Radégonde Rambaud (Rambeau) eût comme premier époux, Pierre Joseph Bareau De Girac, qu’elle épousa vers 1761. Celui-ci était major au régiment d’infanterie de Normandie. En 1767,il acheta le château de Bourg Charente, situé en Charente, à la famille Salomon. C’est pendant sa possession que la terre de Bourg fut érigée en marquisat. Il décède le 9 mai 1776, à Paris, la Madeleine. Son épouse hérite des domaines.

Chaque année, il allait passer quelques temps dans ses terres de Bourg Charente et du Tillou. Le château est bâti sur une colline élevée, au sommet d’un rocher escarpé, sur l’emplacement d’une forteresse féodale. Il est situé dans la vallée de la Charente, en aval de Jarnac et en amont de Cognac. Cette villégiature le reposait de son train de vie mondain.

http://sylviebernard-art-bouteville.eklablog.net/bourg-charente-a126964080

Sa bibliothèque de Bourg Charente était considérable. Ses livres portaient soit son ex-libris gravé, soit ses armes frappés sur les plats. Ils furent saisis comme biens d’émigré et allèrent avec ceux du comte de Jarnac, enrichir la bibliothèque communale d’Angoulême. Il possédait entre-autres beaux ouvrages, la bible polyglotte de Vitré, relié en maroquin rouge, aux armes de Michel Begon, intendant de la marine de Rochefort. Il signait le plus souvent : « le camus de Néville » (pièce datée 1784-archives de Charente-fond des émigrés) mais aussi « Néville » (suivant note communiquée par Mr Castaigne, son ami). En 1790, en juin et juillet, on vit encore les châtelains venir au château.

https://www.edition-originale.com/fr/livres-anciens-1455-1820/editions-originales/harce-d-erreurs-populaires-sur-la-medecine-1783-68756

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(château de Bourg Charente)

La révolution fit main basse sur les propriétés et le mobilier du seigneur Le Camus qui avait émigré avec son épouse. Ses créanciers, en nombre réclamèrent auprès du district. L’inventaire du mobilier du 26 octobre 1792 est le suivant : serviettes en toile de Béarn, porcelaines de Limoges, fine faïence anglaise, quatre chaises garnies de Perse, deux tables à thé de bois d’acajou, une lunette anglaise avec sa boîte, un canapé et douze fauteuils en tapisserie en soie, six chaises garnies de la même façon, un tabouret en tapisserie, un lustre en cristal, six bras de cheminée en bronze doré, un lit à la polonaise, un bureau en parquetterie, une table de bois d’acajou avec un tour d’imprimeur, etc... Dans l’appartement de madame : un lit à la turque en moire et en tapisserie, six fauteuils en tapisserie, un canapé en moire, un écran en moire et tapisserie, une table en parquetterie, un tabouret de velours d’utrecht, une table à thé en acajou, un bureau en penture de la chine avec un dessus en marbre, une petite chiffonnière chinoise, cinquante six estampes, sous verres etc...On vendit, le 29 germinal de l’anIII, une berline et une diligence lui appartenant, estimés à 1500 livres et vendus 5000 livres. Une autre diligence fut vendu 4300 livres.

Le château de Bourg Charente vidé de ses meubles et mis à sac, fut séquestré. Le citoyen Harmand, représentant du peuple, demanda et obtint que le citoyen Le Coq, membre du directoire du département, puisse visiter le château, pour y loger 250 prisonniers de guerre.

En 1802, il revient en France sous le consulat. Il est membre du conseil général de Seine Inférieure. En 1807, il est maître des requêtes au conseil d’état.

François Claude Michel Benoît Le Camus décède le 15 décembre 1813, à Paris.

F.Renout
(Administrateur cgpcsm)

Sources :
Bulletin de la société des archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis (1899)
Archives de Seine Maritime (inventaire sommaire série C2215-2969 er D547-564-tome 2)


Documents joints

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