Pierre Louis LEFEBVRE, Sieur De la Roche (Du pays de Caux à la prise de la bastille)

dimanche 7 mars 2021
par  Francis RENOUT
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Pierre Louis Lefebvre nait le 5 novembre 1725 à Cany, petit bourg niché au cœur de la vallée de la Durdent, situé entre deux bras de du fleuve, traversé par une route empierrée menant à Dieppe. Village indépendant à cette époque, Cany est occupé par un château dès 1130 et par la chapelle Notre Dame. Sous l’ancien régime, le puissant marquis du lieu avait un droit de haute justice sur ses terres. Son parrain est Louis Lesurier, prêtre. Peut-on y voir un signe concernant son destin.

Pierre Louis est le dernier fils d’une famille de cinq enfants composée de deux filles aînées et trois garçons. Son père Pierre, Ecuyer, Sieur de la Roche est le premier capitaine de Monsieur de Janville concernant la protection des côtes du Pays de Caux. Né à Cany le 12 août 1685, il se marie le 16 octobre 1715, à Rouen, paroisse Saint Martin sur Renelle, avec Catherine Delavigne, fille de Robert Delavigne, escuyer, sieur de la Hague (ou la Hogue) et de noble dame Françoise Baudouin, originaire de Rouen, paroisse Saint Martin sur Renelle.

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Concernant les premières décennies de sa vie, aucun témoignage ne surgit du passé. Il aura certainement droit à l’éducation d’un petit noble de campagne. A cette époque, les conditions de vie n’étaient pas les mêmes pour tout le monde. Un écart gigantesque séparait la façon de vivre des classes supérieures, l’aristocratie et la grande bourgeoisie - vivant dans les villes, qui représentaient moins de 3% de la population - de la masse populaire : le petit peuple urbain des domestiques ou artisans et le monde paysan qui représentait à lui seul plus de 80% de la population. Les élites nobles et bourgeoises ainsi que l’Eglise possédaient la terre que travaillait une paysannerie largement illettrée et misérable.

Pierre Louis devient bénédictin et prêtre. Au cours de sa vie, il sera aussi poète, traducteur, éditeur, auteur de nombreux livres dont un remarquable ouvrage sur les confréries du Pays de Caux.

Sa mère âgée de 63 ans décède à Cany le 3 mai 1746 et est inhumée par le curé de Saint Etienne la Grande, paroisse de Rouen.

De janvier 1755 jusqu’à novembre 1756, Pierre Louis, âgé de 30 ans, est prêtre vicaire à Bretteville du Grand Caux.

En 1757, il est nommé prêtre curé de Mesmoulins, petit village de 60 habitants, à moins de deux lieux de Bretteville du Grand Caux. Mesmoulins est une ancienne paroisse qui sera réunie avec Igneauville à Tourville les ifs en 1824 et deviendra un hameau. L’origine du nom provient d’une construction féodale. Sa racine provient du latin molina qui ne pose aucun problème de compréhension. Cela rappelle l’existence des moulins à eau, élevés au moyen âge sur la Ganzeville. L’une des principales activités est donc la meunerie. Malgré le peu de débit de la Ganzeville, on dénombre quatre moulins dont trois à Mesmoulins.

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Mesmoulins dépend de la seigneurie de Ganzeville, qui appartient comme Tourville à l’abbaye de Fécamp. Entre le XIII ème et le XVII ème siècle, le domaine est un fief appartenant à la famille Préteval, seigneur d’Annouville avant de passer à la famille de Godarville qui le possède encore au moment de la Révolution. La chapelle du XIII ème siècle, dédiée aux lépreux, est démolie en 1745. La tradition rapporte qu’il existait un château. Des souterrains ont été retrouvés lorsque les derniers pans de murs furent arasés en 1868. Je ne pense pas que Pierre Louis enseigna quelques rudiments de lecture ou de catéchisme car, à cette époque, les enfants de Mesmoulins se rendaient à l’école à Mentheville.

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La première messe que Pierre Louis officie en 1757 est pour l’inhumation de Catherine Leblond, âgée de 32 ans, épouse de Pierre Deshayes, trouvée morte dans un ruisseau près d’une prairie, peut-être dans la Ganzeville. Plus tard, en ce village, le dimanche 23 décembre 1759, est baptisé Pierre Louis Jean Malandain. Le parrain sera noble et discrète personne Pierre Louis Lefebure de la Roche, prêtre curé de cette paroisse. La marraine sera noble demoiselle Catherine Françoise Lefebure de la Roche, sœur du prêtre. Il est de coutume que les prêtres ou les seigneurs locaux soient parrain des nouveaux nés des habitants du village. Pierre Louis restera dans ce lieu jusqu’à la fin de l’année 1774. L’église Saint Pierre de ce lieu, où il officia pendant 17 ans, sera détruite en 1828. La révolution passa par là, et en 1794, elle est fermée au culte et le presbytère est vendu. L’église ne trouvant pas de desservant, mal entretenue et dépouillée d’une partie de ses ornements, ne résista pas aux outrages du temps.

