Erreurs de noms sur les registres paroissiaux

lundi 20 février 2017
par  Francis RENOUT
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Erreurs de noms dans les registres paroissiaux

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En faisant des recherches sur une famille entre 1706 et 1721 dans le Pays de Caux, je fus très étonné de trouver trois noms différents pour une épouse. Au départ, je pensais qu’il s’agissait de trois familles différentes ce qui s’avéra faux après quelques recherches.

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L’histoire qui va suivre, ainsi que les documents, nous montrent que la tenue des registres paroissiaux laissait souvent à désirer malgré les contrôles exercés par les évêques à l’occasion des visites pastorales ou par l’administration royale et sa cohorte de petits officiers.

En l’an de grâce 1706, le 15 février, à l’église Saint Pierre d’Houdetot, Pierre Gruel se marie avec Catherine Godefroy. Ils sont âgés respectivement de 28 et 21 ans et originaire de ce petit village.

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Bientôt dix enfants vont naître : 7 entre 1706 et 1717 à Houdetot et 3 entre 1719 et 1721 à Drosay dont deux jumeaux. Les trois avant-derniers décéderont rapidement.

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C’est donc entre ces deux paroisses, avec des prêtres différents suivant les années, que ce produit l’énigme des trois noms différents pour l’épouse constatés sur les registres paroissiaux !

Sur cette période de naissances de 15 années, on constate les noms suivants très différents : GODEFROY....DAVID....ROMAIN.

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“L’erreur est humaine”, comme le dit le proverbe, et elle l’est tout particulièrement en matière d’état civil surtout avant la période révolutionnaire.

Les généalogistes en savent quelque chose : qui n’a jamais rencontré la mention du nom de son ancêtre rédigée de façon fantaisiste, phonétique ou avec une faute énorme ? C’est ainsi, l’humain n’est pas parfait, et nos amis les curés ou officiers d’état civil ne l’étaient pas plus que nous. Mais ne les incriminons pas trop, car il n’y a jamais eu de règle en matière de noms de famille à cette époque.

Nous avons tous remarqué que nos amis les curés, pendant l’Ancien Régime, écrivaient de façon très différente les uns des autres. Certains “comme des cochons”, d’autres avec application. Mais dans tous les cas, pas une orthographe de nom n’est identique et pour cause, il n’y avait ni loi ni obligation en la matière. La population étant majoritairement analphabète et cela n’était alors, il faut bien l’avouer, guère un problème, ni pour l’administration ni pour les principaux intéressés.

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Pour en revenir à notre famille, je décidai de faire mon enquête afin de pouvoir comprendre ce qui s’était passé. Dans ce cas, ce n’était pas un problème de phonétique ! Incompréhension ou confusion du prêtre lorsque celui-ci a demandé le nom de l’épouse au conjoint ou aux parrain et marraine ? Certainement !

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Elle se nomme Godefroy lors des naissances de Pierre Adrian en 1706, Catherine en 1707, Guillaume Charles en 1710 et Nicolas en 1713 à Houdetot.

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Elle se nomme David lors des naissances de Marie Anne en 1712, Suzanne en 1715, Symon en 1717, François en 1721. De même pour le mariage de son fils Nicolas en 1744, toujours à Houdetot. Si vous avvez bien suivi, à la naissance de Nicolas, sa mère se nommait Godefroy.

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Elle se nomme Romain lors des naissances de Christin Georges et de Simon Michel, nos jumeaux, en 1719 à Drosay.

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Il n’y a pas non plus d’ordre chronologique de changement de nom par rapport aux années de naissance. Par contre, en regardant de plus près les prénoms et noms de ses parents, on peut penser pouvoir régler en partie cette énigme !

Ses parents sont David Godefroy et Marie Romain.

On retrouve notre patronyme DAVID pour l’épouse dans le prénom du père et le patronyme ROMAIN avec le nom que porte sa mère.

