Un accouchement insolite

mardi 2 mars 2021
par  Francis RENOUT
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« L’hôpital impitoyable » : Ainsi titrait le journal républicain « L’écho d’Alger » , le 16 avril 1923, concernant un accouchement pour le moins indigne.

Comme chaque année, pendant plusieurs jours, la foire s’est installée sur la place du marché de Saint Valery en Caux, pour les fêtes de Pâques du dimanche 1 avril. Parmi les forains se trouve Emilienne Marie Marthe Thiout, marchande, âgée de 28 ans, qui tient un stand de tir.

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Elle est née le 10 juillet 1894, au domicile de sa mère, à Tourville la Chapelle, petit bourg de 350 habitants, à quelques km de Dieppe. Elle est la fille naturelle de Cailloit Marie Adeline, âgée de 19 ans, sans profession, qui l’a reconnue en novembre.

En 1923, émilienne est domiciliée rue Sainte Catherine à Dieppe avec son époux, Joseph Marc Pierre Bosc, marchand forain, âgé de 30 ans, né le 4 janvier 1893, à Toulouse, capitale historique du Languedoc. Vers la fin de l’après midi, elle commençe à ressentir les premières douleurs de l’enfantement. A ce moment là, Emilienne se trouve seule dans sa baraque. La mairie étant proche, elle va donc demander au maire son entrée à l’hôpital.

Mais elle a la surprise de s’entendre dire par l’officier : « l’hôpital est fait pour les vieillards et les enfants. Il est desservi par des religieuses qui ne sauraient s’occuper d’un accouchement ». Stupéfaite par cette réponse inattendue, elle se met en quête d’une sage femme. Malheureusement, il n’y en a pas à Saint Valery en Caux. Et l’orage commençe à gronder au loin. Deux femmes, émues de son état, la conduisent quand même à l’hôpital. L’entrée lui est refusée. Cependant la crise approche !

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Devant ce nouveau refus, elle retourne sur la place où se tient la foire. Cette fois, le moment de l’accouchement se fait de plus en plus proche. C’est donc, couchée sur des caisses, dans sa tapissière, au milieu d’un terrible orage, protégée par une simple bâche, qu’Émilienne met son enfant au monde vers 20h30, le jeudi 5 avril. C’est un garçon qu’elle prénomme Jean Joseph Emile. La présentation de l’enfant et la déclaration sont faites par le père, en présence de Paul Paquet, marchand forain, domicilié à Elbeuf, et par Eugénie Pesquet, femme Jouan, journalière, domiciliée à Saint Valery en Caux.

L’officier d’état civil, Louis Grenier, mentionne que l’enfant est né dans une roulotte stationnée place de l’hôtel de ville ; alors que le journal précise que c’est dans sa tapissière. Qu’est ce donc qu’une tapissière ?

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Selon le Dictionnaire encyclopédique et biographique de l’industrie et des arts industriels, publié en 1881, la tapissière, initialement utilisée par les tapissiers pour transporter des meubles, est un chariot équipé de panneaux sur les côtés, avec ou sans ridelles et ranchets. Ce genre de voiture, qui est très répandu, est monté, soit à trois ressorts, soit sur ressorts pincettes. Il est généralement couvert, soit avec des cerceaux et une bâche, soit avec un pavillon supporté par des ferrures et fermé avec des rideaux mobiles. Quand elle est destinée au déménagement, la tapissière porte, sous l’essieu de derrière, une caisse nommée civière, supportée par quatre chaînes et servant au transport des objets fragiles.

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Cette anecdote concernant l’histoire de sa naissance, Jean Bosc a dû avoir l’occasion de la raconter plusieurs fois au cours de sa vie ; surtout qu’il se marie le 1 avril 1945 avec Fernande Lucienne Izacord, même jour et mois que la foire de Saint Valery en Caux, 22 ans auparavant. Agé de 79 ans, il décède en 2002 (par respect pour la famille s’il y a, je n’indique pas les lieux de mariage et décès).

F.Renout
(Administrateur cgpcsm)

Sources :
Le journal « l’écho d’Alger »
Archives départementales Seine Maritime
Attelages magazine (les déménagements d’antan)


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