Colporteurs, marchands de parapluies

jeudi 30 janvier 2020
par  Francis RENOUT
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Il pleut, il pleut bergère !

C’est l’automne depuis quelques jours dans le pays de Caux. En cette fin de septembre, la pluie s’est mise enfin à tomber après ces quelques semaines de soleil et de sécheresse. La nature n’attendait que ça. Debout à la fenêtre, deux questions me viennent à l’esprit : depuis quand et qui a inventé le parapluie ? Comment faisait-on autrefois pour se protéger de la pluie ? Le savez-vous ?

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Toute la pluie tombe sur moi !!! vite le parapluie .. En fait le parapluie a une très très longue histoire.

L’homme à toujours cherché à se protéger du soleil et de la pluie avec divers moyens. Mais comme on craignait plus le soleil que la pluie à une époque lointaine, le parapluie mit beaucoup de temps à apparaître. Jusqu’au début du XVIIIe siècle, la pluie obligeait les hommes à sortir couverts d’un chapeau en cuir à large bord et d’une cape qui protégeaient les vêtements, mais qui ne les empêchaient pas d’être trempés. Il en était de même pour les femmes qui utilisaient les même capes. La haute classe ne sortait pas quand il pleuvait et de manière générale, nos ancêtres comptaient plus sur leur long manteau ou paletot que sur leur parapluie pour se protéger de la pluie.

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Le parapluie, compagnon de l’automne, constitue l’une des nombreuses commodités de la vie qui semblent indispensables aujourd’hui. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, nos ancêtres ne connaissait pas ce bonheur de marcher sous une pluie battante en restant au sec. Il y a à peine 70 ans, avoir un parapluie était un luxe à la portée de peu de gens.

Le parapluie vient de l’ombrelle qui était utilisé comme parasol contre la chaleur et les rayons du soleil. Sa création remonte à des temps très anciens. l’ombrelle était un emblème universel de royauté et de pouvoir. PNG - 95.4 koPlus qu’une protection contre le soleil, elle servait donc surtout à manifester son statut royal ou divin. Ces ombrelles étaient utilisées en Chine, en Egypte, en Grèce et dans la Rome antique. Au Moyen Age et sous l’Ancien Régime, aristocrates et membres éminents du clergé ont recours à ce petit parasol pour se défendre du soleil.PNG - 227 ko En arrivant en France en 1533 pour s’y marier, Catherine de Medicis apporte dans ses malles l’ombrelle et l’éventail. Elle se fait bien rare de nos jours.

Au XVII è siècle, le parasol est revêtu de toile cirée et Tabarin écrit en 1622 « que c’est de son immense chapeau qu’on tira l’invention des parasols, qui sont maintenant si communs en France, que désormais on ne les appellera plus parasols, mais parapluyes et garde collets, car on s’en sert aussi bien en hyver contre les pluyes qu’en esté contre le soleil ».

Un artisan décida de créer un parasol avec du bouracan utilisable contre la pluie et de la toile cirée. Cet instrument était maintenu par un anneau de cuivre fixé à l’extrémité de baleines de 80 centimètres de longueur et un manche en chêne lourd, le rendant incommode, car il pesait 1600 grammes.

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Les premiers modèles de parapluie étaient lourds, difficiles à ouvrir, chers et finalement pas très commode à utiliser. Mais l’invention était là et son bénéfice en cas de pluie non négligeable. A cette époque, au XVIII ème siècle, il fallait accorder une grande attention à la manipulation et à PNG - 43 ko l’entretien de son parapluie. Un parapluie mouillé ne devait pas être replié car cela faisait rouiller le cadre et pourrir le tissu, il ne devait pas être posé contre un mur pour éviter les plis sur la toile. Il ne fallait pas saisir la toile avec les mains pour éviter les traces de gras et les décolorations. Lorsqu’il n’était pas utilisé, il devait être protégé de la poussière.

Peu à peu, au milieu du règne de Louis XIV, on l’utilisait régulièrement. Les maîtres boursiers-colletiers-pochetiers qui avaient le droit de les confectionner, remplaçaient alors la toile cirée par du taffetas gommé, tendu sur de légères tiges en jonc. Avec un anneau glissant le long du manche, on pouvait le fermer ; pour le rouvrir, on remontait l’anneau et on l’arrêtait avec une grosse épingle.

http://francescax8.unblog.fr/2014/04/11/histoire-de-la-mode-du-parasol-au-parapluie/

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Jean Marius, inventeur :

Le premier parapluie pliant est créé à Paris en 1705 par un commerçant français, Jean Marius, qui invente le « parapluie brisé » . Il se pliait en trois parties, se mettait dans un étui et tenait dans une poche. Jean Marius était maître boursier, spécialiste des mécanismes métalliques des fermoirs pour les sacs de plus de plus sophistiqués dont raffolait Versailles. Il peaufine son invention durant quelques années, avant, en 1709, de présenter une version aboutie devant le roi Louis XIV. Le 1er janvier 1710, Jean Marius obtient un privilège royal de cinq ans pour son invention du parapluie pliant dénommé « parasol-parapluye brisé à porter dans sa poche ». Leur forme est révolutionnaire, comme l’est la matière utilisée, imperméable. Le parapluie fait partie des dix inventions françaises qui ont révolutionné le monde.

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Le musée de la mode à Paris possède deux exemplaires de ces très rares parapluies à système Marius du début du XVIIIe siècle ; aucun d’eux n’étant signés, on peut en déduire qu’ils sont postérieurs à 1715.