Est ce l’explication ? Dieu seul le sait............................

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Voici ci-dessous quelques exemples de sanctions émises envers les prêtres par le procureur du Roi constatés sur les Registre des baptêmes de Escles (Vosges), année 1774 :
" Nous Conseillers au Baage (bailliage) Royal de darney ; procédant à la vérification des registres de la paroisse d’Escles, ouïs Mr Brigot, Conseiller ; avons remarqué que dans un acte de sépulture du dix avril dernier qu’il n’y a qu’un témoin qui ait signé ; que dans un acte de mariage du 20 juin, le contractant est dit fils mineur dont ses pères et mères sont morts, n’étant pas annoncé si il est en tutelle ou curatelle ; qu’il n’y a qu’un témoin qui a signé avec le curé dans un acte mortuaire du six aout dernier, et plusieurs autres formalités oubliées et essentielles dans plusieurs actes du présent registre, ce qui est contraire à l’arrest de la Cour du 11è janvier 1774 ; fait en la Chambre du Conseil ce 28è mars 1774. "

[Signé] Bigot Basset

Soit communiqué au procureur du Roy ce 28è mars 1774.

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" Le procureur du Roy du Baage Royal de darney soussigné qui a pris connaissance des actes de baptêmes mariages et sépultures inscrits aux registres de la paroisse d’Escles, en l’année 1774 notament ceux des 10 avril 19 juin et six aout énoncés au procès verbal çÿ dessus et d’autre part

requiert Mr Corizot pretre et curé du lieu et même que son vicaire, etre ensemble condamnés en dix livres d’aumones applicables au pain des prisonniers de cette ville pour n’estre dans la rédaction des actes conformes au prescrit de l’arret de la Cour du 11è janvier 1774. Darney le 15è may 1774.

Nous Conseillers au Baage Royal de darney vu les réquisitions du procureur du Roy et y faisant droit, nous avons condamné Mr Corizot prestre et Curé d’Escles en dix livres d’aumone applicables au pain des prisonniers de cette ville ; fait et jugé à la Chambre du Conseil ce 20è may 1774."

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À partir de 1667 et l’ordonnance de Saint-Germain-en-Laye, la tenue des registres s’améliore et l’enregistrement des actes se normalise. Hélas pour nous généalogistes et historiens locaux, la mise en application de ce texte tarde à se généraliser dans toutes les paroisses, comme l’atteste une enquête du Parlement de Paris réalisée de 1769 à 1789 et qui dresse un sévère inventaire des négligences qui perdurent  : tenue incohérente des registres  ; omissions ou discordances d’un registre à l’autre  ; actes incomplets ou parfois inachevés  ; usage du patois  ; chronologie non respectée  ; erreurs sur les noms, les dates et les mentions détaillées  ; blancs, ratures, surcharges  ; défaut de signature du curé ou des parties intéressées  ; dispersion des actes sur des feuilles volantes  ; registres non paraphés  ; défaut de dépôt aux greffes ou erreur sur le lieu du dépôt…

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Si, dans l’ensemble, l’obligation d’une rédaction des registres paroissiaux en double exemplaire est peu à peu respectée, il n’en reste pas moins que, jusqu’aux alentours de 1737, la copie est souvent bâclée et n’offre qu’une pâle ressemblance avec l’exemplaire original. Ainsi, les détails des actes sont souvent absents et les mentions insolites, au caractère spontané et illégal, ne sont quasiment jamais reportées sur le double. Il importe donc d’établir une distinction essentielle entre le registre original, celui que le prêtre conserve à la cure, et le double recopié à partir de l’original et ensuite déposé au greffe du bailliage.

Pour conclure, il est évident, comme vous le savez déjà d’ailleurs, qu’il faut être très vigilant lorsque vous faites vos recherches.

F,Renout (18/12/2016)
Sources : suite à une recherche familiale personnelle


Documents joints

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