En 1761, le 6 septembre, son père Pierre âgé de 77 ans, décède à Cany où il sera inhumé.

Le 22 août 1767, à Paluel, il baptise et devient parrain de Marie Louis Frédéric Rigoult, fils de Vulfran Jean François, Conseiller du Roi maître de sa cour des comptes aides et finances de Normandie, et d’Agnès Perpétue du Clairiel.

En début d’année 1775, Pierre Louis est nommé prêtre à Grémonville. Il signe son premier acte le 18 janvier pour le baptême de Pierre François Varin. Il est présent dans ce village jusqu’au 6 juillet 1789. On ne trouve plus de signature de lui jusqu’en décembre 1789, date à laquelle il revient pour signer le registre en fin d’année.

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En 1777, l’église d’une grande richesse par le maître-autel en marbre de carrare d’une part, est consacrée sous le vocable de Saint Pierre et Saint Paul. Cette église est bâtie par P.R Le Roux d’Esneval, baron d’Acquigny, châtelain de Pavilly et marquis de Grémonville, président à mortier du parlement de Normandie.

Avant la Révolution, à une date non déterminée, il devient abbé de la chapelle Sainte Marie l’Egyptienne située rue de la Jussienne, à Paris.

Une semaine seulement sépare son départ du Pays de Caux et son arrivée dans la capitale. Pierre Louis se distingue lors des journées du 13 et 14 juillet 1789 où il prend part aux événements de la prise de la bastille. Il se fit remarquer par son zèle pour la cause de la liberté. Le peuple ayant découvert, au port Saint Nicolas, un bateau chargé de cinq mille livres de poudre, cette poudre, portée en triomphe à l’hôtel de ville, y est déposée dans une salle basse, et confiée à la surveillance de l’abbé Lefebvre, qui est chargé d’en faire la distribution. Celui-ci se trouve alors à l’Hôtel de Ville en tant qu’électeur du clergé, avec l’assemblée des électeurs de Paris réunie par Bailly.

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(De Jean François Janinet, dessinateur graveur 1752-1814)

« Cette dangereuse commission, lit-on dans le Moniteur, mit plusieurs fois ce brave et respectable abbé à deux doigts de sa perte. Le jour même on tira un coup de fusil sur les tonneaux dont il était gardien, et un coup de pistolet sur sa propre personne. Pendant la nuit, la porte de la salle qui lui servait de magasin fut brisée sous ses yeux à coups de hache qui faisaient feu sur les clous dont elle était garnie. Enfin, un homme ivre entra peu de temps après dans ce magasin ou plutôt cette mine, située sous la salle des électeurs toujours remplie de citoyens, y entra, la pipe à la bouche, et continua de fumer sur les barils ouverts, malgré les plus instantes représentations ; heureusement l’abbé s’avisa de lui acheter sa pipe allumée, et la lança dans la cour. »

Le comité permanent de la milice parisienne déclare qu’il « applaudit aux vertus peu communes de M. l’abbé Lefebvre ». D’autre part, il proclame, quelques jours après, que « les sollicitudes de M. l’abbé Lefebvre ne se sont point bornées à la garde des poudres ; que sa charité l’a porté, dans la journée du mardi, jusqu’à faire distribuer, de ses deniers, du pain et du vin aux hommes affamés qui viennent assiéger son magasin ». Le Moniteur ajoute : « MM. les députés de l’assemblée nationale ont été émus de tant de preuves d’un si grand zèle : ils ont chargé le comité permanent d’en témoigner leur satisfaction à M. l’abbé Lefebvre, et de conserver à la commune, par tous les procédés chers au patriotisme, les services inappréciables d’un si vertueux citoyen. »

Le 5 octobre 1789, sur une estampe dessinée par Jean François Janinet (1752/1814), on voit Pierre Louis aux prises avec de femmes voulant le pendre et des hommes voulant incendier des papiers. Lors de la première phase de cette journée, qui voit l’envahissement de l’Hôtel de Ville par les émeutiers, une corde lui est passée autour du coup. Cet événement se passe dans la cour de l’hôtel de ville. (source Gallica).