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Et c’est en 1718 que le mot « parapluie » entre dans le dictionnaire.

En 1759, un savant français du nom de Navarre imagine le parapluie-canne, où la seconde sert d’étui au premier.

En 1839, c’est le roi Louis Philippe qui popularise le parapluie. Il est surnommé le roi-parapluie.

Aurillac, capitale française historique du parapluie, a toujours été considérée comme le cœur de l’industrie artisanale du parapluie même si les premiers ateliers étaient dans les environs de Paris. Il faut savoir que la production était hivernale, les différentes parties d’un parapluie fabriquées par des travailleurs à domicile étaient ensuite assemblées en atelier. Aux beaux jours, les fabricants, également colporteurs, reprenaient la route pour aller écouler leur marchandise aux quatre coins du pays. Certains ne sont jamais revenus, c’est ainsi qu’ont été créées les fabriques de parapluies d’Autun, de Chalon-sur-Saône, d’Angers, d’Amiens et même de Liège ou d’Utrecht.

En 1852, François Neyrat, colporteur, originaire de Corrèze, s’installe à Autun comme marchand fabricant de parapluies. La famille fondatrice qui tenait les rênes depuis six générations, cède l’entreprise en 1991. Vingt ans après la fermeture, Neyrat relance une production en 2013.

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Au XIX ème siècle, il y avait déjà, bien sûr, les Grands Magasins où les élégantes se pressaient : Au Bon Marché (1852) , A la Belle Jardinière (1856) , La Samaritaine (1869)...

Mais ne vous avisez pas d’en ouvrir un à l’intérieur, il paraît que ça porte malheur ! La tradition veut que cette superstition ait été inventée en Angleterre, au 18e siècle. À l’époque, les systèmes d’ouverture étaient moins commodes qu’aujourd’hui et il était fréquent que l’ouverture provoque des petits dégâts, renverse des vases, des cadres, voire blesse des personnes à proximité. Risqué…

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Les colporteurs :

« Habillé de velours et chaussé de gros souliers, vêtements choisis de façon à ne pas avoir trop froid l’hiver, ni trop chaud l’été, portant en PNG - 162.3 ko bandoulière des parapluies neufs et des parapluies vieux, de toutes sortes et de toutes les couleurs, à tous les prix et pour tous les goûts ». (Le colporteur, Musée d’art et d’archéologie d’Aurillac, fond Parry).

À une époque où la population était très majoritairement rurale, le colporteur proposait un large éventail de produits dans lesquels parfois il se spécialisait. Jusqu’à la fin 20e siècle, on trouvait sur les routes de France des colporteurs ou raccommodeurs de parapluies. Ces artisans itinérants venaient d’Aurillac et étaient spécialisés dans la réparationPNG - 362.5 ko et la vente de parapluies. Ils passaient dans les campagnes au moins une fois par an, au même endroit, tantôt à pieds, tantôt tirant une voiturette ou se déplaçant en voiture à cheval. Ils agitaient une clochette pour ne pas avoir à entrer inutilement. Si quelqu’un se présentait devant sa porte, il criait : « Parapluie ! Parapluie à raccommoder »

Le colporteur, même connu par ses visites successives, était vu comme un étranger. Cette particularité permettait de lui attribuer, faute de mieux, la responsabilité de certains méfaits.

https://www.lamontagne.fr/aurillac-15000/actualites/aurillac-et-la-longue-histoire-de-l-industrie-du-parapluie_12224319/

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Pierre Beis, marchand de parapluies :

Dans les registres d’Ypreville Biville dans le pays de Caux, on trouve le décès de Pierre Beis, daté du 13 avril 1838. Celui-ci, âgé de soixante quatre ans, a été retrouvé à six heures du matin, noyé dans une mare où il est tombé par accident. Pierre est né le 16 août 1773, à Saint Julien aux Bois, en Corrèze, dans le Limousin. Il est le fils d’Antoine Beis, mérandier, et de Marguerite Houllas.

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Chaudronnier puis marchand de parapluie, il épouse le 10 octobre 1805, à Yébleron, Marie Françoise Catherine Bellenger, fille de Jean Baptiste et de Catherine Marie Gueroult. Cette-ci est veuve de Laurent Denis Boivin qu’elle avait épousé le 20 février 1786.

Le 28 octobre 1805, nait un fils, Pierre Alphonse Stanislas, qui sera à son tour, marchand de parapluie. Célibataire, il décède à l’âge de 37 ans, le 18 décembre 1842, à Yébleron.

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Cela faisait plus d’un siècle que les colporteurs allaient se fournir en parapluies à Aurillac (Cantal) et les vendaient dans toute la France : ce fut le début de leur fortune, à l’origine de quelques grosses bâtisses de Saint Julien aux Bois, village d’origine de Pierre Beis. Sur la carte jointe, vous pouvez découvrir le chemin de randonnée des marchands de parapluies, situé en Corrèze. Le patrimoine architectural est le 1er point fort de cette randonnée.

Et pour aller plus loin dans la passionnante histoire du parapluie, vous pouvez consulter le livre de Jean Piganiol, paru en 2014.

F,Renout
(Administrateur cgpcsm
R

Sources :
L’histoire du parapluie à travers les siècles
Hérodote, le média de l’histoire
Histoire de la mode:du parasol au parapluie


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