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Le dimanche11 juillet 1790, à Grémonville, Pierre Louis est présent à la messe et témoin à l’inhumation de sa sœur aînée Catherine Françoise, décédée à l’âge de 74 ans. La messe est célébrée par maître Charles Thibault, curé d’Yvecrique. Parmi les autres témoins, il y a le prêtre d’Envronville, Mr Nicolle châpelain de Criquetot, Mr Soudais vicaire d’Etalleville et Charles Duperron laboureur. Pierre Louis signe l’acte : « De la Roche curé de Grémonville » (vue 11 des archives). Catherine Françoise est inhumée dans la cave de la chapelle de la sainte vierge.

Dès son arrivé à Paris, Pierre Louis se lie avec des philosophes. Il fut l’ami d’Helvétius et fut légataire de ses papiers. Par la suite, il continua d’être de la société de Mme Helvétius , qui ne l’oublia pas dans son testament. Il écrit différents ouvrages dont « la confrérie ou société de notre dame auxiliatrice, érigée en pays de caux », en 1779 ; « essai de traduction de quelques odes et de l’art poétique d’Horace », en 1788, tiré à cinquante exemplaires.

Entre 1790 et 1795, Pierre Louis devient curé constitutionnel du district de Franciade, ancienne division administrative française du département de Paris.

On retrouve Pierre Louis député au corps législatif de l’assemblée nationale du 25 décembre 1799 au 1 juillet 1803 et président, pendant une courte période, en décembre 1801. On le dit né et décédé à une date inconnue (document assemblée nationale).

On dit que Pierre Louis meurt à Auteuil, en 1806, à l’âge de 81 ans.

Biographie familiale de la famille Lefevre (Lefebure) :

Au XVII ème siècle, cette famille se nomme LE FEBURE, patronyme qui deviendra au XVIII ème siècle LEFEBVRE. Par la suite, après un mariage dans le Pays de Caux, le patronyme devient Lefebvre de la Roche. (Peut-être le nom de terres amenées en dot par une épouse)

L’ancêtre le plus lointain se nomme Marin Le Febure, né vers 1620 à Rouen. Il est avocat au parlement de Normandie en 1648. Il se marie le 25 février 1637, à Rouen, avec Elizabeth Piedelièvre. Il décède le 26 septembre 1692, à Rouen, âgé de 72 ans. Ils eurent 7 fils et 5 filles entre 1638 et 1658.

Leur 3ème fils Pierre Lefebure nait le 11 mars 1645, à Rouen. Il se marie le 17 février 1681, à Cany, avec Marie Alexandre (fille de Pierre Alexandre et d’Anne des Gabets). Il est escuyer et sieur de la Roche. Il décède le 10 septembre 1711, à Cany, âgé de 66 ans. Ils eurent 4 fils et deux filles nés entre 1681 et 1688 à Cany.

Leur 2 ème fils Pierre Le Febure nait le 12 août 1685, à Cany. Il est ecuyer, sieur de la Roche. Il se marie le 16 octobre 1715, à Rouen, paroisse saint martin sur renelle (vue 55 des archives), avec. Catherine Delavigne.

A saint Riquier ès Plains, vit une famille Lefebre de la Roche. Quel est le lien avec Pierre Lefebvre de la Roche ? Il est prénommé Nicolas, serait né vers 1700 et est écuyer, sieur de la Roche. Il est le fils de Nicolas et de Jeanne Deboivin. Il se marie le 31 mars 1734 à Saint Riquier ès Plains, avec Françoise Marie de la Champagne, originaire de Venesville, fille de Jacques et d’Anne Marguerite Geneviève D’Estoc.

Ils eurent deux filles Louise Marie Françoise décédée à l’âge de 77 ans, le 5 octobre 1813, à Auberville la Manuel et Marguerite décédée le 2 décembre 1819, âgée de 75 ans, à Auberville la manuel. Quant à Françoise Marie de la Champagne, elle décède le 11 avril 1791, à Saint Riquier ès Plains, âgée de 81 ans. Son cousin Constantin Aimable Jean François Eudes de Blanmanoir, chevalier de saint louis, est présent et témoin à l’inhumation.

F.Renout
(Administrateur cgpcsm)
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Sources :
Grand dictionnaire universel du XIX ème siècle, Larousse, 1856
Paul Monguillon (les mouvances de la mémoire, 2005)
Wikipédia
Archives de Seine Maritime


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